«Il y avait un appel du pays et on n'avait pas le droit de dire non pour la simple raison que nos aînés ont sacrifié leur vie pour nous donner un pays.» Il promet de construire en 18 mois New York et Tokyo, deux tours d'affaires de 20 étages chacune, des tours appart-hôtels, un aquaparc et une marina, un hypermarché, le premier du genre en Algérie avec un parking de 4000 places et des aires de jogging, de détente et de pique-nique sous 2000 oliviers centenaires importés d'Espagne. Il ne s'agit pas de château mais d'une belle ville qui commence déjà à émerger à proximité de l'hôtel Hilton sur une superficie de 2 millions de m2. Qui est ce Don Quichotte des temps modernes qui ose ainsi ignorer la lourde machine qu'est l'administration algérienne? Comment raisonne cet homme qui jongle sans crainte avec les règles du marketing? D'ou vient-il, où vivait-il avant de jeter les amarres au niveau de cette partie Est de la baie d'Alger? Qui est ce téméraire qui veut construire «Alger algérienne» à qui il donna le nom de Médina? Abdelouahab Rahim, cet homme d'affaires originaire de Kabylie, a quitté le pays durant les années 1970 pour rejoindre la Tunisie où il a intégré, faute de mieux à l'époque, une multinationale avant de rejoindre Paris. C'était l'époque des effervescence sociales en tout genre, le monde venait à peine d'abandonner l'utilisation du charbon au profit du pétrole et on ne comprenait pas grand-chose au marketing, une spécialité qui était à ses premiers balbutiements. Téméraire donc, comme tout rude montagnard, M.Rahim a étudié justement le marketing. En France, il a travaillé dans l'industrie pharmaceutique et son entreprise l'a chargé du monde arabe. A la fin des années 1970, il se rend en Suisse et, compte tenu de ses relations avec le monde arabe, s'est installé à son compte toujours dans le domaine marketing et stratégies. «Je suis né avec le monde arabe» aime-t-il à répéter. «Je me souviens toujours de cet aéroport de Djeddah en Arabie Saoudite, construit en tôle ondulée et rouillée, du policier qui vous accueille dans ce même aéroport avec un très long fusil.» Il est également témoin de la naissance de villes et de cités qui jaillissaient des entrailles du désert du Golfe. «A la même époque il n'y avait qu'un seul immeuble à Dubaï», se souvient-il. Voilà donc pour l'itinéraire simple de cet Algérien. Après ce long périple à travers les pays arabes et le reste du monde, il revient au pays natal. Durant les années 1990, l'Algérie entamait son ouverture économique. Il y avait alors des road-show, une sorte de marketing économique pour sensibiliser la diaspora algérienne afin qu'elle vienne investir dans son pays. «Il y avait un appel du pays et on n'avait pas le droit de dire non. L'argent et le confort ne sont pas représentatifs pour la simple raison que nos aînés ont sacrifié leur vie pour nous donner un pays.» Au tout début donc, il s'agissait de trouver un réseau de distribution pharmaceutique. «On a créé le premier réseau» et aujourd'hui il en existe beaucoup. Est venu ensuite le secteur des assurances, «on a créé la première compagnie en Algérie, 2A,», il en existe beaucoup aujourd'hui. Il a investi dans le domaine bancaire en créant Arco Banque, l'une des premières banques qui effectuaient des opérations à distance. Aujourd'hui il en existe beaucoup. Après le secteur financier est venu celui de l'informatique et de l'Internet. Enfin on arrive au développement dans l'immobilier. Dans ce secteur, il n'a pas fait que construire, il a acquis un savoir-faire. «Toute la conception est faite en intra-muros et nous gérons nos propres bâtiments.» Dans les immeubles de ce «gabarit», les murs ne sont qu'un habillage. «Voyez ce Business-Centre par exemple, ce sont près de 35 ingénieurs qualifiés qui se chargent quotidiennement de sa gestion.» Et qu'en est-il de la Médina? La passion et le sourire avec lesquels Abdelouahab Rahim décline le projet, son élocution, ses gestes courts, jusqu'à sa manière de s'asseoir sur le coin d'un siège, suffisent à trahir cette timidité, celle des grands orgueilleux. Ceux qui souffrent de ne point être absolument parfaits, qui souffrent d'être tout simplement, surtout lorsque le faisceau de la curiosité publique allumé, les scrute brusquement. «Je vais faire quelque chose qui pourra contribuer à changer en bien les habitudes dans la cité. J'apporte un style de vie qui donnera du plaisir des retrouvailles là où on peut rencontrer des personnes sans qu'on leur donne rendez-vous.» C'est donc à tous ces aspects que va répondre la Médina qui doit traverser l'histoire et qui doit être adoptée par les citoyens comme l'a été la Casbah. Tel est le voeu de cet Algérien qui monta de ses pieds ailés l'escalier roulant de la gloire, marche après marche.