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L'Opep maintiendra sa production inchangée
LE G20 DECIDE
Publié dans L'Expression le 28 - 05 - 2009

«Un jour, des millions d'hommes quitteront l'hémisphère Sud pour aller dans l'hémisphère Nord. Et ils n'iront pas là-bas en tant qu'amis. Parce qu'ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront en le peuplant de leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire.»
Discours de Boumediene à l'ONU, avril 1974
Aujourd'hui s'ouvre à Vienne une énième conférence de l'Opep. Le secret de Polichinelle qui entoure le «futur communiqué» est non seulement connu mais est considéré comme un non-évènement tant il est vrai qu'au sein de l'Opep le courant dominant est l'Arabie Saoudite qui est «soucieuse du bien-être des pays occidentaux au premier rang desquels se trouvent les Etats-Unis qui, dit on, est le 13e membre de l'Opep le plus influent. A situation est encore plus nette disais-je dans une autre contribution, depuis que l'Arabie Saoudite a été intronisée pays émergent, membre du G20 et dont la mission est non seulement de renflouer le FMI mais de plus, de discipliner plus que jamais les «sanafirs» de l'Opep pour leur faire accepter une fourchette des prix compatible, de ne pas gêner la croissance... dans les pays riches. Résultat des courses: l'Algérie aurait perdu selon l'économiste Abderrahmane Mebtoul, 5 milliards de dollars par suite de la réduction de son quota.
Quelle est la situation actuelle? Les marchés américains étaient fermés lundi pour le Memorial Day mais l'essai nucléaire nord-coréen a fait l'effet d'une bombe. La monnaie unique européenne a ouvert mardi matin à 1,3974 dollar, consolidant ainsi sa position juste en deçà de la ligne des 1,40 Le «Light Sweet Crude» pour livraison en juillet 2009 a limité son repli à 1% à 61$ sur le New York Mercantile Exchange. La détérioration de la parité euro/dollar avec une rechute du billet vert au plus bas de l'année dans la zone des 1,40, la confirmation d'une baisse des stocks de brut US sur les dernières semaines ainsi que les attaques de pipelines au Nigeria ont, en effet, entraîné un rebond de plus de 9% du baril la semaine dernière. Malgré cela, les craintes d'une augmentation des prix du pétrole de la part de ces mêmes pays est réelle. De 40 dollars en début d'année, les prix du baril de pétrole évoluent aujourd'hui au-dessus des 60 dollars. Passés d'un record absolu de 147,50 dollars en juillet 2008 à 32,40 dollars en décembre, les cours du pétrole se sont graduellement raffermis depuis le début de l'année 2009. Quelles sont les causes de la hausse des prix du pétrole depuis le début de l'année? La première raison est «l'application stricte des restrictions de production décidées par l'Opep», explique Guy Maisonnier, économiste à l'Institut français du pétrole (IFP). L'Opep (40% de l'offre mondiale), a régulièrement réduit ses quotas de production depuis l'année dernière afin de soutenir les prix. Les dépassements sont aujourd'hui relativement faibles (+0,9 million de barils par jour en avril). Le deuxième élément est «le retournement du contexte économique mondial», indique Guy Maisonnier, avec l'idée que «le creux de la vague est passé et que des signes de reprise apparaissent». De plus, aux Etats-Unis, la confiance des consommateurs américains est remontée en flèche en mai, beaucoup plus que ne l'anticipaient les économistes, selon l'indice publié mardi 27 mai par l'institut de conjoncture privé Conférence Board.
L'ambivalence des Occidentaux
Ainsi, la demande pétrolière apparente de la Chine a augmenté de 3,9% en avril par rapport au même mois de l'an dernier. Enfin, dernier élément d'explication: la faiblesse du dollar et l'apréciation en parallèle de l'euro. Ce mouvement favorise en effet les matières premières cotées en devise américaine, dont le pétrole, la hausse des prix du baril étant atténuée par la faiblesse de la monnaie.(1) Voilà pour les faits.
A moyen terme, en revanche, il existe bel et bien un risque de futures brusques hausses des prix, en raison de la faiblesse actuelle des investissements. Quelque 170 milliards de dollars d'investissements ont été reportés ou annulés dans le secteur pétrolier, affectant la production future d'or noir à hauteur de 6,2 millions de barils par jour, selon l'AIE. C'est pourquoi l'AIE, mais aussi le Fonds monétaire international (FMI), ont appelé lundi les gouvernements à encourager les investissements afin d'éviter une nouvelle flambée des prix du pétrole lorsque l'économie repartira. Selon un rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les investissements dans l'exploration-production de pétrole et de gaz devraient chuter de 21% cette année par rapport à 2008.
