Les quartiers populeux et populaires ont vécu jeudi une journée pareille à toutes les autres. N'étaient les reliquats d'affiches, la présence peu discrète des policiers et la transformation des écoles en centres de vote, on aurait pu croire que les quartiers d'El-Harrach vivaient, jeudi, une banale journée fériée. Plus impressionnant encore, les rues et les lieux publics étaient exceptionnellement vides. Un climat très lourd de peur semblait régner sur les lieux. Dieu merci, aucun incident n'est à déplorer, mais les gens ont eu chaud. Pour ce qui est de la participation, il faut dire que tous les bureaux que nous avons eu le loisir de visiter comportaient des populations clairsemées, tranchant nettement avec tous les rendez-vous électoraux qu'a connus l'Algérie depuis son indépendance. Au niveau des quartiers très populeux, comme Pilème, Saincouri et Les Dunes, la plupart des électeurs rencontrés affichaient clairement leurs préférence: «Seule Louisa Hanoune a su nous convaincre en trouvant les mots justes qui répondent à nos voeux et doléances.» Il est vrai que le siège du PT se trouve quelques centaines de mètres plus haut, à Belfort, jadis quartier huppé réservé aux citoyens aisés, mais qui a fini par se «démocratiser» avec le temps. Bien peu de citoyens de la région, en effet, perdent de vue le fait que seul le PT a opté pour un siège national situé hors des hauteurs d'Alger ou d'Alger-Centre. Seul le leader du PT, en outre, n'hésite pas à se mêler aux Algériens en fréquentant assez régulièrement le marché d'El-Harrach. Beaucoup de personnes âgées, fidèles au rendez-vous des urnes et à leurs vieilles convictions, ont opté pour le parti de Ali Benflis. Les islamistes, qui avaient mainmise sur la plupart de ces quartiers, semblent en avoir été totalement éclipsés depuis plusieurs années déjà. Les observateurs des partis, rencontrés au niveau des bureaux de vote, n'ont pas cessé de se montrer inquiets par la très faible affluence citoyenne. Les organisateurs, eux, ont tenté de garder espoir en nous signalant que les femmes constituent le plus gros de l'électorat et qu'en général elles ne votent jamais sans avoir expédié toutes leurs affaires ménagères. Le miracle n'a pas eu lieu. Mais le pire a été évité. Comme beaucoup d'autres quartiers de la capitale et comme le reste des villes et villages algériens, El-Harrach a clairement exprimé, à sa manière, tout le désintérêt qui a fini par gagner les citoyens par rapport aux choses de la politique depuis que ses représentants, cinq années durant, ont parlé de tout, ou presque, sauf de lui.