Un film documentaire sur le ténor de la chanson kabyle, le défunt Allaoua Zerrouki, sera diffusé dans les salles de cinéma dès la fin de novembre 2008, a-t-on appris auprès du jeune réalisateur Djillali Boukheddad. Celui-ci s'est déjà distingué, il y a quelques mois, en signant une oeuvre autobiographique à succès sur la vie et l'itinéraire de Cheikh Mohand Ameziane Belhaddad, chef spirituel de la zaouïa Errahmania de Seddouk et artisan de l'insurrection populaire de 1871 contre le colonialisme français, récidive en laissant balader sa caméra pour faire revivre une des figures de proue de la chanson kabyle, Allaoua Zerrouki, que d'aucuns affublent du sobriquet de rossignol. L'oeuvre est un long métrage documentaire de 52 minutes, qui reprend dans sa matrice, l'essentiel du travail de recherche sur l'artiste, effectué par l'écrivain journaliste Rachid Mokhtari, enrichi, par ailleurs, par des témoignages de gens de son village d'Amallou et de la région de Béjaïa, dont il est originaire. La plupart des scènes photographiées, se sont, en effet, appesanties sur les lieux fréquentés par le chanteur, notamment dans la vallée de la Soummam et imparablement à Béjaïa, où il a fait un passage comme coiffeur, avant de se laisser «piquer» par l'andalou dont il était devenu un fervent prestataire. La raison tient à sa rencontre (1930-1935) avec le maître du genre, cheikh Saddek Béjaoui qui l'a fortement influencé. Sinon «le rossignol» s'est coltiné une multitude de cafés et s'est produit dans différents endroits au gré des sollicitations et du contexte, avant d'émigrer en France, où, tout en gagnant laborieusement sa vie, il se consacra entièrement à sa passion. Son premier disque, il l'enregistra à Paris en 1948, chez Pathé Marconi, qui, non seulement le sort de l'anonymat mais consacre son talent. En tout cas, pour lui, c'était assez motivant pour aller de l'avant et forger son destin d'artiste. En moins d'une année, il produit trois autres chansons, qui le rendirent très populaire et qui lui valurent l'organisation de spectacles dans plusieurs pays, notamment en France, en Belgique et en Allemagne. Depuis, il n'a cessé de compiler succès sur succès, finissant par s'imposer comme un des artistes les plus doués de sa génération, favorisé de surcroît par un physique de charmeur et un look de dandy. Parmi ses tubes qui ont traversé les époques, sans prendre «une ride», il y en a une bonne dizaine, parmi lesquels figurent El babor, (ô bateau), a-tasekurt (ô perdrix) et Sidi Aïch. Son répertoire, pour l'essentiel sentimental, était cependant trempé dans la mélancolie et le mal-être, ceux-là mêmes vécus par l'émigration algérienne en France et sa dure réalité d'alors. Il avait le nationalisme chevillé au corps, produisant un éventail de complaintes révolutionnaires, dont la plus connue reste celle consacrée à la mort de Amirouche, jouée et chantée sur un air de valse. A 53 ans, 1915-1968, il tire sa révérence, emporté brusquement par un tragique accident, mais laissant derrière lui un répertoire d'exception et, surtout, une image inégalée d'un homme raffiné, cultivé et chic, qui a su assumer un amour des plus romanesques pour sa femme.