Il a régulièrement réclamé un travail de prédication effectué clandestinement durant deux décennies dont il défend le fruit convoité par d'autres partis. Sa visite à L'Expression a été l'occasion pour les journalistes d'éclairer quelques zones d'ombre du profil de cet islamiste de la première heure. Né le 23 janvier 1942, à Blida, Mahfoud Nahnah est licencié en lettres arabes et en psychologie industrielle. Affilié au mouvement des Frères musulmans, il cultive l'image de l'islamisme modéré face au radicalisme du FIS. Accusé d'avoir mené double jeu, la classe politique lui reproche à maintes reprises de pousser trop loin son compromis avec le pouvoir. Ce réalisme, qu'il pousse aux limites les plus extrêmes, le cheikh ne s'en offusque nullement. Il répond à ses détracteurs: «Je préfère être en bonne intelligence avec le pouvoir national qu'avec des forces étrangères.» Ce réalisme, en effet, l'a, jusqu'à maintenant, constamment mis du côté du pouvoir. Il s'accommode sans état d'âme de l'arrêt du processus électoral en janvier 92 et assiste à la première rencontre de Sant'Egidio, qu'il fustigera par la suite en la considérant comme une ingérence étrangère. C'est que Nahnah s'est toujours posé en adversaire des extrémismes quels qu'ils soient. Il a régulièrement réclamé un travail de prédication effectué clandestinement durant deux décennies dont il défend le fruit convoité par d'autres partis islamistes. Le chef du MSP, qui participe à la campagne des législatives, appelle le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à en finir avec la période de transition et constituer au plus tôt un gouvernement d'essence nationaliste et théocratique. Selon cheikh Nahnah qui, en 1999 a appelé à voter pour le Président Bouteflika, le MSP se doit désormais d'être le fléau de la balance c'est-à-dire du consensus. Ce dernier ayant pour souci les équilibres politiques, culturels et religieux. Ainsi, si l'homme en l'alpaga et à la barbe taillée a encore de nombreux détracteurs, il n'apparaît nullement comme adepte de la diatribe ou de la polémique politicienne. Rivé à son objectif, il s'apparente à un homme d'action efficace et tout le temps sur le qui-vive. Néanmoins s'il a auparavant souligné dans ses écrits que le pouvoir et les Etats occidentaux ne sont pas prêts à admettre un Etat démocratique en Algérie et qu'il est absolument exclu qu'ils admettent un état islamique, cheikh Nahnah se rétracte aujourd'hui et précise que les premiers bénéficiaires de l'avènement de la démocratie dans notre pays sont justement les pays occidentaux, notamment la France et les Etats-Unis. De 1976 - où il a été condamné à 15 ans de prison pour avoir scié des poteaux électriques, et libéré quatre années plus tard - à 2002, le vénérable cheikh aura certainement réussi en politique grâce à son... entrisme. Naviguant depuis le 6 décembre 1990 sur le navire Hamas, le capitaine à la vision lointaine peut, encore une fois, créer la surprise à la faveur de son sens des réalités. Car en politique ce dernier a valeur de sixième sens et peut, à coup sûr, être payant. A ce jour la politique a donc donné raison à Mahfoud Nahnah qui sait cacher son jeu.