A la veille de la visite du ministre allemand de l'Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire en Algérie, Andreas Hergenröther, directeur général de la Chambre algéro-allemande de commerce et d'industrie (AHK) a accordé à L'Expression l'exclusivité d'un entretien durant lequel il a longuement mis en exergue la qualité de la relation de partenariat «privilégié» entre l'Algérie et l'Allemagne que promet la AHK depuis maintenant trois années. Il est également revenu sur le parcours de la AHK, les difficultés rencontrées par ses adhérents, mais aussi et surtout les aspirations qu'elle a. L'Expression: Pouvez-vous nous faire un bref rappel des principales missions et activités de la Chambre de commerce et d'industrie algéro-allemande? Andreas Hergenröther: La Chambre algéro-allemande de commerce et d'industrie existe depuis octobre 2005 et a été créée avec 43 membres fondateurs. Nous comptons actuellement plus de 560 sociétés allemandes et algériennes et faisons partie d'un réseau de 120 bureaux répartis à l'étranger. Avec la Chambre de commerce en Allemagne, nous comptons 3,6 millions d'entreprises membres et sommes donc la plus grande organisation d'entreprises au monde entier, avec 87% de l'économie allemande. Notre mission est de promouvoir les relations et partenariats économiques et dans ce cadre, nous avons trois missions principales. Il s'agit de missions officielles de la chambre allemande en tant que représentant de l'économie allemande à l'étranger. Il s'agit aussi de la représentation des intérêts de nos membres, de la fonction «lobbying». Notre troisième fonction est la prestation de service dans ce cadre-là. Chaque chambre de commerce a un ordre à l'étranger qui propose le même cadre de service, à savoir des services économique pour la recherche du partenariat, des délégations d'hommes d'affaires, de bourses de coopération, des études de marchés et informations sur les franges industrielles, des services juridiques et des services de promotion. Dans le cas de l'Algérie, c'est un service de promotion continue. Nous représentons les cinq plus grandes foires d'Allemagne exclusivement en Algérie. Nous organisons aussi des salons en Algérie, comme le salon de Enviro-Algérie que nous avons organisé en octobre 2008 avec la GTZ, agence de coopération technique allemande. Justement, comment faites-vous pour promouvoir cette relation, quelle est votre politique de communication? Et surtout que faites-vous pour inciter les entrepreneurs à faire appel à vos services? Pour la politique de communication, nous avons en Allemagne un réseau assez dense à travers bien sûr les Chambres de commerce, à travers aussi la Fédération allemande de chambres de commerce et d'industrie. Nous organisons aussi beaucoup de conférences et des journées d'information sur l'Algérie en Allemagne où nous recevons des entrepreneurs qui s'intéressent au marché. C'est dans ce cadre-là d'ailleurs que je vais partir au début du mois de mars prochain en Allemagne pour une journée d'information qui se déroulera à Wiesbaden dans la capitale de la Hesse et une autre à Cologne, pour discuter avec des entrepreneurs allemands. Une autre journée est prévue en avril à Munich. Nous utilisons ces rencontres comme notre principal outil de communication en plus de notre site Internet qui est très consulté par les entrepreneurs allemands et algériens. Nous sommes pour les sociétés allemandes le premier interlocuteur. Nous avons également notre revue trimestrielle en français et en allemand. Quel est le profil financier des entreprises qui manifestent leur intérêt pour l'Algérie et font appel à vous en général? Ont-elles de gros chiffres d'affaires? Vous savez, il y a de grandes sociétés allemandes qui sont installées ici et d'autres qui ont des projets d'investissement. Il y en a d'autres qui sont plutôt moyennes et petites et qui ont également des projets d'investissement ici. Je pense que cela dépend toujours du projet à réaliser, de son importance pour les deux pays. Nous avons de grands projets d'investissement que vous connaissez, comme l'usine de plâtre de Knauf, comme Siemens, Henkel et d'autres... Il y a aussi des PME qui ont investi dans des projets comme l'usine de plastique basée à Oran, qui fait de la production de plastique avec un partenaire privé algérien devenu leader dans le marché algérien. Ce qui est un très bon exemple de cette diversité. Les derniers chiffres de l'Office allemand des statistiques le prouvent clairement avec les exportations de l'Algérie vers l'Allemagne qui ont atteint les 2,5 milliards d'euros. Dont une grande partie est tirée des hydrocarbures. Nous travaillons d'ailleurs pour promouvoir les autres secteurs, hors hydrocarbures, et nous avons édité un guide, pour aider les exportateurs algériens dans leurs démarches, afin de pénétrer le marché allemand. Dans ce guide, nous avons ciblé dix marchés allemands qui sont très intéressés, par les exportations algériennes et il y a plus de mille adresses d'importateurs allemands. Nous accompagnons aussi une délégation d'exportateurs de produits agricoles au plus grand salon dans ce domaine qui se tiendra à Berlin au début du mois de mars prochain. L'objectif est de soutenir les exportations algériennes dans ce sens. C'est une bonne initiative de notre part, mais c'est un domaine où il reste beaucoup