Le triple champion du monde fait désormais figure de colosse aux pieds d'argile. Après sa catastrophique dernière apparition en compétition internationale, à l'Euro 2000, où elle n'avait même pas franchi le cap du premier tour, l'équipe d'Allemagne a promis au pays une réhabilitation lors de cette Coupe du monde de football, qu'elle aborde en outsider. Pour la première fois de son histoire, l'Allemagne, qui disputera sa quinzième Coupe du monde, a dû passer par les barrages. Les temps ont changé, la National Manschaft décline. Sous le choc, humilié, déchu, le 20 juin 2000, le champion sortant est la risée de l'Europe. Avec un nul et deux défaites, un but marqué et cinq encaissés, la National Manschaft quitte l'Euro dès le premier tour, laminée par le Portugal de Sergio Conceiçao (0-3). Crise à tous les étages! A bout de souffle, Mathaus, Hassler, Babbel et Kirsten rendent leur paquetage. Contesté, Ribbeck, sélectionneur mondain, est renvoyé dans ses quartiers. La «DFB» (la Fédé) nomme le populaire Voeller... Rudi s'y attelle. Rassembleur, crédible et respecté, il gagne vite la confiance des joueurs. Malgré les blessures au long cours de certains cadres (Scholl, Deisler, Jeremies, Ziege), Voeller dédramatise par petites touches, il élargit et rajeunit le groupe accordant sa confiance aux hommes en forme de la bundesliga, Asamoah et Bêhme (Schalke 04) Frings (Werder Brême), Hertzch (Hambourg), Kehl (Dortmund) et Klose (Kaiserslautern). Le message passe, les résultats suivent, du 2 septembre 2000 au 6 juin 2001, la National Manschaft, enchaîne les succès : cinq victoires (dont une à Wembley) et un nul, avec 16 points sur les 18 possibles. La qualif' est dans le viseur. Et patatras: Le 1er septembre, c'est la débâcle à Munich: Boostée par Owen, l'Angleterre balaye le renouveau germanique (5-1). Kahn est ridiculisé dans son jardin, touché au coeur, Voeller est victime d'un infarctus dans la tribune officielle du stade olympique! Nuit de cauchemar, retour à la case départ. Incapables de gérer leur avance, les Allemands butent à Gelsenkirchen, contre la Finlande (0-0). Au finish, les Anglais passent devant! Nouveau désastre: pour la première fois de son histoire, l'Allemagne doit disputer les barrages. Grandeur et décadence après la honte, les joueurs découvrent la peur contre l'Ukraine. Vaillants à Kiev (1-1), les boys de Voeller se révoltent à Dortmund (4-1) devant un parterre de ministres. Agressivité, courage, discipline et réalisme devant le but, l'Allemagne passe grâce à ses atouts, en force et au bout de la souffrance, cinq cents jours exactement après sa prise de poste, l'intérimaire Voeller, qui a gagné ses galons de chef suprême, envoie l'Allemagne au Mondial le 15. L'honneur est sauf, mais l'avenir fait peur... Malgré la bravoure et les qualités athlétiques, le groupe, limité techniquement, affiche une fragilité psychologique qui touche toutes les lignes, surtout la défense, lente et friable (12 buts encaissés en 10 matches). Sans leader, la triplette musclée (Rehmer à droite, Noworty dans l'axe et Worms ou Linke à gauche), donne des sueurs froides à Kahn, l'homme fort du team. Au milieu, secteur renforcé, les travailleurs foisonnent. Ziege, Bade et Bêhme à gauche, Schneider et Ricken à droite, Hamann, Mamelow et Jeremies dans l'axe. En revanche, ça coince au niveau des créateurs. Longtemps blessé, Rudi peut s'appuyer sur l'efficace Ballack, l'homme à tout faire du secteur offensif. Passeur et buteur, le meneur de jeu du Bayer Leverkusen, et Klose, bougent beaucoup mais marquent peu. Janker et Bierhoff ont été relégués sur le banc de touche. Au final, c'est léger! Chancelante derrière, sans réel fond de jeu et privée d'un grand buteur, l'Allemagne, qui accueillera la Coupe du monde en 2006, n'a plus le même prestige. Douzième au dernier classement FIFA, elle fait partie des nations moyennes. Méfiance quand même, à force de traverser les tempêtes, le groupe a retrouvé une âme. Lorsque la situation l'exige, les Allemands savent se transcender avec bravoure et solidarité.