Pour instruire la communauté musulmane du «bel exemple en l'Envoyé de Dieu», des docteurs de l'Islâm du viiie siècle ont élaboré des systèmes juridiques. C'était des érudits musulmans dont la fermeté de leur critique et la sincérité de leur foi avaient permis de fonder el-Madhâhib, des systèmes juridiques formant des Ecoles dites orthodoxes. Puisant leur savoir dans le Coran et dans la masse des ahâdîth du Prophète (QSSSL), ils ont établi, en réponse aux besoins de la société de l'époque, l'authenticité historique et exemplaire de la Sîra de Mohammed (QSSSL), c'est-à-dire de ce qu'il est convenu d'appeler aussi l'authentique Tradition (es-Sounna). C'est très tôt, en Islâm, que les juristes se sont mis à considérer le «droit» comme une urgence pour mettre de l'ordre dans la vie sociale et civile. Des divergences ont surgi parmi les théologiens-juristes, les uns se réclamant de la seule Tradition, les autres, souvent face à des questions embarrassantes, recourant à leur opinion personnelle. Pourtant, leurs méthodes de jurisprudence, qui en apparence sont différentes, se rejoignent sur de nombreux points de pratiques du droit canon (fiqh). Quatre Ecoles (Madhâhib), traitant de la loi musulmane, sont généralement reconnues toutes importantes dans le monde musulman et leurs méthodes mises en pratiques selon les tendances religieuses et les rites juridiques développés dans tel ou tel pays d'Islâm. Certains spécialistes disent que les différences, bien que minimes, sont «une facilitation permise», «un don de Dieu» pour la Communauté de Mohammed (QSSSL). La première Ecole, sans doute la plus ancienne, est celle des Malékites, fondée à Médine par Mâlik ben Anas, né à Médine en 97 et mort en 170 de l'Hégire. Il est juge de Médine et auteur d'un ouvrage célèbre intitulé el-Mouatta («le bien aplani») qui est à la fois un traité de fiqh et un recueil d'ahâdîth. Il admet comme sources de la Loi le Coran et la Sounna, et c'est au dernier recours qu'il use de l'interprétation personnelle, le rây, sous la forme du consensus (el-idjmâ‘). Ainsi, sur une question donnée, à côté de la Tradition, il met en vigueur une décision juridique, la fatwa. La deuxième Ecole, tout aussi importante, est fondée par Abou Hanîfa, né à Koufa (mort en 151 de l'Hégire). Persan d'origine et arabe de langue, il est juriste, mais non juge. Après le Coran et la Sounna, il introduit l'opinion personnelle (er-rây) sous la forme du principe d'analogie (qiyâs), proche du droit libre et donc du raisonnement. C'est le principe d'istihsân qui est de «choisir la solution la meilleure». Mais ce principe, souvent discuté, est parfois soumis au principe d'istiçlâh, «recherche du bien commun de la communauté». La troisième Ecole, suivie par les Chafiites, est fondée par Mohammed Ben Idrîs ech-Châfi‘î, né à Ghaza en 150, mort en 204 de l'Hégire. Après le Coran et la Sounna, il élargit le concept de l'idjmâ‘ tout en réclamant l'accord unanime des docteurs d'une période donnée, conformément au hadîth suivant: «Ma Communauté ne tombera jamais d'accord sur une erreur». La quatrième Ecole a pour grand cheikh, Ahmed Ibn Hanbal, né à Baghdad (mort en 242 de l'Hégire). Cet ancien élève d'ech-Châfi'î se déclare contre toute innovation, n'admettant pour seules sources de la Loi que le Coran et la Sounna. Plus théologien que juriste, très attaché à l'orthodoxie, il ne recourt au jugement personnel qu'en cas de nécessité absolue. Chacune de ces Ecoles a son territoire dans le monde musulman. Son champ d'action évolue et se renouvelle. Le malikisme est répandu en Afrique du Nord, en Haute-Egypte, Afrique occidentale et Soudan. Le hanafisme s'est développé en Turquie, aux Indes et en Chine. Le chafiisme est en Basse-Egypte, au Hedjaz, en Afrique orientale et méridionale, Palestine et Insulinde. Le hanbalisme se retrouve en Syrie, en Irak, et peu dans le Nedjd (Arabie). Autour ou à côté de ces Madhâhib et ailleurs se sont manifestées des réactions sectaires qui ont connu, et qui connaissent encore, des fortunes diverses. De toute façon, il y a, comme dit le commun, toujours des problèmes dans la ‘imâra, dans Cité. Mais cela est...un autre problème! P.S.: Nos lecteurs ont appris, dans L'Expression du 07.09.2008 sous la plume de notre confrère R.C., le décès (dans la nuit du 2 au 3 septembre dernier) de Charles-Robert Ageron. Il avait 85 ans. Il était un éminent historien et ami du peuple algérien. Il a exercé en qualité de professeur d'histoire au lycée Gauthier d'Alger (aujourd'hui lycée Omar Racim) à partir de 1947 et a demeuré dix ans dans la ville. Tous ses travaux sont consacrés au droit des peuples colonisés; ses ouvrages sur l'Algérie sont nombreux. Le Temps de lire se propose prochainement de rendre hommage à cet esprit ouvert aux espérances de tous les Damnés de la terre, en présentant une de ses publications.