Eric Bishop tire une bouffée et son regard croise celui de Cantona affiché au mur de la chambre... Correct, sans plus, que ce dernier film de Quentin Tarantino, Inglorious Basterds, histoire de vengeance entre des militaires peu clairs durant la Seconde Guerre mondiale, qui joue avec les codes assez brillamment mais sans apporter rien de neuf au cinéma. Alors, autant jouer les prolongations avec Ken Loach et Eric Cantona. Il y a deux «Eric» posés comme postulat de départ, Eric Bishop (Steve Evets), petit facteur à Manchester, et Eric Cantona (Cantona en personne), érigé pour les besoins de l'histoire en fantasme par le postier en totale déprime. Dépression qui a pour cause un mal d'amour, une rupture et l'éducation pas souvent facile de deux autres enfants d'un second lit. Et pour tout arranger, Eric Cantona n'est plus là pour faire rêver ce petit peuple de Manchester avec qui il savait parler, en marquant des buts inouïs et en bombant le torse par la suite comme s'il accueillait leur joie, le coeur grand comme ça. Bishop, comme ses copains de la poste et nombre de supporters issus de cette classe ouvrière chère à Ken Loach, ne va plus au stade depuis que leur équipe a été rachetée par un magnat anglais qui a fait «chauffer» les tarifs. Alors Eric, le facteur, déprime et finit un jour par prendre l'autoroute à contresens, évitant de peu la catastrophe. C'est l'alerte générale pour ses amis qui essaient de l'en sortir. L'un d'entre eux, puisant dans un manuel de psychologie à deux balles certaines données, suggère de «convoquer», pour solliciter son aide la personne dont on se sentirait la plus proche. Des noms fusent: Mandela, Sammy Davis Junior, Ghandi, Frank Sinatra et Cantona pour notre Eric de Manchester. Et ce fut le déclic, déclenché il est vrai, par le reste d'un joint oublié par le fils dans la chambre. Eric Bishop tire une bouffée et son regard croise celui de Cantona affiché au mur de la chambre...Bishop finit par lui parler et Cantona de répondre et d'apparaître même dans son dos. Il deviendra son ange gardien et ne le lâchera plus allant même à l'entrainer dans la forêt, histoire de le remettre en jambes avant de partir à la conquête de son ex-femme. Le savoir-faire de Ken Loach assurera le service après-vente avec le talent que l'on connaît au cinéaste anglais. Le film fait l'éloge de l'entraide, de la solidarité, de l'amour chez les prolétaires qui a ceci de particulier, en ce sens qu'il doit se construire en slalomant entre les récifs de la crise économique qui touche encore plus ceux qui sont au bas de l'échelle. Quant à Cantona, initiateur du projet, il apporte quelque chose d'unique pour la réussite du film: «Le double avantage avec moi, c'est que je joue la comédie depuis douze ans et qu'on pouvait se servir d'images d'archives, impossibles à reproduire pour un comédien non footballeur.» Et en sortant de la projection, on a le sourire aux lèvres et une certitude en tête: le football ne se joue pas seulement avec onze joueurs mais aussi avec les dizaines de milliers de supporters qui viennent investir les tribunes à la recherche de sensations de groupe mais aussi, quelque part, à la rencontre de soi. Dans Looking for Cantona Ken Loach, connu pour ses films sans concessions, le montre de fort belle manière et le résultat est on ne peut plus surprenant. Certes, le formatage médiatique faisant, on se disait avant le début du film que la rencontre de deux fortes personnalités, risquait de déboucher sur un match nul. Ce qui n'a pas été le cas du tout, chacun a joué sa partition sans ignorer l'autre, bien au contraire il y avait du respect et de l'estime réciproque dans l'air. «J'ai toujours pensé que la plus belle image qu'on puisse avoir de moi, c'est d'être soi-même, sincère.» Et cela ne manque pas, au point de rendre plus d'une situation presque comique, tant le binôme Loach/Cantona a opté pour un jeu offensif, sans aucun hors-jeu à siffler! «Dans le film, le personnage d'Eric Bishop se sert de l'image qu'il se fait de moi pour communiquer avec lui-même, trouver des réponses, des chemins et le courage de les emprunter», ajoute Eric Cantona. Le public algérien aura à le vérifier bientôt, puisque Cirta Films et Hachemi Zertal ont acquis les droits du film Eric Cantona pour tout le Maghreb!