Manifestations, contre-manifestations ont marqué les dernières quarante-huit heures en Iran où les partisans de Mir Hossein Moussavi et les pro-Ahmadinejad ont battu les pavés de Téhéran. Les partisans de Mahmoud Ahmadinejad ont manifesté hier à Téhéran, tandis que son principal rival, Mir Hossein Moussavi, a demandé à ceux qui contestent la réélection du président de rester chez eux pour éviter toute violence après la mort la veille de sept civils. Au même moment, des partisans du candidat malheureux à la présidentielle Mir Hossein Moussavi participaient à une grande manifestation à Téhéran malgré la demande de leur favori de demeurer chez eux, a rapporté hier une télévision iranienne d'Etat. «La correspondante de la chaîne Homa Lezgi, qui était sur place a vu des partisans de M.Moussavi se rassembler (...) et ils se sont dirigés vers le nord en direction de la place Vanak», a rapporté le site Internet de la chaîne PressTV. Ces manifestations des partisans de Moussavi, pour contestation des résultats, et ceux du président réélu, témoignent de la tension croissante alors que l'Iran connaît un déferlement de colère populaire sans précédent depuis la Révolution islamique de 1979, les autorités ont interdit toute couverture par la presse étrangère des événements en cours. Même la couverture de la manifestation du camp du président Ahmadinejad, orchestrée par le pouvoir, était très difficile, indiquaient hier les agences de presse étrangères. Les autorités iraniennes ont interdit, à compter d'hier, à la presse étrangère de couvrir, outre les manifestations illégales, tout événement ne se trouvant pas «au programme» du ministère de la Culture et de la Guidance islamique. La télévision d'Etat a montré les images de plusieurs milliers de personnes au moins qui manifestaient dans le centre-ville à l'occasion de la manifestation présentée comme «marche d'unification». «Comme vous le voyez, il y a des gens de toute sorte ici», a dit un commentateur, sans que la télévision ne montre jamais de plan rapproché des participants. La contestation des résultats estimés fraudés par les partisans de Mir Hossein Moussavi, suivie par des centaines de milliers de manifestants lundi dernier, atteste qu'un nouveau palier a été franchi par l'Iran islamique qui montre que l'Islam chiite n'est pas un bloc aussi monolithique que l'on veut le faire croire. Les divergences «idéologiques», du moins sur la manière de conduire les affaires du pays, montrent a contrario une dynamique que l'on ne retrouve pas ailleurs dans nombre de pays arabes notamment. Ainsi, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Mehdi Safari, a défendu hier le système démocratique en Iran, affirmant que le scrutin présidentiel, contesté par l'opposition, avait été plus démocratique que les dernières élections européennes. «En Iran, il y a une démocratie. Les gens ont participé» au scrutin, a déclaré M.Safari, dans une interview à la radio catholique portugaise Renascença à l'occasion d'une visite à Lisbonne. «Regardez les européennes: combien de gens ont participé aux dernières élections? au maximum 40%. Cela signifie que les gens ne sont pas contents. Pouvez-vous croire que 80% des gens (en Iran) ont participé?», dit encore M.Safari. Il n'en reste pas moins que la contestation des résultats et la grogne de plus en plus visible des Iraniens indiquent une certaine montée des périls pour un pouvoir qui, au final, n'a pas su apprécier, ou prévoir une appétence de liberté qu'ils ne semblent pas trouver dans le pouvoir incarné par Mahmoud Ahmadinejad, même s'ils ne contestent pas les grandes lignes de l'idéologie islamiste et des objectifs à atteindre. Les partisans de Mir Hossein Moussavi, singulièrement, contestent avant tout la fraude qui aurait permis au président sortant de se faire réélire. De fait, le Conseil des gardiens de la Constitution, dont les membres sont nommés directement et indirectement par le Guide suprême, et qui est chargé de valider le résultat de l'élection et d'examiner les plaintes, s'est dit prêt, hier, à recompter les «bulletins de vote dans les urnes sujettes à contestation de la part des candidats». «S'il s'avère que des irrégularités comme l'achat de voix ou l'utilisation de fausses cartes d'électeurs ont été commises, le Conseil des gardiens de la Constitution ordonnera un nouveau décompte des voix», a dit son porte-parole Abbas Ali Kadkhodaï. Comme quoi, le pouvoir tente de calmer le jeu, mais la sortie massive du peuple de Téhéran pour manifester contre des résultats supposés fraudés, montre que le pouvoir islamique d'Iran doit de plus en plus compter avec des partenaires politiques qui ne veulent plus servir de faire-valoir.