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Histoire d'un mouvement de jeunesse
JUDMA
Publié dans L'Expression le 03 - 05 - 2009

Le premier Congrès national de la J.U.D.M.A. a eu lieu à Tiaret en août 1953
L'histoire du Mouvement national n'est pas entièrement écrite. Celle du mouvement de la jeunesse et de toutes les étapes qu'elle a franchies est à peine abordée pour ne pas dire totalement méconnue. Nous lui restons redevables.
L'UDMA, parti de Ferhat Abbas, a ressenti le besoin d'impliquer la jeunesse algérienne dans les luttes politiques et le combat culturel. Dans ce contexte, la ville de Tiaret a été à l'avant-garde dans la naissance d'une organisation de jeunesse sous l'égide et l'encadrement de l'UDMA (Union démocratique du manifeste algérien). Le premier noyau qui fera boule de neige naquit à Tiaret un certain 5 septembre 1948 lors d'une assemblée générale de la section locale UDMA. «La création d'un comité des jeunesses de l'U.D.M.A. figurait en tête de liste des points inscrits à l'ordre du jour de cette assemblée.» (voir La République algérienne n°144 du 24 septembre 1948).
L'année suivante, le 1er mai 1949, la JUDMA (Jeunesse de l'Union démocratique du manifeste algérien) est consacrée. Ses activités multiples, son organisation qui se consolide et s'élargit d'une année à l'autre, sa participation aux manifestations les plus diverses, tant nationales qu'internationales, font le la JUDMA un mouvement de jeunesse le plus en vue, un mouvement qui eut le mérite d'avoir été représenté à plusieurs rencontres et conférences internationales, notamment à Bruxelles, Rome, Istanbul, Florence, New York, Berlin, Varsovie, Malte.
La JUDMA atteint un prestige remarquable et à la maturité ses cadres et la direction politique de l'UDMA réfléchissent déjà à la création d'un mouvement unitaire de l'ensemble de la jeunesse algérienne; c'est-à-dire rompre avec une organisation affiliée seulement à un parti, celui de l'UDMA, mais élargir le champ d'adhésion à l'ensemble des franges de la jeunesse du pays.
L'idée, bousculée par le temps, n'arrive pas à terme. Le feu de novembre 1954 surprend tout le monde. Tous les programmes et tous les ordres du jour sont suspendus ou annulés pour un devoir plus pressant: celui de s'emparer des armes pour finir définitivement avec un système qui plongeait le peuple algérien dans l'une des plus effroyables situations dans le monde.
En dépit de son jeune âge - la JUDMA aura vécu six ans environ (1949-1955) -cette organisation devient un creuset dans la formation des cadres pour le compte même du parti mais aussi pour le pays tout entier puisque ses cadres émergent avec le recouvrement de l'indépendance.
L'histoire de cette organisation n'étant pas encore écrite, nous ne disposons d'aucune statistique pour cerner la question. Néanmoins, quelques exemples nous affranchissent sur les compétences acquises sur le terrain et au sein de la JUDMA, qui vont propulser certains cadres au niveau d'institutions nationales et internationales.
La section JUDMA de Frenda, l'une des plus dynamiques du pays, fournira à l'Algérie indépendante un wali (Benayada Abdelkader) et un ambassadeur (Benayada Kaddour), deux frères.
Le secrétaire national de cette même organisation, Layachi Yaker, deviendra ministre du Commerce et terminera sa carrière en qualité de fonctionnaire international à l'ONU.
Ceci grâce à toute l'expérience acquise lors des conférences internationales quand il représentait la JUDMA. On ne nous reprochera guère la moindre exagération si nous avançons que la JUDMA est l'ancêtre de la JFLN.
Les plumes les plus averties doivent explorer scrupuleusement le passé pour confirmer ce que nous avançons car il est déplorable et regrettable que le passé d'une jeunesse combattive, enthousiaste et engagée derrière les aînés, soit encore ignoré comme si celui-ci, regorgeant de grands enseignements, n'ait jamais existé.
Kamel Bouchama, lui qui a eu le mérite d'écrire l'histoire de la JFLN, est le mieux placé pour écrire celle de la JUDMA. Il aura le double mérite de boucler la boucle en recomposant le puzzle. Nous lui promettons qu'il retrouvera les traces d'un personnage qui fut tous les temps aux côtés des jeunes: Kaïdi Ahmed. Nous avions remarqué que les sections de l'UDMA ne manquaient jamais de commémorer les anniversaires du Manifeste, plate-forme revendicative rédigée par Ferhat Abbas et ses amis le 10 février 1943. Il en fut de même pour les sections JUDMA qui célébraient elles aussi chaque année la naissance de leur organisation.
