Tout est fait pour cette équipe nationale, mais on oublie l'essentiel: la formation. Rabah Saâdane serait tenté par tout laisser tomber et ne plus entraîner l'équipe nationale. Le coach national nous l'a bien fait comprendre en exclusivité (et non à la radio comme on tente de le faire croire) dans le long entretien qu'il nous a accordé et qui est paru dans notre édition du mercredi 25 juin dernier. Il s'est montré, au départ, hésitant pour nous parler de cela, mais par bribes de mots, puis d'une manière plus déliée, il nous a fait part de son dépit de ne pas obtenir ce qu'il voulait. Pas en termes de résultats sportifs, mais de moyens mis à sa disposition. On croit savoir qu'il y aurait même une histoire de contrat le liant à la FAF mais sans en connaître, cependant, le fond. Nous avions eu le privilège d'effectuer le récent déplacement en Gambie avec l'équipe nationale. Bien que ne séjournant pas dans le même hôtel que le Onze national, nous étions au plus proche de ce dernier. Tout au long du séjour, il n'était apparu une quelconque mauvaise humeur de l'entraîneur national, qui avait fait son boulot le plus normalement du monde. Le président de la FAF, Hamid Haddadj était de la délégation et s'était montré serein en dépit de la difficulté du match contre la Gambie. Il nous disait qu'il avait confiance en Saâdane et en sa capacité de mener à bon port l'équipe nationale. C'est dire que le patron du football algérien ne semblait pas du tout remonté contre son entraîneur du moment que c'est lui qui l'a engagé. Dans un certain sens, ils étaient embarqués sur le même bateau et si celui-ci venait à couler, ce sont les deux qui seraient emportés. Juste après le match contre la Gambie à Banjul, nous avions abordé Saâdane, d'une manière privée, à savoir qu'il n'y avait aucun autre confrère à nos côtés. Il était vraiment remonté contre l'arbitre et semblait même reprocher à ses joueurs d'être tombés dans son jeu consistant à les déstabiliser. Et puis, dans un geste de dépit, il nous avait lancé: «sincèrement, je me demande s'il ne vaut pas mieux tout laisser tomber.» Nous n'avions pas voulu chercher à en savoir plus, car Saâdane avait vraiment de la peine. Cela se voyait à la mine qu'il arborait, celle d'un homme qui semblait ne pas obtenir ce qu'il demandait. Au cours de l'entretien qu'il nous a accordé à Alger au moment où il était question du cas de Nadir Belhadj, il nous a dit textuellement: «C'est un garçon (Belhadj) pour lequel les portes de l'équipe nationale resteront ouvertes. En tout cas si je suis là et si c'est quelqu'un d'autre, j'espère qu'il en fera de même.» Déjà, là, on sentait que le Rabah Saâdane, que l'on avait devant nous, avait, dans son esprit, l'éventualité de quitter son poste d'entraîneur de l'équipe nationale. Il faut dire que tout ce qui se fait dans le football national ne l'encourage guère à continuer de la sorte. Il lui est reproché d'avoir un salaire royal mais c'est oublier que ce n'est pas lui qui a inauguré l'ère des gros salaires pour les entraîneurs de l'équipe nationale de football. Avant lui, d'autres coachs nationaux émargeaient, eux aussi, dans des contrats à plusieurs zéros. Et puis, c'est oublier que certains entraîneurs prennent eux aussi des sommes faramineuses pour un résultat des plus médiocres. Ces entraîneurs de clubs ont, entre autres, comme mission celle de préparer convenablement leurs joueurs, notamment les internationaux de manière à ce que ceux-ci arrivent en sélection dans une forme appréciable. Cela fait des années que les entraîneurs nationaux nous disent que les joueurs locaux qu'ils reçoivent en équipe nationale manquent de préparation. D'un autre côté, on se lamente sur le fait que la formation soit le parent pauvre du football algérien alors que ce dernier ne cesse de faire étalage d'une certaine fortune dans des opérations de recrutement de joueurs sans talent. «J'ai toujours plaidé pour que cet argent des transferts soit orienté vers la formation. Il y a là une manne financière considérable», nous a dit Rabah Saâdane en aparté. Qui peut faire cela en dehors de celui qui finance et qui contrôle, c'est-à-dire l'Etat? Mais on laisse faire et on se contente de déplorer que ce sport ne produise plus de grands joueurs. Dans l'argent qui est versé à la FAF au titre de la refondation du football, la plus grosse part va à la prise en charge des équipes nationales, notamment celle des A. Celle-ci devrait être la sélection des meilleurs joueurs du pays, des joueurs de qualité qu'on ne trouve plus chez nous par la faute d'un ratage en règle en matière de formation. A quoi cela sert-il de mettre le paquet sur une équipe nationale dont on n'est jamais sûr qu'elle obtiendra des résultats probants? Ne faudrait-il pas mieux investir sur l'avenir et sur la formation en vue de créer une véritable élite? Malheureusement, ce n'est pas du tout ce qui se passe avec une FAF obligée de mettre le paquet sur l'équipe nationale A parce qu'on lui demande des résultats immédiats. C'est tout cela qui met Saâdane en rogne, s'apercevant que l'on est en train d'avancer sans vraiment savoir où l'on va. Il y a aussi le fait qu'une certaine part de l'argent investi gagnerait à être mieux orienté. On vient d'appendre, par exemple, que Peter Schnittger va être conservé à son poste de directeur technique nationale bis. On se plaint que Saâdane perçoive un salaire de 100 millions de centimes par mois mais on oublie que l'Allemand émarge, lui, à 15.000 euros mensuels soit plus de 150 millions de nos centimes. Cela sans oublier sa prise en charge pour les impôts, pour son hébergement, pour sa restauration et pour son transport. Au bas mot, Schnnittger doit revenir à 300 millions de nos centimes par mois au contribuable algérien. Grand bien lui fasse s'il nous gratifiait d'un travail hors normes. Cela ne semble pas être le cas et n'importe quel entraîneur sorti de l'Ists est capable de faire le travail de Schnittger à la condition, bien sûr, qu'il puisse bénéficier de tous les moyens dont dispose l'Allemand, notamment avec des Instituts de formation entièrement à ses ordres et tous les DJS du pays qui activent pour ses bons soins. En dehors de cela, notre équipe nationale ne dispose pas de centre de regroupement. Elle en est, en 2008, à être hébergée dans des hôtels, au milieu de la clientèle de ces derniers, lors de ses stages. Elle ne dispose pas également, dans tous le pays, d'un stade capable de lui fournir un terrain avec un gazon en bon état. Ce sont des paramètres de ce genre qui font que des gens comme Saâdane en viennent à vouloir éviter de trop s'investir dans le football algérien. Et cette manie de vouloir tout, tout de suite, avec rien comme joueurs, continuera à nous mener dans des sentiers où l'à-peu près l'emportera sur la rigueur et le travail bien fait. C'est là tout le drame du football algérien et même du sport tout court.