Depuis hier, sont entrés en vigueur deux cessez-le-feu unilatéralement annoncés par Israël et le Hamas. Ces annonces de cessez-le-feu loin de rassurer, renforcent l'expectative quant à une solution durable dans la bande de Ghaza. Ce scepticisme est raffermi par l'organisation d'un sommet, à tout le moins baroque, dans la station balnéaire égyptienne de Charm El Cheikh en l'absence des principaux acteurs de la tragédie palestinienne. Il s'agirait en fait d'un sommet européen en présence du président égyptien (pays hôte) et du roi jordanien, lequel s'est tenu hier à Charm el Cheikh avec pour objectif déclaré de «consolider» le cessez-le-feu unilatéral proclamé samedi soir par Israël. Ce sommet qui, curieusement, se tient en l'absence des principaux intéressés, les Arabes, les Palestiniens et Israël, est coprésidé par les présidents égyptien, Hosni Moubarak et français, Nicolas Sarkozy. Un tel sommet organisé dans les conditions de transparence - qu'exige la situation au Proche-Orient - et avec tous les acteurs de la tragédie palestinienne, aurait été certes le bienvenu. Mais il n'en est malheureusement rien, puisque les Arabes sont quasi absents dans une réunion appelée, affirme-t-on, à conforter la décision prise unilatéralement par Israël de cessez-le-feu après que l'Etat hébreu ait atteint - selon le Premier ministre israélien, Ehud Olmert - les objectifs qu'il s'est assignés par l'agression menée depuis le 27 décembre contre la bande de Ghaza et qui a coûté la vie à plus de 1300 Palestiniens, en majorité des femmes et des enfants. A propos de cessez-le-feu unilatéral, notons que le Hamas a, à son tour, décidé hier d'observer une pause pendant une semaine, afin de donner à Israël le temps de retirer ses troupes et de mettre fin au blocus de Ghaza. Dans une déclaration du numéro deux de Hamas, Moussa Abou Marzouk, diffusée par la télévision publique syrienne, celui-ci a indiqué depuis Damas que «l'ennemi israélien a échoué à imposer ses conditions. Nous, les mouvements de la résistance palestinienne, annonçons un cessez-le-feu dans la bande de Ghaza et demandons que les forces de l'ennemi s'en retirent d'ici une semaine, ouvrent tous les points de passage pour laisser entrer les aides humanitaires et les produits de (première) nécessité.» Israël et Hamas ont donc proclamé, chacun de son côté, un cessez-le-feu. Reste à savoir jusqu'à quand il va tenir. Les Européens déjeunent chez Moubarak... C'est aussi là l'objectif du «sommet euro-égyptien» convoqué par Moubarak à Charm El Cheikh. Ouvrant le «sommet» égypto-européen, le président Hosni Moubarak a affirmé: «Depuis hier, des signes de déblocage de la crise sont apparus» estimant toutefois que des «questions importantes nécessitent la poursuite des efforts de l'Egypte». On peut comprendre par là que l'Egypte, sans consultation avec ses pairs arabes, a pris sur elle de parler au nom des Palestiniens et des Arabes d'un processus, la trêve notamment, qui les concerne en tout premier lieu. M.Moubarak indique en effet que parmi les objectifs assignés au sommet sus-cité figurent la nécessité de faire «respecter» le cessez-le-feu entré en vigueur dans la nuit de samedi à dimanche en veillant à «sa consolidation» ainsi que «le retrait des troupes israéliennes de la bande de Ghaza, la fin du blocus et le retour de la trêve». Toutefois, une trêve se négocie et est signée par les belligérants. Si le «sommet» de Charm el Cheikh ne traite pas avec l'un des belligérants en cause, le Hamas en l'occurrence, comment peut-il espérer faire «consolider» le cessez-le-feu d'une part, obliger Israël à retirer ses troupes et surtout à mettre fin au blocus de Ghaza, cause principale du refus par le Hamas de renouveler la trêve avec Israël?. Un blocus maintenu par Israël depuis près de deux ans, qui constitue en fait un crime de guerre tel que consigné par les Conventions de Genève. Un porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Hossam Zaki, a déclaré à l'Agence France Presse que le sommet de Charm El Cheikh a pour objet de «discuter ensemble comment contribuer à éviter cette tragédie». Ensemble? A Charm El Cheikh étaient présents la chancelière allemande Angela Merkel, les présidents français, égyptien et turc, Nicolas Sarkozy, Hosni Moubarak et Abdullah Gül, les Premiers ministres britannique et tchèque (ce dernier assumant la présidence tournante de l'Union européenne), Gordon Brown et Mirck Iopolànek, les présidents du Conseil espagnol et italien, José Luis Rodriguez Zapatero et Silvio Berlusconi et le roi Abdallah II de Jordanie, en présence du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon et du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. ...et dînent chez Olmert Toutefois, on se demande de quel poids va peser le président palestinien, qui ne semble pas devoir avoir droit au chapitre face à des poids lourds de la «communauté internationale». Notons que les six dirigeants des «grands pays européens» présents au sommet de Charm El Cheikh devaient aller dans la soirée d'hier dîner en Israël à l'invitation du Premier ministre israélien, Ehud Olmert, cautionnant de la sorte les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commandités par ce même Olmert en ordonnant à son armée d'agresser le peuple palestinien. Certes, on peut toujours accorder au sommet de Charm El Cheikh qu'il est parti de bonnes intentions, mais intentions ne résolvent en rien le fond du contentieux israélo-palestinien qui est et reste la restauration de l'Etat palestinien, tel que formulé par la résolution 181 du Conseil de sécurité adoptée le 29 novembre 1947. A Charm El Cheikh on parle de «consolider» le cessez-le-feu, voire aboutir à une trêve «durable» Il n'est énoncé nulle part la nécessité de s'attaquer à la genèse du drame des Palestiniens frustrés de leurs droits, spoliés de leurs terres depuis 61 ans, empêchés par Israël de créer leur propre Etat. De fait, la «vision» de deux Etats, vivant «pacifiquement» côte à côte, la Palestine et Israël, énoncée en novembre 2007, a été une véritable mystification de la part du président sortant George W.Bush, qui a surtout permis à Israël de gagner du temps. Ce qu'Israël fait depuis la création de l'Etat hébreu en mai 1948 en violation de la résolution du Conseil de sécurité portant partage de la Palestine historique entre un Etat arabe et un Etat juif. La Palestine attend toujours de voir le jour et ce sont les Palestiniens qui, aujourd'hui, en paient un lourd tribut en vies humaines. Durant les 22 jours de l'agression, Israël a effectué 2500 raids aériens et lancé 1000 tonnes d'explosifs sur la bande de Ghaza qui ont dévasté le territoire et détruit la majorité de ses infrastructures. Le sommet de Charm El Cheikh condamnera-t-il ce crime de guerre? On en doute!