L'auteur présentera aujourd'hui à 14h, son deuxième recueil de nouvelles, à la libraire Chihab, sise à Bab El Oued. Après Le Faiseur de trou, sorti en 2007, chez Barzach, l'écrivain et journaliste Chawki Amari commet encore une fois un baroud littéraire. Il s'agit cette fois d'un recueil de treize nouvelles mêlant le cynisme à la réalité, la cruauté au rêve, l'insolence à la vie. L'actualité à la fiction. Ces nouvelles sont gorgées de descriptifs de l'Algérie d'aujourd'hui où la plume de l'auteur qu'il est, laisse glisser, une fois n'est pas coutume, l'attention du géologue qu'il est de formation. Dans Vérités verticales, première nouvelle qui ouvre le livre, nous sommes d'emblée immergés dans un immeuble où «les trois premières personnes mortes sont des coïncidences dit-on et les deux autres des meurtres». Nous rencontrons un des locataires Raho et sa copine Hannouna et le commissaire de police, Drid qui enquête soi-disant sur ces crimes, toujours flanqué de sa mère qui rêve de posséder un appartement dans cet immeuble. Le tueur est parmi eux et ce n'est pas toujours celui que l'on croit. Voilà ce que pousse à faire la crise du logement en Algérie...dans C'était écrit dans le journal, Chawki Amari nous projette dans un no man' s land où un homme, au moment de sa sortie d'un restaurant, est confronté au vide sidéral de la rue et au gris du béton qui le nargue. Il rencontre un vieux qui lui affirme que le pays a décrété «la journée de rien».Tout le monde a disparu, il ne reste que lui à roder comme une âme en peine ou un fantôme, dans cette Alger vidée de sa substance. Il rencontre, par la suite, un terroriste qui lui donne 24h pour fuir avant qu'il ne commence à le pourchasser. Moralité: l'un cherche l'autre et l'intellectuel traqué cherche une solution à sa survie et dort mal. Nous sommes donc tous une proie pour l'autre. L'humain n'a plus de valeur. Poussant le cynisme plus loin, l'auteur imagine un monde où des photographes voleurs de réalités sont pourchassés et assassinés. Leur tort: vendre des images de cette Algérie qui ne se voit plus en elle, à des étrangers, contre de l'argent. En effet, l'homme aujourd'hui ne pense qu'à vendre et à acheter. C'est le cas pour ce sculpteur de clou, qui pour gagner sa vie, et diminuer ses pertes, transforme justement ce clou en blocs de fer pour les vendre à d'autres sculpteurs de clous. Un dilemme grotesque. Mais ceci n'est rien à côté du reste...Un cycle encore plus infernal est celui de la vie où on n'échappe pas à son karma, sa malédiction. Comme semble le sous-entendre l'auteur dans la nouvelle la plus longue du livre. Celle qui a donné sens à ce livre par son titre. A trois degrés vers l'Est...de l'Algérie bien entendu. Il y a Tin Zaouten. Deux hommes du nord quittent Alger, «la folle», la «maudite» et partent en escapade au sud à la recherche d'un semblant de paix, loin du bruit et du sang. Ils rencontrent un étrange personnage qui leur tend une carte pour ne pas se perdre. Sur cette carte, un point rouge, celui de trois hommes sous un acacia. Tempête de sable, des rencontres fortuites. Nos deux hommes vont vivre un cauchemar éveillé. A la recherche de Tindi, un cartographe qui monta un diagramme à partir de pierres de sable.Mais un de ces hommes commettra la bêtise d'y toucher. Depuis, croit-on, un malheur s'est abattu sur eux. Entre fabulation ou réalité, la vérité est ici mouvante comme le désert. Mais la vérité les rattrape. «Sommes-nous condamnés à aimer l'enfer, à ne plus pouvoir vivre ailleurs, Sommes-nous aujourd'hui définitivement incapables d'apprécier le silence, la paix, la magie et la poésie?», s'interroge-t-il. Mais l'espoir est là. Et la vie continue. Plus forte. La solution pour que cesse le malheur? S'inventer des mirages. Sublimer des histoires, plus tranquillisantes pour l'esprit. Peut-être consensuelles...Quitte à dénaturer la réalité. «Formater» les esprits durs. Mais la mémoire s'efface-t-elle rapidement? A fortiori celle des gens. Dans A trois degrés vers l'Est, l'auteur nous plonge dans ce faux-semblant et dresse le portrait de cette Algérie filante, qui se ment à elle-même. Audacieux, l'impertinent Chawki Amari aime brouiller les pistes, exhume des territoires cachés par une écriture claire et imagée. Fidèle à lui-même, l'auteur ne se départit jamais de son sens de la malice et du sarcasme. Ceux de ses chroniques, développé cela étant ici dit et décliné dans un style plus épuré, toujours aiguisé.