Le 4e anniversaire de la JUDMA est préparé activement. C'est une atmosphère enthousiaste qui précède, de deux mois seulement, le 1er Congrès national de cette organisation. «La JUDMA veut célébrer avec éclat le 4e anniversaire de sa création. Les jeunes du Manifeste savent qu'ils sont l'espoir de la jeunesse algérienne et que leur mouvement est déjà le creuset où viennent s'amalgamer tous les futurs citoyens de notre pays». (La République algérienne n°357 du 19 juin 1953).
C'est plus particulièrement à Alger où les cérémonies sont marquées par un grand rassemblement. Des partis et organisations sont officiellement représentés: le MTLD, le Parti communiste, les BSMA, la CGT, le journal Alger Républicain. Bachir Bouyadjra, Layachi Yaker, Hassen Bourouiba, Mustapha Latrèche, responsable JUDMA du bureau de la région algéroise et membres du secrétariat national président le rassemblement.
En juin 1953, la JUDMA totalisait quatre années d'existence. Le moment était donc venu d'organiser le premier congrès de ce mouvement qui venait de franchir d'importantes étapes aux plans politique et culturel. En juillet 1953, la date et le lieu du 1er congrès national de la JUDMA sont déjà connus. Le congrès se tiendra donc du 26 au 30 août 1953 à Tiaret, plus particulièrement «à 9 kilomètres de la ville, sur les berges de la Mina, près du lieu où se trouvent les vestiges de Tagdempt, place forte et une des capitales de l'Emir Abdelkader» (La République algérienne n°360 du 10 juillet 1953).
Toutefois, avant la tenue du 1er Congrès national de Tagdempt, la JUDMA avait déjà réuni - pour la première fois - le 24 mai 1953, son conseil national institué lui-même par la quatrième conférence nationale des 26 et 27 décembre 1952. A cette date, la JUDMA est solidement structurée, compte plusieurs sections sur le territoire national et est parvenue également à être représentée en France, à Lyon plus particulièrement.
C'est dans une importante résolution, qui consigne les préoccupations et les objectifs tant au niveau national qu'au plan international, que le conseil national a fixé la date de la tenue d'un camp d'été (du 26 au 30 août 1953) qui ne tardera pas à se convertir carrément en congrès national, le premier dans l'existence de la JUDMA.
Le conseil national «proclame sa foi entière en l'approche inéluctable de la libération de notre pays et de celui de tous les peuples asservis et exprime sa profonde conviction que ces peuples apporteront dans l'arène internationale la stabilité et la fraternité qui lui font défaut» (La République algérienne n°354 du 29 mai 1953). Si le premier noyau de jeunes, né en 1948 à Tiaret, préluda à la naissance, l'année suivante, d'une organisation de jeunesse, il était tout à fait légitime que ce soit encore Tiaret qui abrite le premier congrès. Mais en vérité, le congrès se tient à Tagdempt, à une dizaine de kilomètres à l'ouest de la ville de Tiaret, tout près des vestiges de l'ancienne place forte et capitale de l'Emir Abdelkader.
La section JUDMA de Tiaret a choisi Tagdempt pour honorer la mémoire du grand résistant algérien: l'Emir Abdelkader. Kaïdi Ahmed n'est pas certainement étranger à ce choix puisque Tagdempt est le fief de la tribu des Gouacem dont il est issu.
Le congrès se tient du 26 au 30 août 1953. Plusieurs sections regagnent le prestigieux site historique qui couvre à la fois un site naturel des plus attirants. Le conseil national JUDMA est présidé par Layachi Yaker. L'événement revêt une importance capitale puisque trois membres du Bureau politique de l'UDMA sont présents sur les lieux: Ahmed Boumendjel, Ahmed Francis et Ahmed Hadj Ali qui, tous trois ainsi que Boutarène Kada, Belarbi Sahraoui et Kaïdi Ahmed de la section locale de Tiaret, prononcent, tour à tour, d'importants discours d'ouverture du congrès. Par «importants», nous n'utilisons pas une formule classique mais c'est pour déplorer l'inexistence d'archives ou pour signaler que les orateurs n'avaient pas pris la précaution et le soin de rédiger leurs interventions. La seule allocution écrite fut celle de Kaïdi Ahmed qui fut reprise intégralement par la presse de l'UDMA.
Les discours, non rédigés au préalable, nous privent d'une meilleure connaissance des événements historiques. Nous ne disposons pour le traitement du sujet - c'est une chance - que du seul discours de Kaïdi Ahmed qui est précédé d'un «chapeau» du secrétariat national de la JUDMA. Citons: «Le secrétariat national n'a pu a son grand regret - et c'est peut-être un défaut d'organisation - relever l'intégralité du moins une large substance des allocutions de Kada Boutarène, Ahmed Hadj Ali, Ahmed Boumendjel et Ahmed Francis et notre ami Sahraoui de Tiaret. Tout ce qui a été dit par les divers orateurs a revêtu un caractère qui classe les allocutions prononcées bien au-dessus de simples déclarations de circonstances.
