Des syndicalistes s'arment de courage et brisent l'omerta légendaire de la Centrale. Des déclarations fracassantes s'en suivent; pas moins de cinq wilayas optent pour une soft dissidence et une sorte d'opposition citoyenne s'installe déjà à l'historique Centrale. Lors d'un sit-in tenu hier à la Maison du peuple - lequel a été en fait avancé puisqu'il était programmé pour le 26 de ce mois - Khoulalène, Djahnine et bien d'autres membres de la Fédération nationale des travailleurs de l'éducation (Fnte) affiliée à l'Ugta, haranguaient la foule sous le soleil de midi en ces termes: «Ce début de rassemblement marque notre seule voie de salut, nous ne sommes pas contre la concertation, mais contre le dialogue de sourds. Non pour un syndicat de khoubzistes L'argent est chez eux, c'est à eux de nous comprendre et non le contraire.» Cette envolée oratoire arrosait alors un auditoire représentant plus de cinq wilayas, à savoir Béjaïa, Alger, Jijel, Guelma, Tizi Ouzou et Oum El-Bouaghi. Cette colère couvait déjà dès la dernière rencontre Fnte -ministère de l'Education qui, selon la base syndicale, a tourné au fiasco, puisque aucun satisfecit n'a été apporté au cahier des revendications du syndicat des travailleurs de l'éducation, appuyé par une grève suivie à près de 95%. La principale attente des travailleurs reste, à ce jour, l'augmentation des salaires. Et ils ne sont pas près de lâcher prise sur ce point précis. «Les réformettes ne se feront pas sans nous, nous voulons un véritable salaire» entend-on encore. Ou bien cet appel lancé par un représentant de wilaya: «On appelle à l'union, nous restons mobilisés et nous payerons le prix qu'il faudra.» Mais ne voulant certainement pas être pris pour des apôtres de la dissidence pure et dure, ceux qui se démarquent ainsi de Djebbar Brahim, secrétaire général de la fédération, tiennent à préciser: «Attention à la division, nous ne sommes pas ici pour régler des comptes, mais pour une seule cause: l'augmentation des salaires.» S'exprimant au nom de la coordination de Bab El-Oued, un autre syndicaliste dira: «Cinq wilayas viennent de sauver la Fnte, non à la fracture, oui pour de nouveaux équilibres de forces.» La vigueur avec laquelle se sont exprimés les syndicalistes hier, laisse entendre que les verrous qui tenaient en réserve les fédérations ont sauté et ce, au moment où le Président de la République inaugurait des infrastructures scientifiques dans la capitale et parlait de réforme de l'école. Par ailleurs, hier, on s'est élevé contre le syndicalisme presse-bouton: «Les travailleurs veulent que l'Ugta soit démocratique et compétente, qu'elle fonctionne à l'horizontale. Le temps de la peur est révolu.» Ajoutant: «Que le gouvernement soit responsable et qu'il mette la main à la poche pour améliorer la condition des enseignants et de la pédagogie.» Toutes ces déclarations inédites augurent donc d'un véritable, «corps-à-corps entre les représentants de la base syndicale et les appareils de l'Ugta». Le temps des rénovateurs de l'Ugta serait-il arrivé? «Nous n'avons pas d'analyses à faire à la place du pouvoir, car notre vocation est de militer pour satisfaire des revendications légitimes. Que l'on construise un nouvel équilibre de forces», laissait-on entendre, en cette première journée de bac blanc. A la veille des examens de fin d'année, le monde de l'éducation est encore en ébullition.