«Je ne leur pardonnerai jamais, ils ont torturé moralement ma soeur et l'ont charcutée physiquement! Ils ne pourront pas changer ce que j'ai vu!» Quelle mort absurde que celle de mourir, à la fleur de l'âge en accouchant. Le drame a eu lieu ce mois-ci suite à un «acharnement sur voie basse à coups de forceps». C'est ce que rapporte la famille de la victime, une jeune femme de 25 ans, qui laisse un orphelin. Ce drame a eu lieu dans un grand hôpital, à Alger. Il serait la conséquence d'une «négligence grave devant un cas sérieux de maternité», affirment les proches de la défunte. Cet énième cas s'ajoute à de nombreux autres, alors qu'aucune statistique officielle ne rend compte de l'étendue de ce phénomène du décès de parturientes. Certes, des milliers de plaintes pour erreurs médicales sont déposées annuellement, et seule une centaine est jugée recevable par le Conseil de déontologie. Aussi, le cas que nous rapportons prouve que les erreurs demeurent fréquentes dans les services de maternité. Mais également dans ceux de la neurochirurgie et de la réanimation. Mais les familles et les victimes ne recourent que rarement au dépôt de plainte. Alors que le principe de déontologie médicale qui veut que «le médecin a obligation de moyens et non de résultat» est un vrai rempart dans un pays comme l'Algérie où l'erreur médicale passe pour être un sujet tabou. Or, affirment des juristes à l'instar de Me Farouk Ksentini, l'erreur médicale est sévèrement punie par le Code pénal. Pour revenir au cas de la victime, l'on a interdit au mari et à la famille, dont la soeur, médecin de son état, d'accompagner la souffrante, alors que sous d'autres cieux l'on invite même le mari à assister à l'accouchement en guise de soutien et de réconfort psychologiques à la maman. Les parents citent un nombre de lits insuffisants et l'entassement de malades à trois par lit, au risque de graves maladies nosocomiales. «Pas un seul sourire n'a été prodigué à la malade, pas la moindre parole réconfortante. On m'a manqué de respect», témoigne la soeur de la défunte qui évoque l'absence, à ce moment-là, du réanimateur et du pédiatre. Cette soeur a dû recourir à ses connaissance personnelles afin d'exiger l'admission de Z. H au bloc opératoire, où il n'était pas rare de «voir trois femmes sur un lit métallique dénué de tout confort», affirme-t-elle. Les contractions étaient là et Z.H était livrée à elle même, alitée de 23h jusqu'à 6h. «On m'a interdit de rester avec elle!», affirme encore sa soeur. «Alors que j'étais sur les lieux en ma qualité de médecin, à minuit, je traînais encore dans les couloirs», poursuit-elle. Elle indiqua que les conditions de séjour des malades étaient telles que nombreuses sont celles à avoir une attitude suicidaire, c'est-à-dire quitter l'hôpital contre l'avis médical. «Pour écouter les battements de coeur du bébé, l'on a dû même recourir aux services d'une connaissance afin d'obtenir le fameux appareil RCF nécessaire à cette fin», poursuit notre interlocutrice. A l'aube, le défaut d'expulsion du bébé était évident. Au lieu de faire face à la situation, une résidente chargea une sage-femme de s'occuper d'elle. Et ce n'est qu'une fois la patiente arrivée au terme de la dilatation complète que l'on commença à réveiller les résidentes au lieu d'appeler l'assistante. Les résidentes étaient finalement désemparées devant le cas de Z. H. Ces dernières se sont gravement acharnées sur les forceps et ont fini par causer un sérieux délabrement du périnée, témoigne sa soeur, le docteur Hamache qui dit qu'une césarienne aurait avantageusement abrégé les souffrances de la malade épuisée. «Si l'on a recouru aux sutures, c'est qu'il y a eu bel et bien un très important délabrement du périnée!» enchaîne-t-elle. En salle du poste d'accouchement, l'on a dû piquer le bébé pour un bilan complet afin de découvrir son rhésus. Et l'on constata que la maman avait absolument besoin d'un anti-D. Soit un vaccin à administrer dans les 72 heures suivant l'accouchement et l'infirmière de dire aux parents: «Revenez samedi!» En sus du retard du bilan, la pharmacie ne pouvait qu'être fermée pendant toute la journée de vendredi. Et c'est la soeur qui a dû intervenir pour ne pas condamner la maman du bébé et se procurer le vaccin de chez une autre connaissance... Or, c'est l'hôpital qui est censé fournir ce type de produit vital au même titre que la vitamine K. s'insurge-t-elle. Une fois sortie de l'hôpital, la malade continuait de ressentir des douleurs au périnée et à l'abdomen qui était dur et enflé. «Pour les blouses blanches de l'hôpital, cela était normal!» Ce ne sont que des gaz, a-t-on ajouté aux urgences de la maternité. Un médecin gynécologue a préconisé alors une sonde urinaire, et un autre résident a suggéré une rétention urinaire. Alors qu'il n'y avait quasiment pas de douleurs basses, c'est-à-dire au niveau de la vessie. Ils ont banalisé des symptômes pourtant inquiétants. Elle a fini par convulser à table et succomba suite à un arrêt cardiaque. D'après un professeur, il y avait du liquide dans l'abdomen de la paturiente. Par la suite, les analyses ont dévoilé que la paturiente a perdu énormément d'hémoglobine. De 11 g l'hémoglobine est passée chez cette paturiente à 6 g; soit 5 g de perdus en seulement quelques jours. Une urgence vitale en postaccouchement n'a pas été sérieusement appréhendée par le personnel soignant. Le président du Conseil de l'ordre des médecins algériens, a récemment appelé, à «la dépénalisation des erreurs médicales» et «à ne pas engager de poursuites judiciaires à l'encontre des médecins pour non-assistance à personnes en danger, car le médecin est voué au service de la santé, de l'humanité et non le contraire». Il a précisé que «l'erreur médicale, qui peut parfois conduire au décès du patient, a souvent pour origine le manque de moyens, un aléa qui ne peut être imputé au médecin». Enfin, l'approche de ce phénomène est rendue encore plus ardue à la faveur de l'apparition de cliniques privées et de leur corollaire, le temps complémentaire, affirment des sources proches de l'univers hospitalier. Néanmoins, il est établi que c'est le Conseil de l'ordre qui reste le seul recours en cas de constatation de l'erreur médicale, puisque c'est cette instance, qui peut statuer sur la gravité de l'erreur sur la base d'un compte rendu médical qui lui aura été adressé. Toutefois, l'on rassure que l'erreur médicale à une fréquence plutôt rare, bien qu'aucune statistique exacte ne filtre encore à son sujet, surtout que les médecins disposent aujourd'hui de tous les moyens qui leur permettent d'accomplir leur noble mission.