Aussi regrettons-nous amèrement de ne pouvoir permettre à tous les jeunes qui n'étaient pas au congrès, et en général à tous les jeunes lecteurs de La République algérienne, la lecture de ce qu'ils n'ont pu entendre. De cette imperfection dont nous nous excusons auprès de tous, nous tirons une leçon: nos jeunes ont le devoir impérieux d'apprendre, dès maintenant, la sténographie». Nos lecteurs ne trouverons ci-dessous que l'allocution de notre camarade Ahmed Kaïdi parce qu'elle a été la seule à avoir été rédigée. (La République algérienne n°365 du 18 septembre 1953).
Sauvé de justesse, le discours de Kaïdi Ahmed, à en retenir le contenu, représente un document important dans la littérature du Mouvement national et dans la doctrine et le programme politique de l'UDMA. De surcroit, ce qui est fort intéressant dans cette allocution, c'est son caractère prémonitoire et la clairvoyance de son auteur qui termine par un appel à la jeunesse, un appel qui préfigure celui du 1er Novembre 1954 et qui avertit la jeunesse de se garder à ne pas rater les grands rendez-vous de l'histoire. Voici un extrait du discours de Kaïdi Ahmed lors de l'ouverture de ce congrès:
«Soyez d'excellents pasteurs et mettez en garde vos frères contre la ruse des mauvais bergers. Dans vos périmètres, parcourez les rues et les campagnes, soyez le journal et la radio des infortunés. Soyez partout à tout moment et en toute circonstance au service de la bonne et juste cause, la libération du pays.»
«La patrie, le peuple, les générations montantes sont en danger de mort. Vous serez demain des héros ou alors les victimes d'un triste oubli. De toutes les manières dites-vous bien que le tourbillon ne manquera pas de vous emporter dans sa rage. Pour la grandeur et le salut du pays, jeunesse algérienne, sel et produit de cette terre, réveille-toi» (La République algérienne n°365 du 18 septembre 1953).
Le congrès de Tagdempt c'est le premier mais aussi le dernier congrès de la JUDMA. Le temps s'accélère et les événements avec. L'appel du 1er Novembre 1954 met chacun devant sa propre conscience. Le FLN fait table rase des formations nationales, culturelles et politiques. Le tourbillon dont parlait Kaïdi Ahmed dans son discours d'ouverture emporta tous ceux qui doutaient que le moment de prendre les armes était arrivé.
La jeunesse Udmiste répondit à l'appel aux armes. Son histoire mérite d'être écrite. La postérité saura alors que la société algérienne n'était pas une société figée et sa jeunesse, la jeunesse algérienne, le sel de la terre, le ferment de toutes les révoltes, le sacrifice de toutes les causes.
Dans la presse de l'UDMA, les commentateurs ont mis en avant le caractère historique du 1er congrès national de la JUDMA qui constitue une étape importante dans l'histoire de ce mouvement qui se sent à l'avant-garde de la jeunesse algérienne. «Historique, ce congrès, parce que dans les ruines de cette ombrageuse Tagdempt qui avait été une place forte de l'Emir Abdelkader, la jeunesse algérienne est venue relever le flambeau tombé et l'a rallumé pour qu'il ne s'éteigne plus jamais» (La République algérienne n°363 du 4 septembre 1953).
Dans tous les comptes rendus qui décrivent l'événement c'est Tagdempt, cette prestigieuse capitale, qui prend une place centrale comme pour insister sur ce que ce lieu symbolise. Le symbole de la résistance héroïque du peuple algérien contre l'envahisseur français. Une résistance qui fut, au plan historique, une source qui joua un rôle capital dans l''éveil patriotique en ce sens que le mouvement national - tous courants confondus - ne cessa pas un seul instant de s'y abreuver.
Les congressistes de Tagdempt qui avaient rompu avec les rencontres en milieu urbain, ont éprouvé cette heureuse sensation d'appartenir à un peuple connu pour son hospitalité légendaire. La paysannerie de Tagdempt, malgré le dénuement dans lequel elle se trouvait, s'est manifestée par ses vertus d'honneur et de noblesse. Les jeunes congressistes avaient pris acte de cette disponibilité à tous moments en soulignant:
«Nous n'oublierons jamais la générosité de nos paysans qui venaient, habillés en haillons, nous offrir simplement des paniers de légumes et de fruits. Hospitalité légendaire de notre peuple qui, même lorsqu'il est dans la plus atroce misère, continue d'observer ce qu'il a de plus noble dans ses traditions. A tous ces braves paysans, à tous les Tiarétiens qui se succédèrent sans arrêt au camp pour nous apporter leurs dons et leurs encouragements, nous renouvelons l'expression de notre gratitude infinie» (La République algérienne n°363 du 4 septembre 1953).
(*) Journaliste-auteur


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