Plus de 6000 jeunes représentant les 48 wilayas du pays prendront part aujourd'hui, aux travaux de la deuxième Conférence nationale de la formation à Sidi Bel Abbès. Rarement, un discours du président de la République aura suscité un pareil optimisme chez une frange de la population, les jeunes, souvent réfractaires aux discours politiques. Voulant connaître leurs attentes à Sidi Bel Abbès, L'Expression s'est rapproché de quelques jeunes, rencontrés dans cette belle ville qu'on surnomme «le Petit Paris». Les doléances sont différentes mais le souci est le même. Les uns demandent l'instauration de nouveaux mécanismes pour l'emploi, les autres une prise en charge des problèmes habituels de la jeunesse. Rafik S., 33 ans, ingénieur d'Etat en aménagement du territoire, déclare: «Cela fait quatre ans que j'ai eu mon diplôme. Au début, c'était impossible de trouver un poste d'emploi dans la Fonction publique à cause de l'obstacle du Service national. Après la suppression de la carte militaire pour être recruté, j'ai réussi à avoir un poste d'emploi dans l'APC de Sidi Bel Abbès. Cela n'a pas duré longtemps. Six mois après, je me suis retrouvé de nouveau au chômage.» Il ajoute avec ironie: «Je ne demande pas la lune. L'Etat a déboursé des milliards pour la formation des milliers d'universitaires qui se trouvent, malheureusement au chômage. Je demande tout simplement que l'on donne plus de chance aux compétences nationales.» A la question concernant la «surprise» que réserve le Président à la jeunesse, Rafik préfère s'interroger: «Que nous dira le Président?». Et de répondre à sa propre question: «J'ai confiance en notre Président. Après avoir soulagé les travailleurs à Oran et les agriculteurs à Biskra, je garde espoir qu'il nous redonnera de l'espoir.» A la place Emir Abdelkader, on s'est rapproché d'un groupe de jeunes accroupis autour d'un jeu de cartes. Après avoir décliné notre identité et le but de notre mission, Kada, la trentaine, pose une série de questions. «Ah, c'est un journaliste. Vous êtes censés être au courant de tout. Alors dites-nous s'il est vrai que le Président annoncera la régularisation des jeunes n'ayant pas accompli le Service national?». Kada semble «connecté» aux coulisses. Car cette «information» circule déjà. Le même interlocuteur demande «en 1999, Bouteflika a gracié des milliers de jeunes. Je suis sûr qu'il fera cette fois-ci, aussi, le même geste». Kada n'est pas le seul à évoquer cet «obstacle». Son copain Houari, 29 ans, estime que le Service national «est devenu un véritable cauchemar pour les jeunes». Et d'expliquer: «Juste après la fin de mon cursus universitaire, j'ai essayé, vainement, d'être appelé pour remplir mon devoir. C'était très difficile d'avoir un ordre d'appel. Depuis plus de trois ans, je ne suis ni régularisé ni rappelé. Je ne peux rien faire dans ma vie sans régler cette question. Et je vous assure que je ne suis pas le seul. La grande partie des jeunes souffre du même problème.» Plus sage, Abdelmalek affirme que «le Service national est un devoir pour les jeunes Algériens. Et nous sommes obligés, de ce fait, de répondre à l'appel de la patrie». Ne s'arrêtant pas là, Abdelmalek, que ses potes surnomme «Miko», attend que l'Etat «ordonne aux banques de faciliter l'octroi des crédits aux jeunes pour créer des microentreprises». Parmi ce groupe, Nabil Semakhi, 26 ans, un jeune qui se dit «marginalisé et sous-estimé comme le reste de mes concitoyens. J'ai quitté l'école à l'âge de 16 ans. J'ai le niveau de la première année secondaire. J'ai effectué des stages au centre de formation professionnelle. Je suis sorti avec deux diplômes, mais je ne fais rien. Je demande des prêts bancaires pour essayer de faire quelque chose. Mais rien n'a été fait et rien ne se fera, je pense», résume-t-il et demande à ses copains de continuer le jeu de cartes plutôt que de «parler dans le vide». Avant de quitter cette place, le sage Malek nous demande d'attendre quelques minutes. Il appelle son cousin qui se trouve à l'intérieur d'une boutique de vêtements. Il s'agit de Abderahmane. Agé de 38 ans, ce dernier travaille comme vendeur dans ce magasin. Il énumère un chapelet de problèmes auxquels il fait face quotidiennement, ce qui a attiré l'attention de Nabil qui lui demande: «Hé "Abdo", notre ami est un journaliste, ce n'est pas un maire», ironise-t-il. Mais Abderahmane insiste sur le fameux problème du logement, qui est celui de tous les Algériens. «Je vais avoir bientôt 40 ans. Je vis dans un F3 avec ma famille et je partage le salon avec mes deux frères. Mes parents sont dans une chambre, mes frères partagent l'autre chambre. Je veux me marier, mais je ne peux pas le faire. Je n'ai pas où ramener ma femme. Je n'ai pas de moyens pour louer. Que faire?». La question de Abdo est posée par des milliers d'Algériens. Alors, le Président répondra-t-il à ces appels de détresse? Les jeunes gardent quand même l'espoir et attendent un geste de leur Président.