Alors que certaines sont condamnées à errer dans la rue, d'autres s'aventurent dans des embarcations de fortune, espérant vivre sous d'autres cieux plus cléments. La femme algérienne est aujourd'hui au centre des débats les plus controversés. Qu'elle occupe des postes hiérarchiquement importants dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la justice et de l'administration, elle demeure paradoxalement otage du Code de la famille. Un code qui la relègue au second rang. Pour confirmer ce constat, Me Farouk Ksentini, président de la Commission consultative nationale de promotion et de protection des droits de l'homme (Ccnppdh), précise: «Dans la Constitution, la question de supériorité ou d'infériorité ne se pose même pas. La femme a tous ses droits...» Les lacunes que contient ce Code, mènent les spécialistes à poser des questions lancinantes: peut-on voir une femme algérienne présider les destinées du pays? Ou encore: comment cette femme réduite à une «mineure» par les textes de ce code, peut-elle rendre justice en occupant le poste de juge d'instruction? Sans tergiverser, le responsable de la Ccnppdh estime que la Constitution ne différencie pas les deux sexes, «la femme peut accéder à tous les postes même celui de premier magistrat du pays». Le hic, demeure en effet, selon lui, le Code de la famille qu'il faut réformer de fond en comble. Instauré en 1984, ce code est l'un des rares «vestiges» du parti unique à résister aux aléas de la vie politique largement chamboulée depuis l'ouverture du pays au multipartisme, au début des années 90. Durant tout ce temps, les femmes algériennes subissent les dispositions discriminatoires de certains textes. Elles sont aujourd'hui nombreuses à errer dans la rue...en compagnie de leurs enfants, pendant que d'autres s'aventurent dans des embarcations de fortune, espérant vivre sous d'autres cieux plus cléments. Ces femmes que Me Ali Yahia Abdenour a toujours qualifié d'«êtres entiers et non de la moitié de l'homme», sont dans l'obligation d'affronter quotidiennement le côté obscur de la société. Que peuvent espérer ces êtres entiers dans un pays où battre sa femme «ne constitue pas un délit» mais un lien de sujétion et de subordination? Devant le laxisme dont fait montre la justice, cette catégorie risque de souffrir encore de longues années. Qu'il s'agisse de divorce, de tutorat...les chances de voir la femme traitée au même titre que l'homme, sont réduites à une peau de chagrin. Interrogé pour expliquer le retard qu'a connu la révision de certains textes, Me Ksentini l'explique par «les résistances parvenant des religieux» auxquelles ceux ayant voulu «émanciper» la femme, ont fait face. Ainsi, la réforme du Code de la famille, déjà très timide, rencontre une résistance farouche, qui la fait vider de son contenu et fait reculer le pouvoir. Ce dernier se trouve devant un choix cornélien: ouvrir la porte de la réforme ou la fermer. Mais pas les deux ensemble et en même temps, comme c'est le cas actuellement. Les amendements proposés sont insuffisants et dégagent une impression de «légèreté et de futilité», avait déjà soutenu le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), Me Ali Yahia Abdenour. Le nom de la femme n'est aujourd'hui utilisé qu'à des fins personnelles. Il est devenu l'un des slogans des campagnes électorales. D'ailleurs, certains partis, qu'ils soient les ténors de la sphère politique ou les sanafirs, ont beaucoup parlé de cette femme afin de se garantir les meilleurs résultats. «C'est vrai», dit Me Ksentini qui appelle à un dialogue approfondi pour que ces femmes ne soient pas des mineures à vie.