Véritable vivier de talents, la ville de Kenadza s'est imposée au réalisateur Belkacem Haouchine comme une source incontournable de thèmes. La Cinémathèque algérienne a abrité samedi la séance de visionnage d'une série d'émissions que vient de réaliser M.Belkacem Haouchine. Le réalisateur a, comme pour honorer sa passion, conçu cinq documentaires dédiés à la mythique ville de Kenadza. Il y dresse les portraits de cinq figures illustres que cette cité a enfantées. Proie du désert. En 26 minutes, Belkacem Haouchine revient sur la légende d'Isabelle Eberhardt, cette femme d'origine russe qui se prit d'amour pour le Sud et l'Islam. Le film est, surtout, une tentative de réhabilitation de la mémoire de cette mystique comme le dira plus tard Haouchine lors du débat qui a suivi le visionnage. Accusant une certaine lenteur, ce premier documentaire n'est, en fait, qu'une série de tableaux agrémentés par les interventions de voix-off. Pour la petite histoire, c'est une fille de kenadza qui, malgré la réputation des moeurs de la contrée, tient le rôle d'Isabelle Eberhardt. Muette, elle se fait accompagner tout le long du film par un serviteur aux couleurs de la ville. Trop lourde, cette première production se fait néanmoins excuser par une trame musicale intéressante d'une troupe de la wilaya de Béchar. Le bonheur des autres, deuxième épisode de cette série, revient sur les mines de charbon de Kenadza. Découvert en 1907 par un bûcheron autochtone, ce gisement allait, dix années plus tard, devenir le centre d'une activité fantastique. La France souffrait alors de la destruction de ces mines de charbon à cause de la Seconde Guerre mondiale. A Kenadza, on double et on triple l'extraction, la cité comptait plus de 30 nationalités de travailleurs parmi lesquels figuraient bien sûr des habitants de Kenadza. L'histoire de cette mine constitue aussi un épisode de la vie de Robert Lamoureux qui y travailla en 1947 en qualité d'agent de solde auxiliaire. Après avoir quitté la mine en 1948, il allait devenir un grand comédien du cinéma français. Le bonheur des autres, de la France plus particulièrement, est un regard sur la situation des ex-travailleurs de la mine, les poumons rongés par le terrible mal qu'est la silicose, une maladie causée par la poussière de charbon que les mineurs ont inhalée des années durant. Belkacem Haouchine témoigne d'une attention particulière envers ces hommes usés dans leur santé et dont le préjudice n'est reconnu par aucune instance. La plume de l'exil, titre générique de trois documentaires, est, lui, consacré à ces noms qui ont particulièrement fait parler d'eux outre-mer grâce à leurs plumes. Au fil de la projection, les documentaires sont de plus en plus vivants, même si le réalisateur garde cette désagréable manie d'accumuler des plans dont il aurait pu se passer et qui alourdissent le travail. Pierre Rabhi a été pris en charge dès son jeune âge par une famille de colons. De Kenadza à Oran, ses études le mènent en France où il se spécialise dans la bioagronomie. Depuis son départ, les gens de Kenadza, sa famille, n'ont de nouvelles de lui que grâce à ses livres. Ses études ont fait de lui un chercheur universel, sollicité par divers pays. Ses recherches sur les mécanismes de fertilisation des sols ont profité au Burkina Faso et lui ont valu la consécration dans ce pays. Ensuite c'est sur les traces d'une «dure à cuire» que le réalisateur a traîné sa caméra. Si Malika Moukadem est un auteur connu et reconnu en France, elle est, pour ceux qui l'ont côtoyée dans sa ville natale, l'expression de la liberté et de la force de caractère. Même si le sujet principal de ce documentaire ne figure qu'à travers des photographies, les témoignages de ses amis et proches atténuent cette impression de raté. Le clou de cette projection est l'interview de Mohamed Moulesshoul, alias Yasmina Khadra. La rencontre entre le réalisateur et l'écrivain s'est faite par hasard. L'auteur se prête alors à une réflexion sur une ville qu'il a quittée à l'âge de trois ans, mais dont il garde toujours ce sentiment insidieux d'affiliation. De sa visite à Kenadza, il garde le souvenir maussade d'une cité envahie par la torpeur et l'oubli. Le ksar de la ville, témoin d'une époque qui devrait être inscrite dans les esprits en lettres d'or, ne subsiste aujourd'hui que par des ruines et des pans de mur qui s'entêtent encore, huit siècles après leur construction, à défier le temps. Le choix des thèmes pour cette série de documentaires est incontestablement judicieux. Reste que leur mise en scène souffre. Belkacem Haouchine regrette le manque d'attention prêté à ce genre d'initiative. Le réalisateur a commencé sa carrière sur le tournage de L'opium et le bâton en qualité de stagiaire. Aujourd'hui, après avoir fait ses preuves avec des chaînes de télévision étrangères, il se met à son compte avec une timide boîte de production, SVP. Nous apprendrons par ailleurs que les chaînes Suisse-Normande et la 5e se sont montrées intéressées par l'acquisition du travail. Notre ENTV, elle, a offert selon Haouchine, un cachet loin d'être objectif au vu de l'investissement et du temps de recherche qu'il a fallu pour réaliser la série.