les franges du mouvement se livrent une bataille sans merci. Le mouvement citoyen de Kabylie est aujourd´hui à la croisée des chemins. Les actions menées sur le terrain par les animateurs du mouvement convergent toutes vers l´idée d´une conférence nationale, mais les objectifs avoués et inavoués sont différents, voire s´opposent fondamentalement. Le mouvement des ârchs, scindé en trois grandes tendances, reste, bien entendu, solidaire sur la question de la satisfaction «pleine et entière» de la plate-forme d´El-Kseur. Mais sur le plan de la prospective, donc stratégique, les franges du mouvement se livrent une bataille sans merci. Depuis que le Front des forces socialistes (FFS) a tiré son épingle du jeu en décidant de participer aux élections locales du 10 octobre «pour conjurer le sort» macabre réservé à la Kabylie, le rapport de force au sein du mouvement a été rompu. Les délégués influents du parti de Aït Ahmed qui ont office aujourd´hui d´élus ont créé un vide immense qu´il faut combler à tout prix. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), en passe d´être rayé de la carte politique et électorale nationale, veut embrigader ce qu´il qualifie de «résistance patriotique» au régime. Même si, pris individuellement, ses éléments influents au sein des ârchs ne sont pas hostiles à l´idée d´une solution qui passe par le dialogue, ils demeurent intraitables sur la dissolution des assemblées élues. Mais le RCD est surtout conscient que cinq ans de privation de vie institutionnelle peuvent s´avérer fatals pour sa survie. Des rapports de wilayas antérieurs au double scrutin de 2002 avertissaient d´ailleurs de la saignée qui frappait ses rangs. En outre, et selon des informations fraîches, des militants du parti de Sadi seraient en train de rallier plus radical que lui, en l´occurrence le Mouvement pour l´autonomie de la Kabylie (MAK) de Ferhat M´henni. Une autre tendance voit le jour dans la nébuleuse des ârchs. Pilotée par des transfuges du RCD, cette mouvance ambitionne de fédérer le mouvement pour en faire une rampe de lancement à un projet de parti politique en gestion. Le Mouvement des forces libres (MFL), composé essentiellement d´anciens animateurs controversés du Mouvement culturel berbère (MCB), se présenterait comme une alternative au FFS et au RCD, accusés d´avoir troqué la cause pour des intérêts politiciens. Cette ruse, qui consiste à miser sur la neutralisation de ces deux partis, nous rappelle étrangement le triste épisode de 1989 lorsqu´une poignée de militants de la cause amazighe, a appelé aux assises du MCB comme prétexte à la création du parti du RCD. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette tendance, bien qu´assurée de soutiens financiers et politiques très forts, souffre d´un déficit criant en représentativité. La tendance, qui semble se présenter comme l´alternative à toutes ces alternatives, puise sa substance de la conjoncture particulière, marquée par le silence des autorités et la voie ouverte à la surenchère. Ces dialoguistes tentent aujourd´hui de se poser en tant qu´interlocuteurs du pouvoir. Partisans d´un geste fort en direction des ârchs, ces animateurs ne cessent de marquer des points sur un échiquier politique marqué par le risque de voir la Kabylie faire le saut vers l´inconnu. Dans ce sens, on croit savoir que la grève de la faim des détenus au péril de leur vie et l´exploitation éhontée qui en est faite, a contribué grandement à la décantation dans la mouvance citoyenne. L´enjeu aujourd´hui est l´inscription de la conférence nationale à l´ordre du jour du prochain conclave des ârchs. Après un énième report, les partisans des assises du mouvement pourraient triompher si le pouvoir cède par la libération des détenus.