Ils sont quelque 150.000 à bénéficier de revenus n'excédant pas les 4500 DA et ils font vivre près de 800.000 personnes. Certaines catégories sociales sont plus que jamais sujettes à la paupérisation. Les franges de la population exposées à la précarité ne cessent d'augmenter. Les handicapés, qui sont montés au créneau cette année à l'occasion de la célébration de la journée qui leur est consacrée, sont quelque 2 millions et à ne percevoir qu'une indemnité fixée à 4500 DA. Le filet social, dispositif mis en place par les pouvoirs publics pour venir en aide aux plus démunis et diminuer le taux de chômage, touche toutes les activités professionnelles. Les citoyens qui y émargent perçoivent en moyenne 3000 DA. Certains d'entre eux, comme ces deux bénéficiaires du filet social que nous avons rencontrés à Béjaïa, nous ont confié: «Cela fait plus de dix ans que nous percevons 2500 DA par mois pour faire vivre des familles de 5 personnes.» Ils courent après une permanisation qu'on leur a promise depuis plus de cinq longues années. Il y avait de l'amertume dans leurs discours et de l'angoisse dans leurs yeux. Combien, sont-ils à vivre pareille détresse? A Médéa, ils étaient plus de 1700 à s'être inscrits dans le cadre du filet social en 2005. Une enveloppe de 100 millions de dinars leur avait été allouée durant l'exercice de cette année budgétaire. Une indemnité d'activité d'intérêt général d'un montant de 3000 DA a été destinée aux personnes en quête de travail et en situation de précarité. Une bouffée d'oxygène pour les uns et des salaires de misère pour tout le monde car les postes de travail proposés touchent en fait même les plus diplômés. Une dévalorisation très mal vécue par des milliers de jeunes qui, faute de pouvoir trouver mieux, font contre mauvaise fortune bon coeur. «Les diplômés en quête d'emploi ne rechignent pas à exercer des activités qui ne demandent aucune qualification. Une bouée de sauvetage pour eux en attendant des jours meilleurs», a fait constater un des responsables du service de la protection des catégories défavorisées de la direction de l'action sociale (DAS). A la fin de l'année 2007, la wilaya de Aïn Témouchent comptait 9 250 bénéficiaires de l'action du filet social ainsi que 4500 allocataires de l'indemnité d'activité d'intérêt général. Une enveloppe globale de l'ordre de 3,7 milliards de dinars a été débloquée pour la circonstance. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, où le nombre de démunis ne cesse de croître, on a recensé plus de 25.000 bénéficiaires du filet social. L'indemnité d'activité d'intérêt général a concerné près de 7000 chefs de famille ne disposant d'aucun revenu et qui ont au passage perçu une allocation de 3000 DA pour des travaux peu gratifiants et souvent très pénibles. Cela va du gardiennage au ramassage d'ordures. Les bénéficiaires du filet s'en sont plaints, comme ce fut le cas pour les éboueurs de la mairie de Saïda qui ont initié en mars 2006 un mouvement de grève pour tenter d'améliorer leurs conditions de travail et se faire permaniser. Les plus anciens d'entre eux avaient été recrutés en 1995. Ils exercent de 5 h du matin à 13 h pour des revenus de 3000 DA par mois. «J'ai 4 enfants, nous travaillons à mains nues sans aucune protection pour des salaires de misère», avait déclaré au bord des larmes l'un d'entre eux. Le mouvement de colère de ces damnés de la terre s'est propagé à travers plusieurs wilayas du territoire national. Que cela soit à El Bayadh, Bougtob ou à Alger, comme fut le cas de ces employés d'Algérie Poste qui ont tenu un sit-in en janvier 2007 devant le siège de leur employeur après avoir constaté le non-renouvellement de leurs contrats. Ils ont afflué de Bordj Ghedir, Taghrout, Bordj Khelil...crier leur colère pour avoir été remerciés après dix ans de bons et loyaux services...dans le cadre du filet social. Les aides sociales aux catégories défavorisées ainsi que des bénéficiaires des programmes d'allocations forfaitaires de solidarité (AFS) et d'indemnités d'activités générales (AIG) auraient concerné 823.460 personnes selon des chiffres officiels qui datent d'à peine deux années, dont 50,48% de femmes. Une étude sur le filet social réalisée en 1995 par le ministère du Travail a évalué le seuil de pauvreté à 975 DA par personne et par mois. Le seuil de pauvreté «supérieur» qui inclut un niveau de dépenses correctes des biens non alimentaires était estimé en 1988 à 3215 DA par personne et par an. Il s'est élevé à 18.000 DA en 1995. Il déterminerait un niveau qui dépasserait les 6 millions de pauvres aujourd'hui. Lors de la célébration de la Journée mondiale de l'alimentation, la Forem a fait état de 500.000 enfants mal nourris dont un taux de 18% chez les enfants de moins de 5 ans. Une étude de la Banque mondiale a montré qu'entre 8 et 12% de la population en Algérie ne disposent pas de suffisamment d'argent pour satisfaire à leurs besoins caloriques minimum, après avoir réparti leur budget entre achats alimentaires et non alimentaires. En l'absence de statistiques plus pointues, le seul théâtre d'observation de ce phénomène demeure la rue qui nous renvoie une réalité toute crue: la pauvreté s'est durablement et férocement installée en Algérie.