Pour l'immédiat, la réponse est venue «rassurante» du côté des producteurs, le ministre saoudien du Pétrole a déclaré le dimanche 24 mai que les pays de l'Opep respectaient désormais «convenablement» leurs quotas alloués lors des dernières réunions du Cartel «autour de 80%». Ce dernier estime que le marché anticipe une reprise de l'activité mondiale et qu'une remontée progressive vers un cours moyen de 75 dollars le baril de brut est crédible...Des déclarations qui viennent confirmer les anticipations des économistes qui tablent sur un maintien du niveau actuel de production de l'Opep qui doit se réunir aujourd'hui à Vienne. Ali al-Naimi a également indiqué que les prix du pétrole pourraient connaître d'ici deux à trois ans, un nouveau pic, au-delà de la barre record des 150 dollars atteinte en 2008, au regard du manque d'investissements actuels en raison de la crise...Ce dernier message est à l'attention aussi des pays de l'Opep - à qui on fait miroiter un futur mirage -, car toutes les spéculations concernant le niveau des prix ne sont que des hypothèses fantaisistes qui ne reposent pas sur les «fondamentaux» mais surtout ne prennent pas en compte les nombreux facteurs qui interviennent dans le prix du pétrole.
Il faut savoir et, «c'est toute l'ambivalence du discours des pays occidentaux», on veut a tout prix faire: payer le prix du pétrole au plus bas prix de la loi de la valeur des services inouïs qu'il rend, et continuer de ce fait à gaspiller pour doper la croissance et ne pas avoir des problèmes de baisse de niveau de vie, de l'autre on veut aller combattre les changements climatiques en allant à marche forcée vers les énergies renouvelables comme le fait l'Europe avec son triptyque pour 2020 (3 fois 20%: 20% d'énergie renouvelable, 20% d'économie d'énergie, réduction de l'intensité énergétique de 20%) et les Etats-Unis d'Obama qui viennent de décider encore le 20 mai d'aller plus en avant dans le domaine des énergies renouvelables. Comment? Cela ne sera pas possible! Le renouvelable n'est pas compétitif avec des prix du pétrole aussi bas!
Ceci est conforté par le dernier rapport de l'AIE. On lit: «Les investissements dans les énergies renouvelables, qui ont augmenté chaque année au cours des dix dernières années, devraient baisser de 38% en 2009», selon Fatih Birol, l'économiste en chef de l'AIE. Un recul qui s'explique par «la baisse des prix du pétrole et du gaz et par les difficultés des entreprises à trouver des crédits» pour investir, a-t-il expliqué. Le rapport de l'AIE va aussi souligner que les dépenses prévues dans les plans de relance des pays du G20 pour accroître les énergies renouvelables, ne sont pas suffisantes face au défi du réchauffement climatique. «Ces dépenses devraient être six fois supérieures à ce qui est prévu si l'on veut efficacement répondre à ce défi», a indiqué Fatih Birol. L'organisation internationale, qui représente les intérêts des pays industrialisés, estime que la demande d'or noir va atteindre 83,2 millions de barils par jour (mbj) sur l'année, soit une baisse de 2,6 mbj par rapport à 2008; la révision en baisse de l'AIE s'explique par des consommations plus faibles que prévu dans «plusieurs régions» du monde, notamment en Chine, aux Etats-Unis et en Russie.(2)
Faut-il alors réguler les prix du pétrole? Pour le cours futur du pétrole, il sera fondamentalement déterminé par la nouvelle politique énergétique des USA, des énergies alternatives et du nouveau défi écologique. L'autre élément fondamental est la Chine dont on dit percevoir les frémissements d'une reprise. Dans tous ces événements, on est passé en moins de six mois, de l'apocalypse en termes de mauvaises nouvelles à un début de sortie du tunnel, bien qu'aucune décision majeure salvatrice n'ait été prise pour assainir durablement les marché financiers. Plus de 10.000 milliards de dollars se sont évaporés allègrement sans savoir où is sont passés et dans le même temps les pays industrialisés tournent le dos à la famine qui menace l'Afrique. Jacques Diouf demandait une aumône de milliards de dollars pour éviter la famine: une petite broutille dans le marché des armes évalué à1200 milliards de dollars.
La maîtrise du marché
Pis encore, on ne parle du pétrole de l'0pep que pour diaboliser les pays rentiers. Tant que les prix sont bas, il était impossible de suivre les cours tant l'information était rare. Mais chaque fois que l'Opep sacrifie à son rituel froid et qui ne trompe plus personne, de se réunir, on l'avertit qu'elle serait responsable s'il arrive quoi que ce soit à la croissance des pays industrialisés. Il faut savoir que les pays de l'Opep n'ont perçu que près de 1000 milliards de dollars en 2008, chiffre relativement faible par rapport aux pertes colossales des pays industrialisés passées par pertes et profits. Le banquier américain Madoff fait perdre 50 milliards de dollars, on ne dit rien. Enfin, une autre incohérence des pays industrialisés est qu'ils obligent l'Opep, en fait l'Arabie Saoudite, (les autres pays ne comptent pas) à maintenir des prix bas pour «ne pas gêner la reprise de la croissance qui est fragile». De l'autre côté, ils commencent à être conscients qu'avec ces prix bas il n'y aura pas d'investissements à même d'augmenter la production selon les prévisions de l'AIE pour arriver aux 110 millions de barils/j dans 20 ans. De plus, le problème lancinant des changements climatiques est là pour rappeler qu'il faut aller à marche forcée vers les énergies renouvelables qui ne peuvent être compétitives que si le pétrole est autour de 80 dollars, s'il ne s'effrite pas trop bien sûr, par rapport au dollar.
