«Cette quête du gain a abouti à une rupture avec le processus de mise en place d'un théâtre sérieux lancé par Alloula et bien d'autres avant lui», a appuyé M.Boutata. Le niveau du théâtre algérien a «régressé» après la disparition de ses figures de proue parmi lesquelles Abdelkader Alloula, ont estimé des critiques ayant participé, mardi à Boumerdès, au Séminaire national sur le défunt dramaturge Alloula. Le professeur Ahmed Boutata, un des compagnons de Abdelkader Alloula, a indiqué que la situation du théâtre algérien «est devenue catastrophique après l'assassinat de Alloula en 1994», considérant que les oeuvres post-Alloula sont «insipides» et dénuées de tout «goût artistique, social et humain». «Ces oeuvres théâtrales, a-t-il déploré, pêchent par l'absence de sensibilité artistique, car destinées au commerce et à la consommation». «Cette quête du gain a abouti à une rupture avec le processus de mise en place d'un théâtre sérieux lancé par Alloula et bien d'autres avant lui», a soutenu M.Boutata, considérant que «cette rupture a éloigné le 4e art de son rôle précurseur dans la société, sur le double plan éducation et orientation, notamment ainsi que sa contribution supposée dans le développement intellectuel». Le dramaturge Abderrahmane Settouf a abordé, pour sa part, les différentes étapes majeures traversées par le théâtre algérien avant et après l'Indépendance grâce, notamment aux grands auteurs et comédiens à l'exemple de Ould-Abderrahmane Kaki, Hadj Omar et Allel El Mouhib, avant que Abdelkader Alloula ne vienne y apporter sa touche. Chaque pierre de cet édifice hérité, a-t-il dit, «a été mûrement réfléchie par ces doyens et pionniers du théâtre algérien qui se sont basés pour ce faire sur des recherches dans l'histoire profonde de la culture nationale, tout en s'appuyant également sur un théâtre universel proche de notre culture». M.Settouf a cité, dans ce sens, l'apport bénéfique du théâtre allemand, Incarné alors par Berthold Brecht, dont le style et le contenu des oeuvres sont très similaires aux bases fondant le théâtre algérien. «C'est sur un solide socle que Kaki a érigé son théâtre la Halka (ronde) et que Abdelkader Alloula a créé au théâtre le personnage du Goual (le diseur)», a-t-il soutenu, affirmant que «le succès et la réussite de ces deux styles scéniques tiennent de la place laissée à l'interactivité directe entre le public et le comédien». D'autres critiques «plus optimistes» quant à l'avenir du théâtre algérien, considèrent que «la base existe et n'a besoin que d'un effort plus soutenu envers un public fan du 4e art». Les tenants de cet avis ont souligné l'importance d'inculquer une nouvelle dynamique au Théâtre national, en poursuivant l'oeuvre de ses pionniers et en se fondant sur une culture multidimensionnelle. Ils ont appelé, à cet effet, à la promotion de ce genre de rencontres nationales dans l'optique de les mettre à contribution dans le développement et la relance du 4e art. Dans son intervention, un autre compagnon du défunt Alloula, M.Larbi Zekkal, a souligné la modestie et l'humanisme de cet artiste qu'était Alloula, le décrivant comme étant «un homme d'un humour décapant, mais infatigable et très sérieux dans son travail», avant de mettre l'accent également sur «son amour fou pour le théâtre». La veuve du défunt, Mme Radja Alloula a, pour sa part, souligné l'amour «démesuré» de son défunt époux, «pour sa société, mais surtout pour les gens de condition modeste et les enfants, dont il voulait améliorer les conditions d'existence par le théâtre».