Une bombe de fabrication artisanale a explosé avant-hier faisant deux blessés. La région de Boghni a occupé ces derniers temps, la «Une» de la presse à son corps défendant. Moins d'une dizaine de jours, après la macabre nuit où un groupe terroriste fit incursion dans un bar pour égorger de façon atroce un gardien de prison et enlever un émigré relâché contre le paiement d'une rançon, la région se signale de nouveau par l'explosion d'un engin artisanal placé dans une poubelle à la sortie ouest de la ville. Un tronçon routier fréquenté par les convois de l'armée et, notamment, par les militaires du poste avancé stationné un peu plus loin, et la population se déplaçant à Draâ El Mizan. Des natifs de la région essaient d'expliquer ce fait par plusieurs éléments, les uns géographiques comme le relief de cette région sise au pied du Djurdjura avec des massifs forestiers encerclant pratiquement cette zone comme Boumahni au nord-ouest, El Maj située à l'est et le Bou-Djurdjura dans les contreforts du Djurdjura, sans compter la proximité des zones encore infestées de Kadiria, dans la partie nord-ouest de la wilaya de Bouira. Cela sans oublier que plusieurs jeunes gens ont été trompés par la propagande mensongère des «recruteurs» du Gspc, notamment dans la région d'Aïn Zaouïa. A première vue, la région de Boghni ayant tôt versé dans la mouvance démocratique, est en somme immunisée contre le virus intégriste, mais la réalité du terrain est hélas d'une autre nature. Dans la région, il n'est plus rare de voir les tenues étrangères tels les accoutrements afghans et les barbes teintes au henné circuler en ville et les filles qui ont commencé à se «hidjabiser» relativement d'importance. Le discours a également changé ou plutôt s'est mué en versant dans une religiosité excessive. Certes, à Boghni, ce discours et ces accoutrements ne tiennent pas encore le haut du pavé mais, insidieusement, ils se font une certaine place notamment, parmi les jeunes gens. Du discours au pragmatisme suivi par certains qui disaient faire face aux terroristes: «Cela ne me regarde pas, du moment qu'ils ne s'attaquent pas aux civils.» Un pragmatisme «ravageur» face aux hordes terroristes qui ont saisi l'importance de la région grâce aux «possibilités» offertes par son relief et sa dense couverture végétale, tout cela, joint à certains dysfonctionnements de l'école qui a permis aux suppôts de l'intégrisme rampant de développer leur discours et de semer les germes du wahhabisme. Tous ces éléments ont fait que cette région réputée jadis comme étant le berceau des luttes démocratiques, a versé, peu à peu, vers l'autre bord. Il n'est pas rare d'entendre aujourd'hui des jeunes notamment, tenir des discours dignes des épigones du parti dissous. Des économistes expliquent ces «déviations» par le fait que le chômage bat son plein. En effet, et dans les hameaux et villages de la région, les cohortes de jeunes gens sont là à attendre un hypothétique emploi ou alors pour ceux qui semblent immunisés du virus «intégriste», à rêver d'un ailleurs où il «fait mieux vivre». D'ailleurs, dans cette région, la harga est une vieille connaissance. Plusieurs jeunes gens sont ainsi partis s'installer en Afrique du Sud. Ce qui a fait dire à plusieurs jeunes rencontrés en ville que «les meilleurs ont pris leur courage à deux mains et sont partis ailleurs où ils commencent à vivre enfin». De fait, avec l'interpénétration des choses et avec ces turpitudes de la vie, et aussi cette faiblesse caractérisée des partis démocratiques à impulser un rêve pour les jeunes, il semble urgent de penser à ceux de Boghni et de faire en sorte que les fleurs s'épanouissent sur les flancs du Djurdjura.