Au-delà des rivalités partisanes, les deux frères ennemis Saïd Sadi et Ferhat Mehenni prennent du recul par rapport aux ârchs qu'ils jugent impulsifs et nés sous la conjoncture de la crise. Les deux hommes proposent des alternatives au tumulte de la rue qui fait le lot quotidien du mouvement citoyen de Kabylie. Leurs solutions semblent longuement réfléchies. Ils en sont convaincus. Quoiqu'ils divergent sur quelques détails, les points de vue de ces deux fondateurs du RCD convergent quant à la nécessité d'aller vers un référendum pour faire aboutir leurs visions politiques. Ainsi, pour «l'ami de vingt ans» de Saïd Sadi qui a déjà évoqué sa vision autonomiste lors d'un meeting à Makouda, l'autonomie se fera d'abord selon un processus pacifique. C'est alors qu'il a parlé de la naissance du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK). Et une pétition pour l'autonomie de la Kabylie circule déjà. Quant à Saïd Sadi, il faut dire qu'il a nourri l'idée d'un Etat régionalisé bien avant ce début septembre, lors de la tenue de l'université d'été du RCD. Déjà en 1990-1991, il préconisait les expériences tunisienne, turque et sud-africaine en matière d'organisation politique et administrative de l'Etat. Régionalisation et décentralisation des pouvoirs étaient également suggérées autant dans son projet de «pacte pour la réfondation nationale» qu'à l'issue du 2e congrès du parti en 1998. Déjà à cette occasion l'idée avancée de régionalisation des pouvoirs recommandait de s'inspirer du découpage de la Guerre de libération, qu'avait institué le Congrès de la Soummam en 1956. Mais la nouveauté aujourd'hui est qu'il se réfère à «la formule espagnole d'Etat unitaire régionalisé sur la base du principe d'une régionalisation modulable, semble être l'exemple le plus riche d'enseignements pour notre pays». «La délocalisation vers les régions de la plus grande part possible de la décision socio-économique et politique, permettra de créer, responsabiliser et contrôler de véritables autorités loco-régionales autonomes.» C'est ce qu'appelle Sadi «La régionalisation modulable». En fait, l'idée n'est pas aussi nouvelle que cela: Sadi ne ferait que rejoindre la thèse d'une certaine élite qui plaide pour l'obsolescence du jacobinisme pour la centralisation du pouvoir. Ce discours aurait même le vent en poupe et jouirait en quelque sorte d'un effet de mode. Cette conception ne serait pas étrangère au Président de la République, quoique non dans une version aussi finalisée et prête à l'emploi. L'objectif étant surtout de mettre fin aux opérations scabreuses de la mafia locale. D'ailleurs, même très timides, des options officielles, au plan économique donnent à penser que les autorités en place, sont loin d'ignorer la nécessité d'un tel repositionnement. En conclusion, la seule issue pour ces deux hommes d'échapper à «l'hérésie» sociopolitique est de bâtir sur du terrain solide: celui linguistique. Le schéma de la «régionalisation linguistique» fonctionnant déjà outre-mer, en l'occurrence en Espagne et, à un degré moindre, en France. Avec des résultats satisfaisants.