«Chacun à son niveau et dans son domaine, doit crier son indignation», souligne M.Lamarti, directeur de la salle ABC. Les associations «A nous les écrans», «Sos Bab El Oued Culture» et l'APC d'Alger-Centre représentée par l'Opca, de la wilaya d'Alger se sont associées pour organiser un ciné-club en soutien aux Palestiniens de Ghaza. Pour M.Lamarti, directeur des salles Algéria et l'ABC, «chacun doit trouver le moyen d'exprimer sa colère, son indignation quant aux atrocités commises à l'encontre de Ghaza. A notre niveau, pour les salles de cinéma, nous avons ainsi voulu dire notre indignation, en collaboration avec les association partenaires, par un ciné-club réservé à la tragédie palestinienne. Je suis étonné du fait que la communauté internationale, qui s'indigne à chaque fois qu'il y a un événement touchant aux droits de l'homme, à la démocratie et à la liberté, observe un silence assourdissant à propos des événements de Ghaza». Deux films poignants ont été projetés au public. Le premier, un documentaire, est intitulé Self Defense de Abdellah El Bini. Ce dernier de 52 minutes s'ouvre sur les pertes humaines occasionnées suite au raid d'Israël sur le Liban en 2006. Première image du film, un enfant, blessé dans sa chair, entouré de ses parents, fête son anniversaire, sur un lit d'hôpital. Ce film montre clairement la complicité des Etats-Unis dans l'aide en armements contre les pays arabes. Selon le rapport de Human Rights Watch, «une organisation non gouvernementale internationale de défense des droits de l'homme», Israël, envoie des missiles sur des civils sans connaître la position exacte du Hezbollah. Des milliers de maisons sont détruites, emportant avec elles des personnes, sans défense, dont les survivantes crient leur détresse, en vain. Le second film, un long métrage de Rashid Masharawi, évoque l'éternel espoir pour tous ces réfugiés de retourner et retrouver un jour leur terre, la Palestine. «L'attente est devenue une partie intégrante de nos vies. C'est à la racine de notre être», pour le rélisateur. Avant de quitter les territoires palestiniens pour étudier à l'étranger, le réalisateur du film, Ahmad, incarné par Mahmoud Massad, est persuadé de faire un dernier travail: auditionner les acteurs pour la nouvelle fiction du Théâtre national palestinien. Il voulait pourtant réaliser une comédie satirique, mais le rire, dit-il, «est interdit en Palestine». Il entreprend un voyage souvent frustrant mais très éclairant avec la journaliste Bissan (Areen Omari) et le caméraman Lumière (Youssef Baroud). Lors des auditions dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, en Jordanie et en Syrie, Ahmad dit aux futurs acteurs qu'ils doivent jouer le rôle de quelqu'un en attente. Ironie du sort. Beaucoup échouent à interpréter ce rôle ô combien proche d'eux...Tandis que Bissan termine les vérifications de sa bande son pour les auditions, elle récite mécaniquement les phrases en tant que présentatrice pour la télévision palestinienne, qu'elle répète chaque jour, les phrases ‘clichés' de l'espoir palestinien: «L'Union européenne a exprimé l'espoir...le Premier ministre palestinien espère que la crise pourra être résolue. Arafat déclare que les choses ne sont pas désespérées.» L'attente dans ce film, suinte à chaque image. A chaque check-point ou barrage armé, dans la salle d'attente justement, l'attente de voir se terminer ce Théâtre national, entamé depuis 6 ou 8 ans, l'attente de recevoir enfin le financement de l'Union européenne, que la journaliste Bissan revoit son père au Liban, que deux amoureux se revoient un jour et puis de retourner chez soi après la manifestation et les émeutes à Ghaza. Ce film où le réalisateur nie faire du «politique», réussit pourtant à transposer deux visions qui, par moments se rejoignent. Le réalisateur Ahmad ne croit plus, contrairement à Bissan, et continue à croire malgré le bombardement de la Télévision nationale. Elle veut aussi croire en l'amour entre deux Palestiniens, contrairement à Ahmad. Un espoir infime, fragile qui vacille au gré des nouvelles et des statistiques. Bissan doute quant à l'acceptation de ne plus revoir son père un jour, qui s'est entre-temps remarié. Choquée, elle demande à Ahmad de l'emmener loin aussitôt les pieds dans le cimetière de Sabra et Chatila. Ahmad, plus réaliste, cynique et froid, se veut cet objecteur des consciences, qui rappelle ses amis à l'ordre, lorsque enthousiastes, ils assistent à un spectacle de danse au Liban. Il leur reproche de ressembler à des touristes palestiniens de New York. Le film de Masharawi, coproduit par la chaîne de télévision germano-française, Arte, a cela aussi d' émouvant, la pertinence des dialogues et ces images qui illustrent en filigrane la dislocation générale des sociétés arabes qui, parfois, n'arrivent plus à communiquer entre elles. Le réalisateur n'omet pas aussi d'évoquer Mahmoud Darwich et Faïrouz etc. pour dire toute l'importance de ces icônes de la résistance, quand les politiques se noient dans des palabres à l'infini...Comme le fait si bien remarquer Bissan. Raconter une histoire n'a jamais été aussi authentique. Le débat qui a suivi la projection a été tout aussi remuant et le public vraiment touché. Pour info, à Béjaïa, la même action a été organisée par l'association Project'heures, avec la diffusion du film documentaire Ecrivains de Frontières de José Reynès. «L'objectif de cette initiative c'est d'être solidaire de Ghaza, par l'action cinématographique et culturelle. Nous aurions aimé faire plus, mais c'est une goutte d'eau dans un océan de drame», nous avouera le président de «A nous les écrans» Salim Aggar, qui nous promet beaucoup d'actions cette année, notamment avec l'association Project'heures.