Des témoignages implacables sur la «bombe politique» de la France. Le film de Larbi Benchiha, Vent de sable, présenté au Centre culturel algérien de Paris, a été l'occasion de débattre des premiers essais atomiques français à Reggane, de leurs conséquences et du combat mené pour la reconnaissance du statut des victimes de ces essais. Ce documentaire de 52 minutes, sorti en 2008, retrace les circonstances du déroulement du 1er essai atomique, désigné sous le nom de code «Gerboise Bleue» et effectué le 13 février 1960 à Reggane. Benchiha fait parler, dans son film, les acteurs directs de cet essai, des anciens militaires présents sur les lieux, des habitants de la région et des spécialistes. Ils ont été unanimes à souligner la non-protection des militaires et celle des populations locales. Ils ont, en outre, dénoncé l'indifférence affichée par le ministre français de la Défense qui a refusé jusqu'à ce jour, de reconnaître les méfaits des 17 essais effectués, sur la santé humaine et l'environnement. Le réalisateur a également utilisé des images d'archives, des documents personnels et des extraits de l'émission française télévisée 5 colonnes à la une pour reconstituer la préparation et le déroulement de cet essai. Des vétérans racontent, dans leur témoignage, comment ils ont été envoyés jusqu'au «point zéro» pour récupérer des matériaux irradiés, avec de simples combinaisons en laine et comment ils ont été (soi-disant) «décontaminés en passant plusieurs fois sous la douche». Lucien Parfait, un militaire contaminé, chargé de récupérer un compresseur exposé aux radiations, est aujourd'hui complètement défiguré. Des habitants de Reggane parlent d'une véritable journée d'enfer vécue ce jour-là. «On nous a ordonné de nous cloîtrer dans nos maisons et de fermer les yeux. Nous avions l'impression de vivre la fin du monde. Même en fermant nos yeux, la lumière nous a aveuglés. Elle a pratiquement traversé nos corps», se souvient encore le vieux Hadj Ahmed Hamadi. «Nous étions comme des souris de laboratoire. Nous avons servi de cobayes», s'est souvenu avec amertume, un vétéran de l'armée française. Le débat qui a suivi la projection de ce film témoin, était animé par le réalisateur, entouré de Michel Verger, président de l'Association des victimes des essais nucléaires (Aven), du professeur Abraham Béart médecin, membre de l'Aven et juriste. Ce film a, sans aucun doute, contribué au «combat mené actuellement pour la reconnaissance par la France des victimes ayant été contaminées lors de ces essais et leur indemnisation». La députée Christiane Taubira, présente au débat, a estimé qu'il faut que «la France reconnaisse et assume les conséquences de la dissuasion nucléaire». Elle a relaté «le combat» mené dans la discussion du récent projet de loi présenté par le ministre de la Défense Morin et prévient qu'«il ne faut pas espérer avoir une bonne loi». Elle a, par ailleurs, averti qu'elle n'a pas exclu «la possibilité de saisir la communauté internationale» au sujet des effets destructeurs et néfastes découlant de ces essais nucléaires. La députée française a proposé que ce film soit projeté à l'Assemblée nationale française pour «informer et sensibiliser» les élus. «Aucune trace de notre affectation à Reggane ne figure sur nos carnets militaires. On n'a fait l'objet d'aucun suivi médical depuis notre démobilisation à ce jour», ont témoigné, par ailleurs, plusieurs militaires exposés à l'essai. Le réalisateur a annoncé qu'il prépare deux autres documentaires sur le même sujet. L'autre film, Gerboise Bleue de Djamel Ouahab, a été présenté en avant-première dans la soirée de lundi dernier à Paris, en présence, notamment de parlementaires français. Sa sortie est prévue le 12 février prochain en France à la veille du 49e anniversaire du premier essai nucléaire français. Il sera présenté le 24 février prochain à Alger. Le président français de l'époque, Charles de Gaulle, voulait, coûte que coûte, que la France entre dans le «Club» des pays détenant l'arme atomique, et la «Gerboise Bleue» eut lieu! Les essais nucléaires effectués le 13 février 1960 au Sahara, plus précisément à Hamoudia, près de Reggane, dans la wilaya d'Adrar, font encore des remous. En 2006, l'Etat français refusait de reconnaître que les essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien, puis en Polynésie, avaient eu une incidence sur la santé des militaires du contingent, du personnel civil ainsi que sur les populations.