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Pour une économie de marché concurrentielle à finalité sociale
Les défis de l'Algérie 2025/2030
Publié dans La Nouvelle République le 21 - 11 - 2024

L'objectif de la démonopolisation et celui de la privatisation doivent renforcer la mutation systémique de la transition d'une économie administrée vers une économie de marché concurrentielle autour de trois objectifs . Le premier objectif d'une bonne ouverture du capital est son impact sur la réduction du déficit budgétaire. La majorité des entreprises publiques ont un actif net inférieur au quart de leur capital social et une trésorerie inférieure à un mois de leur chiffre d'affaires avec un endettement croissant auprès des banques publiques malades de leurs clients.
Le deuxième objectif est la dynamisation des exportations hors hydrocarbures et de contribuer à l'instauration d'une économie de marché concurrentielle loin de tout monopole qu'il soit public ou privé. Le troisième objectif est que l'ouverture du capital privatisation partielle ou totale bien menée peut être le moteur de la croissance de l'économie nationale car favorisant l'émergence de structures concurrentielles. Il appartiendra à l'Etat régulateur, garant de la cohésion sociale à laquelle je suis profondément attachée surtout en cette période de tensions budgétaires et internes et à nos frontières de faire respecter le contrat entre les employeurs et les salariés afin que la logique du profit ne porte atteinte à la dignité des travailleurs. Mais en n'oubliant jamais que la plus grande dévalorisation morale dans toute société et d'être un chômeur ou un assisté. L'important n'est pas de travailler chez le privé national, international ou chez l'Etat, l'important pour nos enfants est de trouver un emploi durable dans le cadre de la protection sociale.
2.2- Aussi, les conditions de réussite de l'ouverture du capital d'entreprises fiables ayant un gold will positif, supposent de lever neuf contraintes. Premièrement, les filialisations non opérantes par le passé dont l'objectif était la sauvegarde du pouvoir bureaucratique. Or, c'est le fondement de la réussite tant de l'ouverture partielle du capital que d'une privatisation totale. Deuxièmement, le patrimoine souvent non défini (absence de cadastre réactualisé) pose la problématique de l'inexistence des titres de propriété fiables sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser. Pour éviter la dilapidation du patrimoine, il y a lieu de différencier l'outil de production des biens immobiliers et terrain dont l'évaluation doit se faire au prix du marché en temps réel.
Troisièmement, des comptabilités défectueuses de la majorité des entreprises publiques et des banques, (la comptabilité analytique pour déterminer exactement les centres de couts par sections étant pratiquement inexistantes et les banques ne répondant pas aux normes internationales, rend difficile les évaluations d'où l'urgence de la réforme du plan comptable actuel inadapté. rendant encore plus aléatoire l'évaluation dans la mesure où le prix réel de cession varie considérablement d'année en année, voire de mois en mois , de jour en jour en bourse par rapport au seul critère valable , existant un marché mondial de la privatisation où la concurrence est vivace.
Quatrièmement, la non-préparation de l'entreprise à la privatisation, certains cadres et travailleurs ayant appris la nouvelle dans la presse, ce qui a accru les tensions sociales. Or, la transparence est une condition fondamentale de l'adhésion tant de la population que des travailleurs à l'esprit des réformes liées d'ailleurs à une profonde démocratisation de la société. Cinquièmement, la. non clarté pour la reprise des entreprises pour les cadres et ouvriers supposant la création d'une banque à risque pour les accompagner du fait qu'ils possèdent le savoir-faire technologique, organisationnel et commercial la base de toute unité fiable doit être constituée par un noyau dur de compétences. Sixièmement, est la résolution des dettes et créances douteuses, les banques publiques croulant sous le poids de créances douteuses et la majorité des entreprises publiques étant en déficit structurel, endettés, surtout pour la partie libellée en devises sans un mécanisme transparent en cas de fluctuation du taux de change. Septièmement, les délais trop longs avec des chevauchements de différents organes institutionnels entre le moment de sélection de l'entreprise, les évaluations, les avis d'appel d'offres, le transfert, au Conseil des participations, puis au Conseil des ministres et la délivrance du titre final de propriété ce qui risque de décourager tout repreneur, car en ce monde, les capitaux mobiles vont s'investir là où les obstacles économiques et politiques sont mineurs, le temps étant de l'argent.
Huitièmement, la synchronisation clairement définie permettrait d'éviter les longs circuits bureaucratiques et revoir les textes juridiques actuels contradictoires, surtout en ce qui concerne le régime de propriété privée, pouvant entraîner des conflits interminables d'où l'urgence de leur harmonisation par rapport au droit international. Les répartitions de compétences devront être précisées où il est nécessaire de déterminer qui a le pouvoir de demander l'engagement d'une opération de privatisation, de préparer la transaction, d'organiser la sélection de l'acquéreur, d'autoriser la conclusion de l'opération, de signer les accords pertinents et, enfin, de s'assurer de leur bonne exécution.
Neuvièmement, analyser lucidement les impacts de tous les accords internationaux signés par l'Algérie, notamment les accords bilatéraux avec certains pays, l'accord de libre échange pour la zone africaine et l'Accord d'association de libre échange l'Europe, toujours en négociations pour un partenariat gagnant-gagnant, qui a des incidences économiques sur les institutions et les entreprises publiques et privées qui doivent répondre en termes de couts et qualité à la concurrence internationale.
