Expert et analyste financier, M.Legheliel apporte dans cette contribution un éclairage argumenté sur la crise actuelle et les interprétations qui en ont été faites en Algérie. J´étais étonné par les déclarations de certains économistes et experts pétroliers algériens sur la crise financière mondiale et son impact sur l´économie algérienne. Ces déclarations alarmantes et alimentant parfois des polémiques sont, à mon avis exagérées et même parfois infondées. Certes, l'absence d´une culture des marchés financiers en Algérie représente des circonstances atténuantes. Je m´explique. La première constatation que j´avais faite sur ces déclarations est l´influence des médias financiers internationaux sur l´attitude de certains de nos économistes et experts financiers. A titre d´exemple et avec preuve à l´appui, durant la période d´avril 2008 jusqu´au 11 juillet 2008, pourquoi les économistes algériens n´avaient pas prévu l´effondrement des cours du baril? La réponse est simple. Pendant cette période précise, les médias financiers internationaux véhiculaient un optimisme forcené sur le prix du baril avec des prévisions de 170, 200, 250 et même 300 dollars le baril sur le court et moyen termes et aujourd´hui, nous constatons que ces mêmes médias financiers sont devenus pessimistes sur le prix du baril et nos économistes les suivent dans cette logique négative. Et voici quelques exemples des analyses de certains économistes algériens très connus du public. Il y a quelques jours, un ancien ministre algérien de l'Economie avait fait une déclaration au Quotidien d´Oran dans laquelle il a qualifié les bons du Trésor américain de junk bonds (obligations pourries). Economiquement parlant, une entreprise qui émet des junk bonds est une entreprise menacée de faillite. Est-ce que la puissante FED (la banque centrale américaine) est menacée de faillite? Il faut être extrêmement naïf ou d´une méconnaissance totale des marchés financiers pour imaginer un scénario pareil. Ce respectable économiste continue dans son élan en anticipant un effondrement total du dollar américain. Son raisonnement tire ses sources d´un concept classique de l´économie qui explique qu´un pays qui se trouve en crise économique voit sa devise fortement se déprécier. Malheureusement, les marchés financiers d´aujourd´hui, dont fait partie le marché des devises, suivent leur propre culture et n´obéissent pas souvent aux concepts classiques de l´économie. La preuve est que du 3 juillet 2008 jusqu'à nos jours, le dollar américain a gagné 22% sur l´euro et entre 15-25% sur les autres devises mondialement connues. Ceci est en contradiction totale avec ces concepts économiques classiques. Le cours du dollar dépend surtout du biais participatif, c'est-à-dire l´anticipation massive des acteurs du marché (investisseurs et spéculateurs en dollars). Un autre expert financier international et ancien ministre algérien déclarait aux journaux algériens que la demande mondiale de pétrole allait chuter d´une manière substantielle dans les années à venir à cause de l´imminence d´une récession économique mondiale. Il prévoyait une baisse de l´ordre de 35-50% de la demande chinoise, indienne et brésilienne. Avec tous mes respects, j'aurais aimé poser deux questions à cet honorable et respectable économiste. 1- Depuis 1876 jusqu'à nos jours, montrez-moi une seule fois où le prix du baril a chuté pendant une récession économique aux Etats-Unis? 2- Supposons que votre anticipation s'avère juste, est-ce que le prix du baril va attendre une ou deux années pour intégrer une telle information dans son cours? Même les déclarations de M.Mohammed Laksaci, gouverneur de la Banque d'Algérie, devant les députés algériens, manquent manifestement de crédibilité en matière de probabilité. Ainsi, M.Laksaci a vu venir le krach des banques dès août 2007 et pas n'importe quelle banque, uniquement les banques commerciales et il a eu le temps de transférer les avoirs algériens des banques commerciales vers des banques d´Etat et cela dans un moment où presque aucun expert au monde n´avait imaginé la faillite en série des banques commerciales une année après. Une prévision du krach avec une telle précision et un tel timing ferait de Mohamed Laksaci un génie de la finance, si cela est vrai bien sûr. *Analyste financier à la Banque suédoise Hagström och Qviberg Le titre est de la rédaction