La tendance commence à s'inverser pour les produits «made in China» qui sont de plus en plus boudés par les citoyens qui s'estiment victimes de «trop de malfaçons». Des chaussures à 450 dinars, aux tee-shirts à 300 DA en passant par les cartables à 250DA, les produits chinois ont inondé le marché algérien et font le bonheur des petites bourses depuis quelques années. Au bazar Ali Mellah, à la place du 1er-Mai à Sidi M'Hamed, dans les boutiques des ruelles et autres souterrains d'Alger, ou encore sur les trottoirs et cages d'escaliers, les produits «made in China», ont été des années durant, l'objet d'un engouement jamais démenti des ménages algériens qui les acquerraient à des prix largement moins chers que ceux de la production locale. Un business florissant qui a fait beaucoup de victimes, la toute première étant l'industrie textile nationale. Cette dernière qui agonisait déjà à cause de la crise qu'elle traversait depuis une quinzaine d'années, due à la concurrence déloyale des produits d'importation comme de la friperie et de la contrefaçon endémique, a accusé le coup avec l'arrivée des produits «made in China», qui bouleversèrent le paysage du marché algérien Pourtant, après quelques années de prospérité, la tendance commence à s'inverser pour ces produits de l'Asie qui se voient de plus en plus boudés par les citoyens qui s'estiment eux aussi victimes de produits qui présentent «trop de malfaçons». C'est l'impression donnée par un citoyen rencontré au marché Meissonnier. «Tout est contrefait, ça va des chaussures, aux jouets en passant par les brosses à dents, on est peut-être en train d'acheter des produits cancérigènes sans le savoir», nous a ainsi déclaré Mohamed. Attirée par la conversation qui s'est engagée à deux pas d'elle, Farida, une quinquagénaire venue faire ses courses, n'a pas pu s'empêcher de donner son avis sur le sujet en indiquant «au début j'achetais leurs produits parce qu'ils ne sont pas chers, mais maintenant je ne les achète plus parce que ce sont de véritables sources de danger». Très concernée par la question, Farida révèle: «Moi et ma fille avons toutes les deux été victimes d'accidents domestiques directement liés à ces produits chinois (...) Pour ma part, j'ai acheté un couteau chez un Chinois qui les vendait à 30 dinars la pièce, je l'ai utilisé pendant quelque temps jusqu'à ce qu'un jour, en essayant de couper un poulet, la lame s'est séparé du poignet et m'a sauté à la figure, j'ai cru pendant une fraction de seconde que j'était devenue aveugle.» Elle poursuit: «Ma fille, c'était encore pire, elle a acheté un fer à repasser sans prise de terre qui a provoqué une masse et un début d'incendie alors qu'elle était avec son bébé seuls chez elle.» Des dangers qui poussent de plus en plus les citoyens à éviter ces produits outre contrefaits et bas de gamme. Et la liste ne s'arrête pas là, puisque d'autres tares ont été évoquées par certains clients du grand bazar «Dubaï» près de l'Aéroport international d'Alger. Parmi ces derniers griefs figure celui des jouets et accessoires pour enfants. Les jouets composés de petites pièces dangereuses exposent, pour la plupart, les enfants à la suffocation. Les autres peuvent provoquer des lésions, des chocs électriques, des incendies ou des brûlures. Nounours aux yeux trop amovibles, bavoir à haute teneur en plomb, tortue en plastique pour le bain de composition toxique, ou d'origine non identifiée, ou encore lampe de chevet pour enfant dont l'ampoule peut chauffer à 220 degrés, ce sont là moult dangers relevés par les parents auxquels ils ne veulent plus exposer leurs enfants. «J'ai acheté un joli doudou à mon fils (...) lorsque je l'ai ramené à la maison, je pensais que j'avais fait une bonne affaire, mais lorsque mon petit de 17 mois a commencé à jouer avec et le mâchouiller, des bouts de tissu se sont décollés et il les a avalés», a témoigné Linda, une jeune maman. Après les jouets, c'est au tour des aliments en provenance de Chine d'être pointés du doigt et dont certains présentent des risques graves pour la santé. En effet, l'affaire du lait frelaté d'origine chinoise a marqué les esprits des Algériens et a constitué une véritable prise de conscience. Des colorants interdits dans des sauces ou des gâteaux, des moisissures cancérigènes sur des fruits secs, ou encore des stocks de nouilles incluant des composants génétiquement modifiés, les citoyens font de plus en plus attention à ce qu'ils achètent. «Il y avait pendant un certain temps, des biscuits au beurre qui se vendaient à dix dinars la boîte de 24 biscuits (...) il faut être fou pour consommer ce genre de choses», a indiqué Merwan, un jeune étudiant venu faire des emplettes au marché Ali-Mellah. Pourtant les Chinois n'ont pas lésiné sur les moyens pour séduire encore et toujours les consommateurs algériens, au point d'apprendre le dialecte propre à chaque localité du pays. Mais ces efforts semblent devenir insuffisants devant le désintérêt des citoyens désabusés et surtout l'arrivée de nouveaux concurrents dans la région, pleins de potentiel, à savoir les produits turcs. En effet, les citoyens manifestent beaucoup d'intérêt pour les produits provenant de ce pays eurasiatique. Ces derniers se caractérisent par la qualité à des prix abordables. C'est ce qu'a indiqué Rédha, vendeur de prêt-à-porter au bazar Ali-Mellah. «Que ce soit des jeans, des vêtements pour enfants ou des décorations pour la maison (...) vous pouvez trouver des produits qui vous plaisent et qui ne sont pas nécessairement chers», a-t-il soutenu. Une cliente rencontrée dans la boutique de ce dernier explique pour sa part «les produits turcs sont mieux travaillés que les produits chinois, donc le choix est vite fait». Des propos qui illustrent bien l'évolution des mentalités des Algériens devenus plus circonspects sinon exigeants quant aux produits qui leur sont proposés. L'expérience des produits «made in China» aura eu le mérite d'éveiller le réflexe du doute chez le consommateur algérien et ne plus seulement s'arrêter à la modicité des prix.