Un déficit en termes de disponibilité et l'anarchie dans les circuits de distribution sont à l'origine de cette hausse. Du jamais vu. Un scandale. Le kilogramme de pomme de terre a été cédé jeudi sur les marchés de détail à 80 dinars. Un nouvel indice de la flambée des prix de produits de large consommation enregistrée ces dernières semaines. Après la viande, la volaille, les œufs, la sardine, c'est aujourd'hui au tour d'un produit qui constitue, notons-le, l'alimentation de base de la majorité des Algériens, en particulier des familles à faibles revenus. Les raisons invoquées par le ministère de l'Agriculture ne peuvent expliquer suffisamment cette brusque envolée des prix de la pomme de terre. Pour les officiels, cette hausse, rappelons-le, est imputée à plusieurs facteurs. Primo : les pertes de productions en raison de la pluviométrie. Secundo : la pomme de terre est vendue aujourd'hui en hors saison. La récolte la plus importante est attendue en avril. Avec l'arrivage de ces nouvelles quantités, le prix de la pomme de terre va baisser, selon ces responsables En fait, le ministère de l'Agriculture semble très optimiste. Une partie de la pomme de terre arrivera en avril, l'autre en mai, soutient plutôt un spécialiste. D'ici là, cette situation de hausse des prix sans précédent risque de perdurer. Le système de régulation Syrlapac, instauré à partir d'août, septembre et octobre, et qui consiste à stocker de la pomme de terre pendant cette période de surplus pour la commercialiser pendant les périodes hors saison afin de maintenir les prix à la baisse et déjouer les manœuvres spéculatives ne semble pas avoir produit son plein effet. Le dispositif connaît, en d'autres termes, des difficultés de jonction. La pomme de terre se fera, ainsi, rare jusqu'à l'arrivée de la nouvelle récolte. À cette défaillance, s'ajoute un fait plus grave. 40 000 hectares au Sud à la rescousse Les autorités n'ont pas réagi aux alertes des producteurs de la pomme de terre. Ces derniers, au début de l'année, avaient signalé une pénurie d'engrais. “Si les engrais ne sont pas disponibles, on va vers une flambée des prix de la pomme de terre”, ont averti les agriculteurs. En vain. Un autre spécialiste souligne que la culture de la pomme de terre est liée à la disponibilité des engrais. Or, le dispositif de transport des engrais, encadré pour des raisons sécuritaires, a fait qu'une partie des producteurs ont jeté l'éponge, en un mot abandonné cette culture. Autre facteur important à l'origine de cette flambée des prix : un marché intérieur désarticulé, désorganisé, caractérisé par quasiment l'inexistence de marchés de gros. En ce sens, comment se fait-il que le kilogramme de pomme de terre cédé sur champ à 35 dinars arrive sur le marché de détail et donc vendu au consommateur à 70-80 dinars ? Le même spécialiste impute également à cette désorganisation du marché où intervient une multitude d'intermédiaires cette poussée importante des prix. Devant un tel déficit, le ministère de l'Agriculture table sur la production de la pomme de terre du Sud. L'espoir est que soient mis fin à ces difficultés de soudure qui repose précisément sur les 40 000 hectares au sud du pays réservés à la culture de la pomme de terre et qui vont couvrir la demande pendant les périodes hors saison l'année prochaine. “À El-Oued, on obtient des rendements de 600 à 800 quintaux à l'hectare, avec l'utilisation de méthodes modernes, contre une moyenne nationale de 150 à 200 quintaux à l'hectare”, a ajouté le même spécialiste. Encore faut-il que les ministères de l'Agriculture et du Commerce bougent pour que le marché intérieur soit plus organisé. D'ici là, on peut s'attendre à une récurrence de poussées des prix. La situation actuelle insoutenable de la hausse des prix de produits de large consommation qui réduit de façon significative le pouvoir d'achat de la majorité des citoyens invite donc à des actions urgentes de la part des pouvoirs publics, d'autant qu'elle constitue un motif de mécontentement à la veille de l'élection présidentielle. K. Remouche