2.3.-Qu'en est-il de la privatisation partielle via la bourse d'Alger ? Cela rejoint les remarques précédentes de la privatisation en général, où dans en raison de la situation actuelle des banques et des entreprises publiques , il est extrêmement difficile d'opérer la privatisation partielle via la bourse d'Alger qui doit en principe permettre de changer la composition du conseil d'administration donc le management des entreprises et non se limiter à distribuer des dividendes comme cela a été le cas du CPA et qui doit répondre à cinq conditions étant en léthargie depuis sa création, ayant construit un stade sans joueurs et, paradoxe, ayant introduit par injonctions administratives certaines entreprises publiques déficitaires, achetant des entreprises déficitaires.
Premièrement, il ne peut y avoir de bourse fiable sans un système productif performant concurrentiel, loin de tout monopole qu'il soit public ou privé, évitant les instabilités juridiques renvoyant à un Etat de droit. Nos responsables sont-ils conscients qu'existe un marché mondial de la privatisation, où la concurrence est vivace et où le facteur déterminant est la demande avec la prise en compte du «goodwill» (demande potentielle) et pas seulement l'offre, et qu'il faut éviter que certains prédateurs ne soient intéressés que par les actifs immobiliers et non pas par l'outil de production.
Deuxièmement, une bourse doit se fonder sur un système bancaire rénové. Or, le système financier algérien depuis des décennies est le lieu par excellence de la distribution de la rente des hydrocarbures, et un enjeu énorme de pouvoir. En effet, malgré le nombre d'opérateurs privés, nous avons une économie de nature publique avec une gestion administrée, la totalité des activités, quelles que soient leur nature, se nourrissant de flux budgétaires, de la capacité réelle du trésor. On peut considérer que les banques en Algérie opèrent non plus à partir d'une épargne puisée sur le marché, mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la banque d'Algérie, les entreprises publiques en déficit structurel étant refinancées par le trésor public sous forme d'assainissement – et pas seulement pour la période récente. Cette transformation n'est pas dans le champ de l'entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures) et dans cette relation, le système financier algérien reste passif. Plus de 90 % de ces entreprises sont revenues à la case départ, montrant que ce n'est pas une question de capital argent, la richesse réelle supposant la transformation du stock de monnaie en stock de capital – et là est toute la problématique de développement.
Troisièmement, il ne peut y avoir de bourse sans la résolution des titres de propriété qui doivent circuler librement, segmentés en actions ou obligations renvoyant d'ailleurs à l'urgence de l'intégration de la sphère informelle par la délivrance de titres de propriété, comme il ne peut y avoir de bourse des valeurs fiables sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales, par la généralisation des audits et de le comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de coûts pour les actionnaires. Cela pose la problématique de la refonte du système comptable et de l'adaptation du système socio-éducatif, l'ingénierie financière étant presque inexistante dans le pays, malgré de nombreuses compétences, le poste services sorties de devises au sein de la balance des paiements ayant été de 10/11 milliards de dollars par an entre 2010/2019, bien qu'en baisse entre 2020/2024 entre 5/6 milliards de dollars car l'important est d'analyser la balance des paiements et pas uniquement la balance commerciale. Quatrièmement, des comptes transparents en temps réel reposant sur des comptabilités analytiques et non des comptes consolidés via les comptes les comptes de transfert qui voiler l'efficacité réelle. Existant quelques rares exceptions, il se trouve que dans leur état actuel, les comptes des entreprises publiques et privées algériennes, de la plus importante à la plus simple, sont en contradiction avec les audits les plus élémentaires. À titre d'exemple, Sonatrach a besoin d'un nouveau management stratégique, à l'instar de la majorité des entreprises algériennes, avec les comptes clairs afin de déterminer les coûts par sections. Cinquièmement, pour attirer les opérateurs tant nationaux qu internationaux, s'impose la stabilité monétaire et juridique, ainsi que la résolution des dettes et créances douteuses.
En conclusion : la bonne gouvernance via la moralité et la valorisation du savoir, fondement du développement. Force est de constater qu'il reste beaucoup à faire pour que certains responsables algériens s'adaptent aux arcanes de la nouvelle économie, aucun pays à travers l'histoire ne s'étant développé grâce uniquement aux matières premières mais par la bonne gouvernance, la réforme des institutions et la valorisation du savoir. L'Algérie a toutes les potentialités de surmonter la crise actuelle sous réserve d' une vision stratégique de développement hors hydrocarbures, une lutte contre, la corruption passible du code pénal à ne pas confondre avec acte de gestion, passant par la numérisation avec des interconnexions intra-secteurs reliés aux réseaux internationaux.
La transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures suppose un profond réaménagement du pouvoir, nécessitant une restructuration du système partisan loin des aléas de la rente, et surtout la dynamisation de la société civile ; pas celles qui vivent de la rente et qui ont applaudi tous les gouvernements passés, qui, en symbiose avec les Etats et les institutions internationales jouera un rôle de plus en plus déterminant en ce XXIe siècle . Le compromis des années 2024/2030 devront concilier l'impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d'une société ouverte, non un libéralisme sauvage qui n'existe nulle part dans le monde, et le devoir de solidarité, en un mot l'efficacité et l'équité ,les politiques parleront de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme vision populiste suicidaire. En bref la réussite du processus de développement implique la refonte du système politique et socio-économique. La tolérance par la confrontation d'idées contradictoires productives, loin de tout dénigrement, est la seule voie pour dépasser l'entropie actuelle. Le plus ignorant est celui qui prétend tout savoir et méditons les propos pleins de sagesse du grand philosophe Voltaire : «Monsieur je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai de toutes mes forces pour que vous puissiez toujours le dire.»
Abderrahmane Mebtoul,
Professeur des universités,
Expert international


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