La transe conjuguée à la prière, illustrait la magie spirituelle que charriaient ces chants séculaires populaires. Le Rotaract Alger la Baie, association de jeunes entre 18 et 30 ans, a organisé, dimanche dernier, un concert caritatif avec le groupe El Aama (ex-Farda) afin de récolter des fonds pour aider des familles démunies pendant le mois sacré de Ramadhan et doter les enfants d'une école de la région d'Ouled Djellal en fournitures scolaires. Une cause juste à laquelle le public a répondu présent et surtout vibré dans une ambiance digne de fête de mariage au son de cette musique durant près de trois heures de folie. El hadj Bouhazma, le responsable de la troupe, nous confie la genèse de «l'affaire» El Aama. Au fait, nous apprend-on, il ne reste que deux musiciens d'El Ferda. Rejoints par huit autres et une jeune interprète du Sud, Khadija Abada, ils ont formé El Aama, une ancienne troupe qui fait partie d'une association - qui existe depuis 1991 - de sauvegarde de la musique populaire en Algérie. «El Aama est l'ancien nom du groupe El Ferda. Cela rassemblait tous les gens de la région ou du village qui assistaient à la fête, dont les vieux, les ulémas, les étudiants, les paysans, les riches et les pauvres, toutes les catégories sociales pouvaient y accéder. Avant, on y interprétait uniquement les tawasoulat religeuses. Après le départ des vieux, tard la nuit, les jeunes revenaient pour chanter des quaçaïdes gharamia», les élèves ou adeptes des machaïhs commençaient ainsi à s'adonner à des morceaux plus légers. On accédait, nous dit-on à la tekssira, autrement dit au chiîr el malhoun. D'autres instruments comme le def sont inclus pour faire augmenter la cadence du rythme. Prolixe, M.Bouhazma nous indique que de son pied ou «ferda», on parvient à créer sur le tapis le son de la basse. Ce n'est que par la suite que des instruments, comme le luth, le mandole ou encore el rebab et le kaman ont été rajoutés et aussi le banjo, la derbouka et le mehraz (pilon) pour faire monter la sauce. Le groupe apporte aujourd'hui des variantes et enrichit sa musique de violons, de mandoles, de banjos ou de mandolines. La cadence atteignit, en effet, son paroxysme quand les musiciens debout, tambour à la main, le public dansait et se déchaînait comme un diable. La transe, conjuguée à la prière illustrait la magie spirituelle que charriaient ces chants séculaires traduits harmonieusement dans des compositions musicales enivrantes, tirées du patrimoine populaire. Ces musiques alliaient, tour à tour, des sonorités gnaoua, des houaza de Tlemcen et du Maroc, de la çanaâ algéroise, de chaâbi, de chants liturgiques et de melhoun... «On s'est séparé d'El Ferda pour créer notre association afin de préserver notre patrimoine du Sud algérien sous l'intitulé Association du patrimoine des arts populaires généraux», nous indiquera encore El hadj Bouhazma qui refuse d'attribuer le gnawi comme style musical au répertoire de sa troupe. «Nous jouons les styles maghrébins qui se font ici et au Maroc, on y a ajouté le aïssaoui, et d'autres touboue du folklore traditionnel algérien, contrairement au groupe El Ferda qui ne joue que les musiques spécifiques à Kenadsa. Mais le chant reste le même, sauf que nous, on a pris l'initiative d'enrichir le répertoire, d'où le nom El Aama». Et de faire remarquer: «Cette troupe est un héritage légué de père en fils. Mon père faisait partie d'El Ferda, Zoubir Abdelkader, on peut dire qu'il est l'un des piliers de cette formation. C'est son aïeul qui a créé la quaçida de cheikh Ben Bouziane, que le groupe joue sur un tampo hidous (berouali Ndlr)...». Côté projet, El Aama espère sortir plusieurs albums pour faire connaître sa musique et se produire partout, notamment à l'étranger où il est prévu un concert en Suisse...Alors bon vent!