En temps ordinaire, la première tâche du dernier rempart consiste, avant tout, à préserver son propre but. Quand les gardiens de but se changent en buteurs, le spectacle est toujours au rendez-vous. Il faut dire que, le plus souvent, de telles réalisations résultent de situations pour le moins inhabituelles. Pourtant, le portier est un joueur comme un autre, capable de passer, de tirer ou même de reprendre un ballon de la tête. En temps ordinaire, la première tâche du dernier rempart consiste avant tout à préserver son propre but. On lui demande surtout d'intervenir sur les tirs ou sur les centres adverses. Il n'en reste pas moins que certains gardiens peu ordinaires se sont fait une spécialité d'inscrire leur nom au tableau d'affichage. Dans cet exercice très particulier, trois Sud-Américains se détachent. Lorsque l'on évoque les gardiens buteurs, le premier nom qui vient à l'esprit est celui de José Luis Chilavert. L'ancien portier du Paraguay a connu son heure de gloire il y a dix ans, en menant son équipe en huitièmes de finale de la Coupe du Monde de 1998, en France. Chilavert, alors au sommet de son art, avait été élu meilleur gardien du tournoi. Les images du portier de la sélection albirroja consolant ses coéquipiers en pleurs à l'issue de la défaite contre la France ont fait le tour du monde. «J'ai réussi beaucoup de choses dans ma carrière, mais il y en a une qui me tient plus particulièrement à coeur. Je crois avoir changé l'image du gardien de but. Pendant trop longtemps, les gardiens ont été considérés comme des incapables. Nous restions sur notre ligne en attendant un tir adverse et, à la moindre erreur, nous étions la cible de toutes les critiques. Aujourd'hui, la situation est différente. Plus personne ne doute qu'un gardien de but est capable de faire la différence au sein d'une équipe», confiait l'ancien international paraguayen. Lorsqu'il décide de raccrocher les gants, en 2003, Chilavert compte plus de 60 buts à son actif. Parmi ses nombreux exploits, citons le triplé inscrit en 1999 dans un match de championnat avec Vélez. Un autre Sud-Américain a bâti sa légende sur son sens du spectacle inimitable, René Higuita. International colombien de 1987 à 1999, le gardien moustachu est resté célèbre pour son fameux «Scorpion Kick», le coup du scorpion, réalisé à Wembley en 1995. Au lieu de capter à la main un ballon anodin qui se dirigeait vers son but, Higuita décide ce soir-là d'amuser la foule en se laissant tomber en avant pour dégager des talons! «On dit souvent qu'il faut être un peu fou pour devenir un grand gardien. On dit aussi que les gardiens ne devraient pas tirer de coups francs, que le risque est trop grand. Mais tout ça, c'est dépassé. Ce poste a pris de plus en plus d'importance, ces dernières années. Un portier ne peut plus se contenter d'arrêter les tirs adverses. Il est devenu le premier contre-attaquant de son équipe», assure El Loco. Toutefois, si ces deux gardiens sont assurément les plus connus à travers le monde pour leur amour du risque, ils ne sont pas les plus efficaces lorsqu'il s'agit de tromper le portier adverse. Cet honneur revient en fait au Brésilien Rogério Ceni. A 35 ans, l'homme aux 17 sélections compte déjà plus de 80 réalisations à son actif, ce qui fait de lui le spécialiste incontesté des coups de pied arrêtés. Triple vainqueur de la Copa Libertadores, Rogério Ceni a également remporté la Coupe du Monde des Clubs de 2005 avec São Paulo. Sur le plan individuel, il fut sacré meilleur joueur du tournoi organisé au Japon. Dans son équipe, Ceni tire régulièrement coups francs et penalties. Lorsqu'il s'agit d'exécuter la sentence suprême, l'Allemagne compte elle aussi un spécialiste de la question. Auteur de 26 buts (tous sur penalty) en 324 matches de Bundesliga, Hans-Jörg Butt est le gardien le plus efficace de l'histoire du championnat. Après des passages remarqués à Hambourg, au Bayer Leverkusen et à Benfica, l'ancien international de 34 ans est aujourd'hui remplaçant au Bayern Munich. Bien entendu, de telles pratiques ne sont pas sans risque. Butt en a fait la triste expérience un après-midi d'avril 2004, à l'occasion d'un match contre Schalke 04. A la 76é minute, le gardien du Bayer transforme un penalty et permet à son équipe de mener 3:1. Il retourne alors tranquillement vers son propre but, juste à temps... pour voir le ballon atterrir au fond des filets! Profitant de l'absence du gardien adverse, Mike Hanke avait tiré dès le coup d'envoi. En revanche, les buts de gardiens sur des actions de jeu sont plus rares. Jens Lehmann a pourtant réussi cet exploit en décembre 1997 alors qu'il évoluait à Schalke 04. L'ancien international allemand avait inscrit, d'une superbe reprise de la tête, le but du 2:2 dans le derby de la Ruhr contre le Borussia Dortmund. Il y a d'autres exemples. Lors d'un match de deuxième division brésilienne, Eduardo Martini a marqué sur une relance à la main de plus de 100 mètres. Depuis l'application de la nouvelle règle sur la passe en retrait, les gardiens se doivent de posséder une excellente technique. Le Néerlandais Edwin van der Sar constitue un excellent symbole de cette nouvelle génération de portiers très à l'aise dans le jeu au pied. Son excellente vision du jeu et son toucher de balle remarquable lui permettent d'évoluer dans un rôle à mi-chemin entre le gardien et le libero. On est décidément bien loin de l'époque où les défenseurs tremblaient, à chaque fois qu'ils devaient effectuer une passe à leur gardien!