La nouvelle année frappe aux portes. Chargée de moments forts, 2008 cède la place, toute la place à l'an nouveau. On s'échangera des voeux et on continuera comme auparavant à prier pour que les «choses changent» et aussi en espérant que la région retrouve enfin la sécurité et la sérénité d'antan ainsi que les chemins du développement. Certains fêtent la nouvelle année et ils sont la majorité en attendant de célébrer Yennayer, ce 1er janvier du calendrier julien, toujours en usage chez les Berbères, en souvenir de Sheshnaq, 1er aguellid ayant envahi l'Egypte, détrôné le pharaon, fondant ainsi la XXIIe dynastie égyptienne d'origine amazighe. L'année grégorienne est aussi fêtée sans grande pompe, mais tout de même fêtée. Les familles, même les plus modestes se procurent généralement une bûche, réunissent leurs membres et autour de force cafés et thés, se remémorent les temps anciens, parlent des parents absents et passent finalement une belle soirée familiale. D'autres, plus aisées, vont jusqu'à changer de repas et autour d'un couscous-poulet arrosé généralement, de limonade, attendent le coup de minuit pour s'échanger des voeux. Une bûche à tout prix Les jeunes, eux, se réunissent à la djemaâ et mettant en commun leurs petites économies, se paient une bûche et en groupe, passent la nuit du réveillon à faire des projets et aussi à évoquer les bonnes heures de l'année finissante. Les discussions entre copains durent souvent toute la nuit. Les pères de famille semblent ne pas avoir trop de temps à consacrer à «ces simagrées» comme les appelle Ahmed, un solide quadragénaire qui dit ne pas songer à des moments de détente car, selon lui, «il me semble que si j'arrête de travailler, les enfants vont crever de faim, c'est dire que nous vivons au jour le jour. Certes, et pour faire comme tout le monde, je me procure la bûche pour les enfants et ma femme essaie de créer une ambiance de fête à la maison, mais cela, c'est pour les enfants». Fatima, jeune mère divorcée avec des enfants à charge, explique que pour elle, «le réveillon se passera en prières pour demander à Dieu de m'aider à élever les enfants. Je vais acheter une bûche pour les petits et on essaiera de passer une soirée à raconter des histoires. Les gamins sont friands de ces choses-là». Les plus nantis eux, font des folies: généralement ils s'en vont dans un grand hôtel en famille ou encore entre copains et passent gaillardement le réveillon autour de festins et de boissons alcoolisées, mais cette faune n'est pas légion et choisit généralement l'étranger pour «fêter comme elle l'entend le Nouvel An». Les vieux ne font pas attention à ces choses-là, comme dirait Dda Amrane: «Avant, on ne connaissait pas ces choses-là, on savait seulement que les occupants d'alors fêtaient cela, mais sans plus. Nous, on a Yennayer, le Mouloud, les Aïds et cela nous suffisait largement. Autres temps, autres moeurs.» Dda Amrane se tait et se remémore les temps anciens quand la fraternité, la camaraderie et la solidarité villageoise étaient ce qu'elles n'ont plus jamais été depuis. Enfin, on a rencontré un groupe de jeunes gens en plein désarroi, ils étaient tous trois descendus du village «s'approvisionner pour les fêtes», comme ils disent. On essaie de discuter avec eux et cela réussit apparemment. Ils se présentent: Sadek, 30 ans, chômeur depuis toujours, Rabah, 28 ans, a déjà travaillé deux ans comme gardien dans un chantier et Slimane, le benjamin du trio, qui a abandonné ses études voici maintenant quatre ans car, selon lui, «les études ne mènent à rien». Ces joyeux drilles sont donc descendus en ville pour faire le plein: boissons alcoolisées, gâteaux et fruits. Sadek explique: «Ce sera un gros réveillon, on a déjà choisi l'endroit, un gourbi en dehors du village et à trois on fêtera cela sans retenue, on mangera et on boira comme quatre et le lendemain, Dieu y pourvoira.» Réveillonner, c'est fêter la nouvelle année avec un verre de limonade, un morceau de gâteau, le tout arrosé de belles intentions et de pensées lumineuses et c'est cela finalement, résumé en gros, la fête! Une fête des coeurs. Mais d'aucuns, riches ou simplement aisés, ont des idées importées d'ailleurs, pour la nuit du 31 et probablement aussi celle du 24 décembre, acculturation quand tu nous tiens. Aussi, ils se préparent des mois à l'avance et généralement, la destination de ces gens-là, ce sont les grands hôtels à l'étranger. On vous parle de la Tour d'Argent à Paris comme s'il s'agissait de la gargote d'à côté ou encore de Charm El Cheikh et, les moins nantis, de Tunis ou encore de Marseille. Chez ces gens-là, monsieur, il faut que cela fasse fashion. Les gens moins aisés choisissent de passer le week-end dans un hôtel soit à Alger, Oran ou dans une autre grande ville. Entre amis Evidemment Tizi Ouzou est classée bonne dernière en matière d'attrait pour ces choses-là. Les fonctionnaires eux, se réunissent généralement par affinités et dans le confort douillet d'un appartement et essaient de passer un réveillon entre amis. Chez ces derniers, la réalité est d'une autre nature. Oublieux souvent de leurs responsabilités familiales, ils se réunissent entre «gais lurons» et fêtent ensemble la nouvelle année en ne pensant aux enfants qu'un court instant. Ils leur achètent une bûche, un poulet et eux partent avec leurs amis, oubliant que la chaleur d'une fête est la réunion de toute la famille. La nouvelle année sera bientôt là et l'essentiel est de prendre de bonnes résolutions afin que l'an nouveau soit plus beau que le précédent et qu'enfin la paix et la sécurité soient de retour comme dans tout le pays, en Kabylie cette région qui a trop souffert et qui ne demande qu'à aller vers des rives plus prospères et plus sereines.