Une grande commune est en train de dépérir et de mourir par asphyxie. En véritable pôle stratégique, hérité de l'époque coloniale, El-Biar était pressentie dès la mise en place des premières Assemblées populaires communales à la fin des années 60, pour connaître un rythme de développement important, dans le sillage, de la politique «boumedieniste» qui faisait de la commune et du développement local une exigence majeure pour un développement économique global de la nation. Mais la volonté de ceux qui voulaient qu'El-Biar soit toujours maintenue sous séquestre et réservée strictement à la fonction résidentielle, était la plus forte. Et ce n'est qu'en 1980, en pleine anarchie urbanistique (qui s'installait en même temps que le nouveau régime) et qui avait pris naissance dans la fertile plaine de la Mitidja, creuset de l'arboriculture fruitière de renommée mondiale, dont les meilleures terres commençaient alors à disparaître sous l'avancée inexorable de la «coulée» de béton, pour se rapprocher dangereusement de la proche banlieue d'Alger, sous le regard laxiste des autorités de l'époque, quand ce n'est pas carrément avec leur bénédiction (au moment où la capitale du pays, «symbole du pouvoir», étouffait par manque d'espace, et son centre croulait sous le poids de la surcharge des activités de toutes natures), qu'El-Biar émergeait comme un «axe stratégique important», dans le désengorgement de centre de la capitale, en raison, premièrement, de sa situation géographique « haute », et deuxièmement, de son statut privilégié de commune urbaine tournée vers l'extérieur. Ali Hadjedj, éminent géographe et urbaniste algérien, écrivait, à ce propos, qu'en raison «du glissement de la centralité des communes basses vers les hauteurs (...) El-Biar et Bir Mourad Raïs vont connaître, durant les années qui viennent, une forte tertiarisation, en raison de l'orientation de l'urbanisation vers le sud-ouest (...) puisqu'elles constituent, dans le cadre du nouveau plan, un axe important du système de centralité». Jouissant d'une position géographique tout à fait idéale sur les hauteurs d'Alger, et nantie d'un découpage administratif, qui pourrait s'apparenter au département, dans certains petits Etats d'Europe centrale, El-Biar occupait, tout naturellement, une place à part, et c'était certainement le centre urbain le plus remuant et le plus dynamique d'Alger, avec un programme ambitieux de développement, d'expansion économique et de lutte contre la précarité et la déperdition sociale. Malheureusement, la décision absurde d'amputer El-Biar de son «espace vital» en 1984, a brisé net le «rêve» el-biarois, et a mis fin à une stratégie coloniale «éclairée» pour le développement de la commune, mise en place il y a plus d'un siècle et demi.