Le nouveau sélectionneur espagnol aura la rude tâche de maintenir le cap à une équipe championne d'Europe. Trois mois après avoir pris le relais de Luis Aragonés à la tête de l'équipe championne d'Europe, Vicente del Bosque a reçu FIFA.com dans son bureau de la fédération espagnole, où il prépare les deux prochains matchs de l'Espagne, contre l'Estonie et la Belgique. Placide et réfléchi, deux qualités qui l'avaient aidé à gérer un vestiaire aussi complexe que celui du Real Madrid des Galactiques, le technicien de 57 ans répond systématiquement à nos questions au pluriel. Une façon de nous dire toute l'importance que revêtent ses collaborateurs, en qui il a toute confiance. A la tête de la Roja, il doit relever plusieurs défis qui tiennent de l'évidence: entretenir la vague d'optimisme qui porte l'équipe et les supporters, et conquérir de nouveaux titres. M.Del Bosque, vous avez étrenné le banc de l'équipe d'Espagne en remportant trois victoires consécutives. Que pensez-vous de vos premiers pas à la tête de cette équipe? Ils m'ont permis de me familiariser avec cette nouvelle situation. Tout le monde m'a beaucoup aidé. C'est vrai que les deux bons résultats obtenus en match officiel ont permis de continuer de surfer sur la vague d'optimisme qui porte l'équipe d'Espagne. Ces six points sont très importants: ils nous permettent d'aborder plus sereinement notre avenir dans un groupe qui sera sans doute compliqué, dans la mesure où il compte plusieurs candidats à la qualification pour la Coupe du Monde. Pour l'instant, vous avez affronté les deux équipes les plus accessibles: la Bosnie-Herzégovine et l'Arménie... La Bosnie, je ne suis pas sûr que l'on puisse la qualifier d'accessible... Cependant, les deux adversaires les plus compliqués devraient être la Belgique et la Turquie, non? Pour ma part, j'ajouterais volontiers la Bosnie dans ce lot. Elle a les moyens d'aller chercher l'une des deux premières places. Les Bosniaques méritent tout notre respect. Ils nous ont posé pas mal de problèmes et ils ont marqué sept buts lors de leur deuxième match. Ce sont des joueurs très expérimentés, qui évoluent dans de grands clubs européens. Evidemment, la Turquie a un groupe très compétitif, avec des joueurs qui regorgent de courage. Son championnat ne cesse de progresser, avec l'apport de joueurs et d'entraîneurs étrangers. Et ils sont présents dans toutes les compétitions internationales. La Belgique a renouvelé une part importante de son effectif. Il lui reste quelques vétérans, mais elle s'appuie essentiellement sur une équipe olympique qui avait réussi un excellent résultat à Pékin. Il y a de très bons joueurs, ce sera un rival compliqué. Comptez-vous demander des renseignements à Luis Aragonés sur la Turquie? Si j'en ai besoin, bien sûr, il n'y a aucun problème entre nous. En plus, il serait sans doute très réceptif. Vous savez, ces Turcs, nous commençons à bien les connaître, non seulement parce que nous avons entraîné là-bas (Del Bosque s'est assis sur le banc de Besiktas en 2004/2005), mais surtout parce qu'ils réussissent d'excellentes performances sur la scène internationale, comme lors du dernier Euro. En plus, à de rares exceptions près, tous les joueurs viennent de Galatasaray, Fenerbahçe, un peu de Besiktas et de Trabzonspor. Après l'Euro, vous avez trouvé un vestiaire très soudé et très proche de votre prédécesseur, Luis Aragonés. Comment les joueurs vous ont-ils reçu? Très bien, sans problème. Ce sont des garçons très corrects. C'est moi qui doit faire des efforts pour ne pas briser cette belle harmonie. Vous qui êtes habitué au quotidien d'un club, au contact fréquent avec les joueurs, comment se passe la vie de sélectionneur? J'ai réussi à m'adapter. Vous savez, j'ai passé 15 ans dans la formation et