à rattraper, en Algérie surtout, devant les chiffres affichés par les exportations marocaines, tunisiennes et égyptiennes. L'Algérie est extrêmement en retard. Je crois qu'en tant que Chambre de commerce, nous pouvons entreprendre beaucoup de démarches et gérer la plate-forme de contacts, mais il faut aussi des mesures d'accompagnement de la part de l'Etat algérien afin d'encourager ces exportations et de sortir de la dépendance des hydrocarbures. Quelles sont les principales questions que se posent les investisseurs et entrepreneurs allemands avant de se lancer dans un quelconque projet en Algérie, et inversement? Cela dépend du projet, de sa faisabilité et du marché ciblé. Mais il y a une question très importante qui revient toujours, celle liée à la sécurité juridique. Et il y a de bonnes raisons pour que les investissements allemands posent cette question. Ils veulent investir et bâtir leur projet dans un cadre qui restera le même, et ne pas avoir de surprise chaque année avec de nouvelles conditions d'investissement. De plus la question du foncier, une autre question qui revient toujours, puisque ces investisseurs peinent à avoir des terrains pour leurs projets. Justement, vous avez indiqué récemment que le foncier industriel représente un réel obstacle pour les investisseurs allemands... Oui, pour les investisseurs qui ont besoin de grands terrains pour leur production, la disponibilité de terrains, leur prix et la possibilité de les acheter, constitue un problème qui ne cesse de se poser. Il faut savoir également qu'un investisseur étranger regarde préalablement les marchés de différents pays où il peut investir, ce qui crée une situation de concurrence, puisqu'il va comparer les conditions de ces différents pays, et choisir les meilleurs. Il y a aussi le cadre de la privatisation. Il y a une réelle démarche de l'Etat algérien pour la promotion de la privatisation. Actuellement, il y a de nouvelles instructions, ce qui constitue des mesures encourageantes pour investir dans la privatisation, mais elles restent suffisantes. Dans la plupart des cas et des projets que nous connaissons, les investisseurs veulent des partenariats avec une part majoritaire, parce que les investisseurs veulent généralement changer certaines structures de gestion, c'est qui n'est pas évident. Cela peut représenter un problème dans la gestion des intérêts de leurs entreprises. Les entrepreneurs allemands s'intéressent beaucoup au domaine de l'énergie dont les hydrocarbures. Peut-on dire que ces derniers sont devenus des domaines de prédilection pour les investisseurs? Pas du tout. Actuellement, on ne compte qu'une seule société qui a investi dans le cadre de l'énergie, c'est la société Eon Ruhrgas. Elle fait partie des quatre sociétés qui ont remporté des marchés pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures suite à un appel d'offres. Sinon, nous avons dans le domaine du gaz industriel, un domaine non conventionnel de l'énergie, la société Linde. Toutes les autres sociétés sont actives dans des domaines beaucoup plus diversifiés, comme la société Knauf qui travaille dans le domaine des matériaux de construction, Jokey Plastik qui travaille dans la production de plastique. Il y a également DHL qui est un des plus grands employeurs allemands en Algérie surtout avec les agences qu'ils ont sur le terrain. C'est le leader du marché avec son vol quotidien. Avec toutes ces sociétés et toutes les statistiques, on peut déduire que 90% des sociétés qui activent en Algérie, travaillent dans des domaines hors hydrocarbures. Celles qui restent, sont indirectement liées au domaine énergétique conventionnel. L'économie allemande a été très affectée par la crise financière et économique actuelle. Dans ce contexte plutôt dramatique, les entrepreneurs allemands hésitent-ils plus qu'avant à venir avec leurs fonds et leurs projets investir en Algérie? A ma connaissance, il n'y a aucun cas de projet d'une société allemande en Algérie qui a été gelé à cause de la crise financière. Je ne connais aucun cas. Bien sûr, il y a certaines sociétés qui expriment une certaine inquiétude, surtout celles qui ont été touchées en Allemagne. La crise financière est en partie liée aux prix pétroliers, ce qui a changé beaucoup de paramètres économiques de l'Algérie. Mais l'Algérie a toujours calculé avec des prix de pétrole assez bas, ce qui est un grand avantage, surtout pour les quatre prochaines années. De plus, je ne crois pas que les prix du pétrole resteront à un niveau bas durant quatre ans. Le ministre allemand de l'Environnement effectuera une visite en Algérie le 3 et 4 février, pouvez-vous nous en dire davantage... Il sera accompagné d'une grande délégation d'entrepreneurs allemands, qui activent surtout dans le domaine de la gestion de l'eau et dans ce cadre-là, nous allons organiser une grande conférence et une bourse de coopération algéro-allemande dans le secteur de l'eau. C'est une autre visite avec une autre délégation pour approfondir le partenariat dans ce domaine après celle qui est venue dans le cadre de la coopération dans le secteur des travaux publics et des transports. Il y aura une autre délégation d'entrepreneurs issus de la région allemande de la Hesse au cours de ce mois. Nous avons également programmé d'autres délégations pour la première moitié de cette année.