Résultat: on entend de plus en plus des voix de dirigeants dans les pays industrialisés qui militent avant d'imposer une sorte de troc qui «stabiliserait» dans une certaine mesure les prix du pétrole sur une durée permettant ainsi des stratégies dans la durée. Ainsi, en concluant les travaux d'une session des ministres de l'Energie du G8, réunis à Rome lundi 25 mai, Claudio Scajola, le ministre italien du Développement économique, a appelé à l'instauration de «nouvelles règles» et à un rôle plus fort des organisations internationales pour assurer la stabilité des prix de l'énergie, en particulier ceux du pétrole. Le groupe pétrolier italien Eni a ainsi proposé au G8 la création d'une agence internationale du pétrole afin de stabiliser les prix du brut et rémunérer les pays producteurs lorsque les cours baissent trop. Cette agence gérerait un «fonds de stabilisation» qui assurerait un niveau minimum de revenus pour les pays producteurs «lorsque les prix descendent trop». C'est donc un contrôle direct sur les ressources des pays en voie de développement comme au bon vieux temps des colonies. Même son de cloche de la part de la France. Nicolas Sarkozy a proposé que les pays producteurs et consommateurs d'énergie se concertent sur un «niveau souhaitable» de prix afin de lutter contre la spéculation et éviter des mouvements trop erratiques. «Pourquoi ne pas se mettre d'accord, entre pays producteurs et consommateurs, sur une orientation de prix générale à donner au marché, je dirais même une fourchette de prix qui assurerait la pérennité des investissements (des pays producteurs) mais n'accablerait pas les économies consommatrices», a-t-il dit. Pour Nicolas Sarkozy, pays producteurs et consommateurs ont besoin d'une meilleure visibilité des prix de l'énergie. «D'un côté, des prix trop élevés déstabilisent gravement l'économie mondiale. D'un autre côté, des prix durablement bas sont porteurs de chocs futurs.» «En ne rémunérant pas suffisamment l'investissement, ils risquent de le paralyser et de susciter un nouveau choc pétrolier dans deux ou trois ans. Ils risquent aussi de nous donner l'illusion d'une fausse sécurité énergétique et de nous détourner de l'objectif essentiel des économies d'énergie.»(3)
Juste retour des choses! Il y a 35 ans, le président Boumediene posait le problème dans les mêmes termes. On se souvient que c'est en véritable leader du Tiers-Monde qu'il se déplaça en 1974 à New York, pour prendre part à une réunion spéciale de l'Assemblée générale de l'ONU sur les matières premières, qu'il a lui-même convoquée au nom des Non-Alignés, il prononça à cette occasion un discours par lequel il exposa une doctrine économique, appelant entre autres à l'établissement d'un «Nouvel ordre économique international» plus juste, qui prendrait en compte les intérêts du Tiers-Monde. C'est à cette occasion qu'il appela à une coopération internationale mutuellement avantageuse entre le Nord riche et le Sud pauvre et utilisa le discours ultra-nationaliste comme le principe du «compter sur soi» en tant que doctrine de développement des pays du tiers-monde et la promotion de la coopération Sud-Sud en vue de contourner l'hégémonisme des grandes puissances. «La politique de la canonnière, écrit Omar Berbiche, a laissé la place à la manipulation sordide du système économique et financier mondial où l'accumulation rapide et facile des rentes sans contrepartie productive a pris le pas sur l'économie réelle, seule source véritable de création de richesse. L'appel de Boumediène au nom des pays producteurs de l'Opec pour une juste rémunération des prix des hydrocarbures remet au goût du jour, trente-quatre ans plus tard, la problématique de la maîtrise des cours du marché pétrolier par les pays producteurs lesquels assistent depuis l'apparition de la crise financière à une baisse drastique et continue des prix de l'or noir. (...) La conquête ou reconquête de la souveraineté nationale passe, avait fait remarquer Boumediène, par les nationalisations des richesses naturelles comme l'Algérie, qui avait donné l'exemple en reprenant possession de ses richesses énergétiques, agricoles, minières...(...) Boumediène était-il en avance sur son temps? Lorsqu'il appelle à la nécessité de "rénover le système monétaire international sur une base démocratique, à l'ouverture des marchés des pays développés aux produits des pays en voie de développement". Boumediene qui rêvait de bâtir un "Etat qui survive aux hommes et aux évènements" était-il un utopiste?»(4)
Rien de nouveau sous le soleil, le G20 décide, l'Arabie Saoudite responsable de la discipline au sein de l'Opep applique. Que fait l'Algérie dans l'Opep? Ceci est un autre débat.
(*) Ecole nationale polytechnique
1.Emilie Lévêque. Faut-il craindre une nouvelle flambée des prix? L'Expansion 25/05/2009
2.Les énergies renouvelables victimes de la crise. L'Expansion.com - 22/05/2009
3.Sarkozy veut une stabilisation concertée des prix de l'énergie Reuters - 26/05/2009
4.Omar Berbiche. Discours de Boumediene à l'ONU dans El Watan 27 décembre 2008


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