Le ministère du Commerce soutient la thèse de l'offre et de la demande, celui de l'Agriculture écarte toute pénurie ou baisse de la production. L'oeuf sort de sa coquille. Son prix donne le vertige actuellement. Il est vendu à 10 DA chez les commerçants et même à 12,50 DA chez d'autres. Ainsi, la plaquette de 30 oeufs dépasse le seuil de 300 DA. Alors qu'il coûtait entre 6 et 7 DA, l'oeuf a, en moins d'un trimestre, doublé jusqu'à 12,5 DA. C'est terrible! Jamais ce produit n'a atteint un seuil pareil. Même avec la flambée du prix du poulet, celui des oeufs n'a pas suivi et est demeuré stable. Alors que se passe-t-il? Après la pomme de terre, l'huile, la farine et le sucre, l'oeuf prend des ailes pour se mettre en tête de liste des produits coûteux. Ainsi, l'omelette, prisée par les Algériens, se fera désormais rare dans l'assiette. S'agit-il d'une pénurie du produit ou d'un effet de la spéculation? Pour comprendre cette frénésie, nous avons pris attache avec le ministère du Commerce. Joint par téléphone, hier, le chargé de communication au niveau du département de M.Djaâboub, n'a pas été par trente-six chemins: «Il faut demander au ministère de l'Agriculture», a-t-il automatiquement répondu. Pour la simple raison, selon lui, que «l'augmentation des prix des oeufs est une question de l'offre et de la demande». Comme à chaque pénurie qui affecte les denrées alimentaires, le ministère du Commerce sort la même chanson, selon laquelle dans une économie de marché, tout est libre. «Nous sommes dans une économie de marché où les prix sont libres», a réitéré notre interlocuteur, écartant ainsi toute responsabilité du département du commerce dans cette affaire. Et de laisser l'entière liberté aux producteurs et aux commerçants de jouer avec les prix. Ce n'est pas la première fois que le ministère du Commerce se désengage de ses responsabilités. D'aucuns se rappellent, sans doute, du scénario de la pénurie de la pomme de terre, du blé et du sucre. Pour éviter tout casse-tête, le ministère du Commerce colle tous les malheurs sur le dos de l'économie de marché. Or, même dans les pays où l'économie de marché est libre, la régulation des prix par l'Etat est impérative, lequel en général «conseille» le prix le plus adéquat pour le consommateur. Or, il existe une direction de la régulation au sein du ministère du Commerce. Que fait cette direction pour mettre le holà à l'anarchie des prix? Nous avons vainement tenté de toucher le responsable de la direction de la régulation dudit ministère par l'intermédiaire du chargé de la communication au département du Commerce. Celui-ci nous affirma qu'il était impossible de le rencontrer (pour hier). «Vous faites un questionnaire et vous l'envoyez par fax pour qu'il vous soit fixé un rendez-vous», nous a-t-il dit. Alors que cette question est plus que d'actualité et que les consommateurs s'interrogent sur ce fait, le ministère du Commerce a encore recours à la bureaucratie pour interpréter une situation, l'envol des prix, qui inquiète les ménages algériens. L'économie de marché, la situation du marché international et la spéculation sont des subterfuges qui sont évoqués à tout bout de champ mais qui n'expliquent en rien la situation des prix des oeufs en Algérie. La preuve est là. Contacté à ce sujet, le ministère de l'Agriculture donne une autre version et écarte totalement l'hypothèse d'une fluctuation de l'offre. «Il n'y a pas de problème de production», a déclaré le chargé de communication au niveau du département de M.Benaïssa. Catégorique, notre interlocuteur affirme: «La production existe et elle n'a pas du tout baissé» et a réfuté la version avancée par le ministère du Commerce. «S'il y avait réellement une pénurie, vous ne trouveriez pas les oeufs disponibles dans tous les commerces. Ce qui n'est pas le cas justement», a-t-il appuyé. Le responsable de la communication au ministère de l'Agriculture ne s'est pas arrêté là. Prenant la défense de son institution, il a renvoyé la balle à celle du Commerce. «Le problème se pose dans la commercialisation», a-t-il indiqué pour expliquer la flambée des prix des oeufs. En d'autres termes, il a admis qu'il y a un problème d'organisation des marchés. «C'est pourquoi, explique-t-il, nous voulons, dans notre stratégie, professionnaliser toutes les filières.» Selon lui, le ministère de l'Agriculture vise, à travers le redéploiement des filières, à protéger les agriculteurs et les consommateurs et à assurer un approvisionnement régulier du marché en matière de produits agricoles. Interrogé à propos de la pomme de terre, le représentant du ministère de l'Agriculture estime qu'il n'y a pas de crise, indiquant que «nous avons stocké 122.000 tonnes de pomme de terre durant le mois d'août dernier, grâce à quoi nous avons pu approvisionner le marché». Les quantités stockées jusqu'à présent sont de l'ordre de 70.000 tonnes. Cela dit, si les prix augmentent, c'est le fruit de la spéculation ou l'absence de régulation, selon lui. Ainsi, le département de M.Benaïssa estime n'avoir rien à se reprocher du moment que les produits sont disponibles. Les explications avancées montrent que le problème se situe, en tout état de cause, au niveau de la commercialisation. Devant l'absence de régulation et de contrôle, les commerçants et les producteurs fixent les prix à leur guise. Dans toute cette histoire, le citoyen est le seul à payer les pots cassés. L'anarchie, qui caractérise les marchés des produits de consommation et des équipements, prouve que le ministère de tutelle ne joue pas son rôle de régulateur. L'élaboration d'une loi portant sur la protection du consommateur et la répression de la fraude, le confirme. Ce projet qui se trouve au niveau de l'APN a été examiné, dimanche dernier, par la commission des affaires économiques, du développement, du commerce, de l'industrie et de la planification de l'Assemblée nationale populaire. Dans son intervention, M.Djaâboub a déclaré que ce projet vise à combler les lacunes relevées dans l'encadrement de la protection du consommateur, à renforcer les mesures de répression de la fraude, à mettre en conformité les produits et prestations offerts aux consommateurs. Ce qui montre qu'il reste beaucoup de carences dans le secteur du Commerce.