Un seul but motive la nébuleuse terroriste : ébranler un tant soit peu le peu de stabilité acquise. En Algérie, et dix ans après la cristallisation de l'opposition armée islamiste, les acteurs politiques reconduisent, invariablement, cette donne dans leurs discours avec des nuances relatives aux orientations idéologiques des uns et des autres. Les groupes armés tendent à adapter leurs actions aux impératifs de leurs propres effectifs et objectifs. En revanche, le discours politique des partis et des «personnalités nationales» s'est figé reproduisant des schémas vieux datant du milieu des années 90. Même la dichotomie «éradicateur/réconciliateur» semble dépassée après l'épisode de la promulgation de la loi portant concorde civile par Bouteflika. Les islamistes légaux rebondissent sur les actions armées clandestines pour mettre l'accent sur leur propre «modération». Les «démocrates» réagissent notamment au coup par coup en claironnant les «risques de l'instauration d'un Etat islamiste» et condamnant «la politique ambiguë du pouvoir vis-à-vis des intégristes». Le pouvoir condamne les attentats contre les civils et les militaires et conteste, en toute légalité, cette démonopolisation de la violence. Au-delà de ces synthèses simplistes, l'action des groupes armés semblent agir sur la sphère politique par rebond. Les effets des massacres, assassinats ciblés et les sabotages ne déterminent l'action politique que par ricochet. Les réactions des partis et les mesures sécuritaires des pouvoirs publics ont cette habitude de miser sur le court terme et le conjoncturel. La question des disparus, résultante immédiate de la donne antiguérilla a longtemps servi de fonds de commerce pour des partis politiques. Exemple type d'un «rebond» usité par des acteurs politiques. Cause pour les uns, «surenchère» pour d'autres. Le RCD a passé dix ans avant de découvrir que les services de sécurité exercent des sévices à l'intérieur des brigades et des commissariats. Les desperados du GIA ne rêvent plus à l'instauration de la dawla islamya. Les hommes de Hassan Hattab ne constituent pas une menace stratégique pour l'Etat, l'administration centrale et les structures stratégiques. Les commandos urbains ne pourront pas faire tomber Alger. Un seul but motive la nébuleuse terroriste: ébranler un tant soit peu le peu de stabilité acquise. Les groupes armés, en pleine mutation, réinvestissent le terrain et les espaces médiatiques. Mais l'éclatement et la désarticulation de la guérilla islamiste avec une flopée de sigles, brouillent sérieusement toute lecture. «Ce n'est plus une question politique, le GIA veut tous nous massacrer, un point c'est tout», indique une source proche des milieux islamistes salafistes d'Alger. En 1969, le chercheur H. L. Nieberg avait ainsi défini la violence politique dans son essai Political violence: «Des actes de désorganisation, destructions, blessures, dont l'objet, le choix des cibles ou des victimes, les circonstances, l'exécution, et/ou les effets acquièrent une signification politique, c'est-à-dire tendent à modifier le comportement d'autrui dans une situation de marchandage qui a des conséquences sur le système social». Faites vous-même le rapprochement.