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“Notre démarche profitera à tous les Algériens et à l'Afrique du Nord en général” Ferhat Mehenni. Président du MAK et du « Gouvernement provisoire kabyle »
Ayant nommé, mercredi dernier, « le gouvernement provisoire de Kabylie (GPK) », Ferhat Mehenni tente ici d'expliquer sa démarche. Il se montre convaincu de la justesse du pas qui vient d'être franchi. Sans formuler de critiques à l'égard de ces détracteurs, Ferhat Mehenni estime qu'avec l'installation de ce gouvernement, « le pouvoir algérien a désormais un interlocuteur de taille avec qui il peut négocier pour résoudre le conflit qui l'oppose à la région de la Kabylie ». Vous venez de nommer le gouvernement provisoire de Kabylie. Voilà que vous passez à l'acte… Le signe indien est enfin vaincu. Fort des échecs répétés des entreprises politiques kabyles depuis 1962, il était temps que nous en tirions tous les enseignements. Nous n'avons plus à reproduire les réflexes et les idées qui nous faisaient tourner en rond, sans nous en rendre compte, depuis 45 ans. L'incurie du pouvoir a fait le reste. Au lieu de répondre favorablement à nos revendications, il a sous-estimé notre détermination et la qualité du personnel politique du MAK. Il a cru devoir, une fois de plus, jouer à l'usure par l'indifférence. Il était prévisible qu'après ce qui était arrivé aux archs et après avoir humilié, à travers eux, la Kabylie en signant des accords que ce pouvoir a reniés et jetés aux oubliettes au grand désespoir des parents des victimes du printemps noir ; des femmes et des hommes allaient enfin pénétrer sa nature et n'attendre plus rien de sa part. C'est cette attitude irresponsable de l'ensemble de la chaîne décisionnelle algérienne qui est sanctionnée par l'histoire et qui nous a poussés vers cet acte salvateur pour le peuple kabyle de mettre sur pied un gouvernement provisoire en exil. Un gouvernement provisoire. Pourquoi ? Seule une incarnation gouvernementale de la Kabylie, donnant de la voix sur les plans national et international, est de nature à, enfin, réunir toutes les conditions à même de solutionner la question kabyle que certains espéraient dissoudre avec le temps. C'est par exemple ce qui manquait dramatiquement en 2001-2003. Désormais, il y a un interlocuteur de poids en face du pouvoir pour ouvrir, dans la responsabilité et la transparence, une nouvelle ère dans les relations entre lui et la Kabylie. Ce qui avait toujours fait défaut aux deux dans le conflit qui les oppose depuis l'indépendance de l'Algérie, c'était un acteur comme ce gouvernement kabyle. Aujourd'hui, nous l'avons créé pour être un instrument idéal au service de la paix. L'autonomie de la Kabylie est devenue une exigence absolue pour en finir avec cette défiance mutuelle, mettre un terme au conflit qui oppose la Kabylie au pouvoir algérien. Il vaut mieux en saisir l'opportunité avant que cela n'aille plus loin. Des voix se sont élevées pour contester la légitimité de la démarche... C'est le propre de la démocratie de permettre l'expression d'une opposition et c'est dans la qualité et la culture des démocrates de l'accepter. Il va sans dire que la démocratie fait rarement l'unanimité. Vous savez si, en 1954, les acteurs politiques décisifs avaient attendu d'avoir le consensus avec Messali, les oulémas et Ferhat Abbas, le 1er novembre n'aurait jamais eu lieu. Nous restons pour autant ouverts au dialogue avec tous. Des membres fondateurs du MAK considèrent la proclamation d'un gouvernement provisoire comme une démarche précipitée qui compromettrait le projet de l'autonomie de la Kabylie. Qu'en pensez-vous ? C'est rassurant ! Ce n'est donc qu'une question de calendrier. Sur le principe tout le monde est d'accord. Les citoyens de Kabylie sont-ils prêts à accepter ce projet ? Si vous parlez du projet d'autonomie de la Kabylie, le débat est derrière nous. Les marches populaires de l'année dernière et de cette année ont prouvé sa légitimité et son enracinement significatif et durable dans la société kabyle. Pour ce qui est du GPK, les dizaines de milliers de messages reçus d'anonymes nous confortent dans l'idée que sa naissance est plutôt une délivrance et permet tous les espoirs. C'est un jour nouveau qui se lève sur la Kabylie. Les partis politiques comme le FFS et le RCD, qui ont un ancrage dans la région de Kabylie, s'opposent au projet du MAK. Ne craignez-vous pas que le projet de l'autonomie soit « un projet mort-né » ? Il me semble que la configuration du champ politique kabyle n'est plus celle d'il y a vingt ans. Les archs et le printemps noir sont passés par là. Les élections municipales d'octobre 2002 et la présidentielle de 2004 ont eu raison de ces deux partis pour lesquels je garde respect et considération. Je leur lance un appel au dialogue et à la fraternité. Le GPK est l'enfant de la Kabylie. Il est donc aussi le leur. Des parties de la société vous prêtent l'intention de diviser le pays. Qu'en dites-vous ? Des esprits étroits me prêtent cette intention. Des carriéristes et des opportunistes en mal de médiatisation pensent qu'en enfourchant le cheval du national-chauvinisme, ils se feront mieux remarquer en m'accusant de vouloir diviser le pays. Ceux-là, ils participent de deux phénomènes : le renforcement du racisme antikabyle et la dislocation de l'Algérie. Notre pays a l'obligation d'évoluer vers la liberté et la démocratie. Tous ceux qui œuvrent à entretenir le statu quo ne font qu'enfoncer le pays dans la division. C'est la volonté de réduire l'identité et la forte personnalité de la Kabylie qui le mènera vers son implosion. Je tiens à rappeler ce que nous disons depuis toujours au reste des Algériens : nous ne sommes pas des ennemis comme un certain personnel politique et une certaine presse raciste essaient de le faire croire. Nos droits que nous allons arracher profiteront à tous les Algériens quelle que soit leur identité, voire à tous les Nord-Africains, si ce n'est à l'ensemble des pays anciennement colonisés d'Afrique ou d'Asie. N'écoutez pas les discours de la haine. Nous n'avons que respect pour tous. Bio express Fondateur du Mouvement pour l'autonomie de la Kabyle (MAK), chanteur et ancien militant du Mouvement culturel berbère, Ferhat Mehenni dit Ferhat Imazighen Imula est né le 5 mars 1951 au village Maraghna à Illoula Oumalou, Tizi Ouzou. En 1980, il est parmi les 24 détenus du printemps berbère. Condamné à trois ans de prison en 1985, il est gracié en 1987. Il est l'un des quatre fondateurs, avec le défunt Mustapha Bacha, Mokrane Aït Larbi et Saïd Sadi, du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Il en a démissionné fin mai 1997. Il a créé le Mouvement culturel berbère MCB-Coordination nationale le 4 avril 1993 puis le MCB-Rassemblement national à la fin du boycott scolaire de 1995. En 2001, suite au printemps noir, il prône comme solution à la sortie de crise dans laquelle se débat depuis l'Indépendance l'Algérie, l'autonomie régionale et fonde le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie. Ferhat Mehenni est l'auteur d'un livre, Algérie : la Question kabyle, publié en 2004 à Paris aux Editions Michalon.