Le groupe Diwan et Habib Koité qui se sont produits respectivement mercredi et jeudi, ont fait salle comble. La salle Ibn Zeydoun continue à drainer du monde où se produit chaque soir un groupe européen, et ce jusqu'au 31 mai. Si les genres diffèrent, l'audience du public était à l'écoute et à la fête mercredi et jeudi derniers. Après s'être produit le 11 mai au conservatoire communal Ahmed-Wahbi, d'Oran, et la veille, à la Maison de la culture de Tlemcen, le groupe Diwan, composé de Hans Ludemann, pianiste de jazz allemand, un des plus importants en Europe, Momo Djeder, alias Mohamed Réda, établi en Allemagne, du brillant percussionniste marocain Rhani Krija, et du batteur Daniel Schreoeteler, a bouclé mercredi sa minitournée en triomphant sur la scène d'Ibn Zeydoun, en donnant à écouter des morceaux alliant raffinement du jazz et envolées orientales dans les sons, la voix et les mélodies, qui se coloraient parfois avec douceur selon l'humeur du maître de céans Mohamed Réda. Ce dernier placé au milieu de la scène, se confondait avec le spectateur admiratif quand arrivait le moment de s'éclipser pour laisser place aux solos ou aux duos piano-batterie.. La musique de cette formation bien particulière se base sur un mélange haut en couleur. Cet ensemble musical ayant pour but de promouvoir le dialogue interculturel nord-sud puise son inspiration des différences entre les cultures conciliant des sons d'Afrique du Nord et d'Europe. Le public pour certains est resté sur sa faim, s'attendant peut-être à un peu plus de gnawi. La formation, et c'est là où réside sa force, joue sur la corde ténue du jazz en introduisant par moment quelques ingrédients ou sons «orientaux» produits par des instruments tel le oûd, le gumbri, le karkabou ou encore la flûte bédouine. C'est sur cet air de traversée du désert que nous sommes introduits par Mohamed Réda, relayé juste après par les notes doucereuses du piano, les tons hispanisants de la guitare et autres percussions. Mohamed Réda a été tout au long du concert sur le fil du rasoir, toujours dans la retenue. Rien d'excessif, plutôt tout dans la sobriété n'était le rythme qui prenait le large en s'accommodant du mode choisi. Parfois hawzi, parfois gnawi sur «Sangara», ou encore une ballade typiquement traditionnelle allemande. On signalera la participation audacieuse dans la voix par le pianiste qui ânonnait avec exactitude SVP Biya Dak El Mour qui a retenu l'attention du public. Une superbe reprise de Blaoui El Houari, joliment réactualisée par Mohamed Réda. Le public est aux anges. L'équilibre entre l'Orient est l'Occident est sauvé. Dans un autre registre, l'appel de l'Afrique a été puissant, extatique, festif et généreux. Habib Koité qui s'est produit avec ses cinq musiciens, tous originaires du Mali a mis le feu à la salle Ibn Zeydoun. C'était la cohue à l'entrée. Costumes africains, voix chaude, devant une salle archicomble, le concert prenait l'allure d'une véritable kermesse africaine, plutôt malienne. Ses concitoyens étaient aux premiers rangs à aller danser, frayant ensuite le chemin à nos Algériens dont certains portaient des chèches comme pour réaffirmer leur appartenance au Sud. «Nous tournons dans le monde depuis 15 ans et c'est la première fois qu'on vient à Alger, un pays voisin...» En plus de sa présence sur scène, Habib Koité n'hésite pas à faire de l'ironie sur la polygamie en Islam. «Je suis né dans un pays chanceux. On peut avoir quatre femmes de toutes les couleurs qu'on veut..» dit-il, avant de chanter Namania, Africa, Mali Ba, Massakè, Titati seront autant de morceaux souvent entraînants, parfois nostalgiques ou engagés qui célèbreront l'Afrique et ses habitants. Habib Koité fera évoquer le prochain Festival cultuel panafricain qu'Alger se prépare à accueillir du 4 au 20 juillet. «J'ai appris que vous allez voter l'Afrique bientôt. Je suis très heureux pour ça et qu'on se retrouve ici de temps en temps.» Et d'enchaîner avec le morceau Afriqi, extrait de l'album Africa. Un titre qui plaide l'union africaine mais aussi selon ses termes «la compassion et la patience pour la Mama, afin de se rassembler autour de cette envie, le livre de la vie» (l'Afrique ndlr). Habib Koité exhortera aussi ses compatriotes maliens de revenir au Mali à la fin de leurs études en Algérie. Au fil du temps qui passait, la salle Ibn Zeydoun s'est transformée en poudrière. L'Afrique faisait sa révolution en drum, kamale n'goni, balafon, tama, dum dum, guitare et harminca. Des instruments pour la plupart africains, proches de la nature car réalisés en bois, donnant à écouter des mélodies envoûtantes. Enregistré entre Bamako, Bruxelles et le Vermont, le morceau Ifriki jette un pont entre trois continents. Sobre et dense, il témoigne de cette conjugaison des racines folk aux rythmiques chamarrées et illustre cette belle rencontre de la modernité avec la tradition. Un très bon concert en somme! L'Europe ouverte et mélangée a bien négocié ici son statut. Musicalement parlant à la perfection.