Les partis qui ont pris à bras-le-corps la cause de la Kabylie n'ont réalisé aucun travail d'explication. «Nous ne savons rien des revendications des ârchs, tous nos commentaires ou toutes nos convictions se font sur la base des écrits de journaux», dira un citoyen que nous avons interrogé à propos de la crise en Kabylie. Plusieurs citoyens d'Oran que nous avons interrogés à ce propos trouvent que les ârchs se sont engagés dans une voie «jusqu'au-boutiste» qui n'arrange nullement la revendication identitaire. «Quand ils parlent de chômage, de crise de logement ou encore de démocratie, nous avons l'impression qu'ils ne vivent pas les réalités de l'Algérie», dira un citoyen qui s'empressera de préciser que, lui aussi, est chômeur et qu'il est demandeur d'emploi. A Oran, les citoyens semblent pris par les difficultés du quotidien qui les empêchent de porter un avis sur ce qui se passe en Kabylie. «Moi, mon problème n'est pas de me faire une idée de ce qui se passe, mais bien de trouver comment joindre les deux bouts», dira une femme qui se déclare hostile aux revendications des émeutiers de la Kabylie. «Aujourd'hui nous assistons à un fait très grave qui pourrait compromettre l'union du pays. Si au départ c'était une revendication purement identitaire et linguistique, aujourd'hui, avec les voix qui réclament une autonomie de la région kabyle, c'est la porte ouverte à tous les excès», dira-t-elle. En Oranie, les partis qui ont pris à bras-le -corps la cause de la Kabylie n'ont réalisé aucun travail d'explication pouvant apporter un éclairage sur la revendication. Ils se sont terrés dans un mutisme qui explique des dissensions au niveau central. «Personne n'est venu expliquer aux Oranais ce qui se passe en Kabylie. Tout ce qu'ils ont fait c'est envoyer des communiqués à certains journaux, mais question explication, ils n'ont rien fait», dira un universitaire connu pour ses prises de position avant-gardiste et progressiste. Il fera remarquer que l'Oranie avait joué un rôle rassembleur durant le boycott scolaire de 1999. «Le MCB Oran avait ouvert la porte à toutes les tendances qui se disputaient la paternité du boycott. Toutes sont venues s'exprimer à Oran sans exclusive, mais aujourd'hui, les gens fuient l'Oranie comme s'ils craignaient la réaction des habitants de la région», avouera-t-il. Les avis des Oranais divergent, mais tous s'accordent à dire que l'opinion publique est manipulée par les écrits des journaux. «Certains quotidiens nationaux au lieu de se limiter à un travail d'explication et d'information se sont transformés en tribune de courants et de partis politiques, qui ont récupéré les revendications des émeutiers kabyles», diront deux jeunes Oranais du mouvement associatif local. Tous à Oran se déclarent concernés par les événements de Kabylie, le Tout-Oran aussi renvoie dos à dos les pouvoirs publics et les ârchs préférant leur faire endosser la responsabilité de ce qui se passe en Kabylie. «Les uns n'ont pas su gérer la crise alors que les autres utilisent la misère de la population pour faire avancer des idées qui n'arrangent en rien les affaires de la population locale», avouera un commerçant. Finalement, les citoyens oranais souhaitent comprendre pour se faire une idée, car ils se disent noyés dans le flou et victimes d'écrits, parfois tendancieux, d'une certaine presse qui, au lieu de servir la cause Kabyle, l'a plutôt desservie.