Le cinéma du continent noir souffre de son isolement et de l'absence d'une politique de renforcement claire. Le cinéma africain peut-il avoir les moyens de ses ambitions? L'Afrique est à la fois le continent le plus pauvre (à l'exception de l'enclave blanche d'Afrique du Sud) et celui qui a le plus souffert de la dépendance coloniale consécutive à la traite. L'histoire des cinémas africains se sépare difficilement de celle de la décolonisation. Les nouveaux Etats africains ont été confrontés au problème de l'orientation et des moyens à donner au cinéma. Problème technique mais avant tout problème politique: celui de la possibilité de promouvoir un cinéma national. Absence de politique claire de soutien au cinéma et manque de financement auxquels s'ajoute l'absence de distribution en raison du nombre réduit de salles de cinéma, font que le cinéma africain souffre grandement de perte de visibilité. Si l'on excepte l'Egypte, pays producteur et exportateur de films depuis les années trente, l'Afrique n'est jusqu'à la Seconde Guerre mondiale qu'un décor. L'indépendance politique acquise s'accompagne d'un constat amer: la quasi-inexistence, héritée de l'époque coloniale, de toute infrastructure (studios, techniciens) permettant la production des films. L'Algérie, elle, a connu son cinéma de guerre grâce à René Vautier, et autre Charbi, mais cela ne suffit pas. L'Afrique a vu pourtant naître au fil des années des grandes pointures comme Sembène Ousmane, qui donne l'exemple d'une production africaine engagée et n'hésite pas à utiliser les langues vernaculaires. Djibril Diop Mambety sera le second grand nom du cinéma sénégalais. Les autres pays actifs sont le Niger avec Oumarou Ganda, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Cameroun, et surtout la Haute-Volta, actuellement Burkina Faso qui crée, dès 1969, le Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou) et encourage le cinéma africain. Ce dernier retient aussi les noms d'un Gaston Kaboré, d'un Bassek ba Kobhio, d'un Johnson Traoré, d'un Med Hondo, d'un Souleymane Cissé, d'un Youssef Chahine, d'un Mahamat Haroun Saleh, du Mauritanien Abderrahmane Sissako, les Maliens Souleymane Cissé et Cheick Oumar Sissoko et le Burkinabé Idrissa Ouedraogo. La République démocratique du Congo a Balufu Bakupa-Kanyinda, lequel était président dans la catégorie court métrage à la 21e édition du Fespaco. Les thèmes sont aujourd'hui tournés vers le social et le passé, comme c'est le cas avec Haile Gérima et son fameux Teza sur l'histoire de l'Ethiopie, qui n'a de cesse de rafler des prix, à l'image de notre fierté, Mascarades de Lyès Salem. Il reste, encore maintenant, les difficultés que rencontrent les films africains dans leur diffusion: le public urbain n'a souvent accès qu'à des productions américaines, ou à des films produits en Inde ou en Egypte, à quelques exceptions près, tandis que le public rural est à la merci des circuits itinérants. D'où l'importance des festivals de Carthage et surtout de Ouagadougou (Fespaco) qui accueillent aussi bien les films du Maghreb ou d'Egypte que ceux d'Afrique du Sud. Actuellement, les pays de l'aire francophone (ex-françaises ou belges) assurent le gros de la production cinématographique. Dans l'aire anglophone, mais sans bénéficier des mêmes aides financières que les anciennes colonies françaises, le Nigera connaît la production la plus riche (Olaniyi Areke, Saddik Balewa, Brenda Shehu). Dans l'aire lusophone, enfin, seule la Guinée-Bissau se signale (Flora Gomes). Beaucoup de ces oeuvres demeurent confidentielles. La spécificité du cinéma africain est assurée par le triptyque Sembène Ousmane, Souleymane Cissé, Idrissa Ouédraogo grâce à une diffusion hors d'Afrique et une reconnaissance internationale. Le cinéma d'après l'indépendance doit compter sur lui-même. Il n'a pas le temps historique de se constituer un imaginaire propre, élément essentiel pour la constitution d'un marché national. C'est la crise de l'imaginaire à tout les étages. C'est le cas en Algérie. Seuls quelques cinéastes parviennent à franchir le seuil international, mais à quel prix... le cinéma algérien peine à exister et surtout à être relancé. Une palme d'or ne fait pas le printemps. La dissolution des trois entreprises de distribution étatiques le mène à sa faillite et la période de la tragédie nationale finit par l'achever. Le Maroc aujourd'hui avec le Festival de Marrakech pourtant récent et ses studios et plateaux de tournage, sans parler du Festival de Carthage de Tunis, constituent à eux seuls deux pays maghrébins frontaliers qui nous ont de loin devancés dans ce domaine. Pas la peine de parler de l'Egypte et de sa tradition cinématographique. Ce n'est pas demain la veille de voir se bousculer à deux heures du matin des spectateurs aux portes de nos salles de cinéma! Amiens, Bamako, Carthage, Johannesburg, Los Angeles, Londres, Marrakech, Milan, Montréal, Namur, New York, Ouagadougou, Venise, Yaoundé, toutes ces villes célèbrent chaque année avec plus ou moins de faste les Cinémas d'Afrique. Des festivals qui constituent de véritables vitrines de notre cinéma africain qui, à peine les lampions des festivals éteints, retourne comme une peau de chagrin, dans sa maison natale, sans véritable public pour l'apprécier. C'est le cas pour la majorité des réalisateurs du Sud. L'Algérie a connu il y a deux ans à peine son Festival international du film arabe, hypothéqué selon les circonstances politiques, tandis que le Festival amazigh parvient tant bien que mal à se maîtriser. Notre cinéma reprend du poil de la bête. Et c'est tant mieux. Mais le retard causé est énorme...