dans le recrutement de jeunes talents à mes débuts au sein du Real Madrid. Il fallait passer beaucoup de temps loin du terrain, donc je ne me sens pas dépaysé. Est-il difficile de ne pas intégrer dans vos listes des joueurs qui sont champions d'Europe? Bien évidemment, mais c'est inévitable, d'ores et déjà, parce qu'ils étaient 23 à l'Euro. Mais surtout parce que le football est constamment en mouvement. Il faut toujours rechercher de nouveaux joueurs capables de faire mieux que leurs prédécesseurs. C'est la loi du sport. Cependant, c'est vrai que c'est un avantage de pouvoir s'appuyer sur un groupe déjà construit. Avec une équipe aussi jeune, ça paraît difficile de parler de renouvellement, non? C'est vrai, mais je ne veux pas vivre dans le passé et je suis convaincu que si l'ancien sélectionneur était resté en poste, il aurait, lui aussi, cherché à apporter quelques retouches et à gommer les défauts. Même chez un champion d'Europe, l'immobilisme ne donne rien de positif. Le football propose des joueurs de plus en plus jeunes. Est-ce qu'on ne se sépare pas un peu trop vite des joueurs expérimentés? Vous savez, au bout de quelques années, les spectateurs en ont, eux aussi, assez de voir toujours les mêmes têtes. Ça arrive en équipe nationale et en club. On dirait qu'ils ont besoin d'un renouvellement perpétuel. Mais il est des pays où les internationaux durent longtemps et sont très respectés. Il est de notre obligation de ne pas griller les joueurs, de respecter cette expérience et de savoir offrir une place aux talents naissants. C'est un équilibre très difficile à trouver. Après cette victoire à l'Euro, les objectifs sont forcément très élevés. Ne faut-il pas craindre un excès de confiance? Oui, c'est vrai que la situation est dangereuse. Il faudra rester sur nos gardes. Nous ne pouvons pas nous prendre pour les rois du monde, parce que nous allons tomber de haut contre certaines équipes très performantes. C'est vrai que les compliments peuvent nous monter à la tête, mais je fais confiance à l'intelligence de mes joueurs, qui ont su surmonter pas mal de complexes et qui sauront relever des défis aussi importants, voire plus importants que ceux qu'ils ont déjà relevés, c'est-à-dire la Coupe des Confédérations et la Coupe du Monde. Fernando Torres, Cesc Fábregas et Pepe Reina, entre autres, récoltent d'excellents résultats en Premier League. Pensez-vous que l'expatriation de certains joueurs espagnols a contribué à la progression de l'équipe nationale? Le départ des joueurs espagnols est tout ce qu'il y a de naturel. Le football actuel a aboli les frontières et les joueurs n'hésitent plus à se mélanger. Pour moi, c'est un phénomène extrêmement positif. Qu'est-ce qu'il manque à l'équipe nationale d'Espagne? Si je trouvais qu'il manque quelque chose, je ne vous le dirais pas, parce que ça me poserait des problèmes (sourire). Mais il est vrai que nous cherchons toujours à renforcer l'équipe. En tant que sélectionneur, je souhaite avoir toujours de plus en plus de mal à choisir, car cela voudrait dire que le nombre de joueurs à ma disposition est très élevé. Si une liste suscitait l'unanimité, cela signifierait qu'il n'y a pas de concurrence. La Coupe des Confédérations de la FIFA sera votre baptême du feu au poste de sélectionneur. Est-ce un moment que vous attendez avec plaisir ou avec inquiétude? Ce qui nous préoccupe, pour l'instant, c'est la qualification pour la Coupe du Monde. En fin de saison, nous disputerons la Coupe des Confédérations, une épreuve très attrayante qui réunit la meilleure équipe de chaque continent. Nous avons besoin que les joueurs l'abordent dans les meilleures conditions, après une saison très longue. Il faudra doser leurs efforts si nous souhaitons y réussir une bonne performance.