La France tient compte des aspects politiques et culturels des pays d'origine. Les pays de l'Europe sont parvenus à un accord sur l'immigration dans le continent qui ne prévoit pas les sanctions contre les pays tiers. C'est un peu grâce à la France qui a pesé de tout son poids pour que ce dossier, qu'elle considère sensible, ne soit traité par des fonctionnaires de Bruxelles. Jacques Chirac a, en quelque sorte, renvoyé l'ascenseur à la communauté immigrée qui l'avait soutenu contre la montée de l'extrême droite lors de la présidentielle et des législatives. En effet, la France a toujours préféré traiter au cas par cas le dossier de l'immigration clandestine tenant compte que la majeure partie de ces clandestins est issue d'anciennes colonies. C'est plus qu'un intérêt économique. La France, qui a failli basculer dans l'extrémisme et la xénophobie, a évoqué les liens culturels et historiques avec ces immigrés. Pas moins de 5 millions d'immigrés, pour la plupart des Algériens, sont actuellement parfaitement intégrés dans la communauté française. Mieux encore, ils représentent près de 2 millions d'électeurs et ils sont en passe de constituer une force incontournable dans la vie politique du pays. Les centaines de milliers de clandestins, qui sont actuellement sur le sol européen, ont dû retenir leur souffle pendant toute la durée du sommet qui a réuni les chefs d'Etat des Quinze. Cependant, pas moins de 500 Algériens avaient entamé une grève de la faim dans le campus de l'université de Séville exprimant leur crainte de faire l'objet de pressions juridiques qui mettraient fin à leur rêve de rester dans l'eldorado du Vieux continent. La rétractation de l'Europe à recourir à des sanctions dissuasives ne veut nullement dire que l'Europe envisage de laisser faire. En effet la lutte anti-immigration va prendre une autre forme qui vise à porter des coups aux réseaux de trafic de clandestins qui se sont greffés au terrorisme international. Dans ce sens, le chancelier allemand Gerhard Schröder a affirmé au sommet de Séville que les dirigeants des Quinze étaient parvenus à trouver «une solution très équilibrée» pour lutter contre l'immigration illégale, sans recourir à des «sanctions» contre les pays tiers. «Nous sommes parvenus à une solution très équilibrée qui montre clairement que nous voulons limiter et canaliser l'immigration», a déclaré M.Schröder lors d'une conférence de presse. Mais le chancelier allemand n'a pas caché son souhait de voir les pays européens opter pour des textes plus répressifs: «J'aurais souhaité plus en matière de sanctions. Mais cela n'était pas réalisable». Le chancelier allemand s'exprimait devant la presse avant la conclusion du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze, qui terminaient à la mi-journée leurs discussions principalement consacrées à la lutte contre l'immigration illégale. Selon des sources diplomatiques, les dirigeants européens ont largement entériné le dernier projet de compromis de la présidence espagnole de l'UE. Selon ce projet, l'UE serait prête à prendre des «mesures» à l'encontre des pays tiers insuffisamment coopératifs dans la lutte contre l'immigration illégale, mais sans remettre en cause l'aide au développement comme le réclamaient plusieurs pays. Si elles sont adoptées en l'état, ces mesures seraient en retrait par rapport aux premières suggestions de l'Espagne, qui souhaitait que des sanctions financières soient explicitement envisagées contre les pays tiers récalcitrants. La France et la Suède, notamment, rejetaient cette idée.