Il est fort à parier que l'embuscade qui a été tendue aux policiers est l'oeuvre du Gspc de Abdelkader Saouane. Un groupe terroriste, composé d'une quinzaine d'hommes, a assassiné, dans une embuscade, quatre policiers qui patrouillaient hier, très tôt dans la matinée. L'importance des douilles récupérées le lendemain renseigne sur le feu nourri dont a été victime la patrouille de police, et dénote l'importance du groupe qui a tendu à l'embuscade. «Une quinzaine» affirment les uns, «plus d'une vingtaine», soutiennent les autres. Les rares témoignages récoltés insistent sur le nombre élevé du groupe auteur du massacre. Le scénario terroriste s'est déroulé comme suit : un premier groupe attendait le passage de la patrouille au niveau du cimetière de la ville, alors que le second la guettait au niveau du pont. Dès que le véhicule de police fut en ligne de mire, il a été pris sous un feu nourri. Plus de cent balles d'armes automatiques diverses furent tirées, et les policiers, touchés de la sorte, ont été tués sur le coup sans avoir eu le temps de riposter. Il était 2h 40. Le deuxième groupe, qui a assisté en retrait à l'attentat, a accouru vers la voiture de police pour récupérer les vêtements et les armes et ensuite se replier vers les monts boisés des alentours. Lorsque les premiers secours arrivent, il était déjà trop tard. Les policiers sont tous morts et les terroristes enfuis. Les citoyens de la ville assurent que c'est le premier attentat terroriste depuis plusieurs années. Les connaisseurs des mouvements terroristes pointent un doigt accusateur sur Abdelkader Saouane, chef de guerre, qui s'est séparé depuis 1997 du GIA, en créant son propre groupe: le Groupe salafiste pour la prédication et le djihad (Gspd). Fort d'une soixantaine d'hommes, ce groupe, qui se place plus près du Gspc que du GIA, dont il dénigre les attentats contre les civils, se veut le champion du «salafisme djihadiste» en optant pour des attentats ciblés et une stratégie calculée pour une véritable guerre d'usure et une vie en symbiose avec les autochtones, à la façon du Gspc en Kabylie et de Mustapha Akkal et sa Katibat el-Ahouel dans l'ouest du pays entre 1994 et 1997. Le fief traditionnel du Gspc est Derag, les monts environnants, à l'ouest de Médéa. Mais, depuis 2000, et sous les coups répétés des militaires, ces contreforts ont été abandonnés. Le groupe de Saouane, alias Abou Thoumama, privilégie le «mouvement perpétuel» («El-haraka ed-dâima», dans la terminologie du groupe). L'aire d'activité du groupe devient, donc, l'espace compris entre Djendel et le littoral nord, en passant par Oued Djer, Miliana et Boumedfaâ. Les monts boisés de Tenès, Beni Hawa, Gouraya, Damous et Sidi Ghilès, pour leur calme précaire, ont souvent servi de base de repli. Lors d'un reportage réalisé l'été dernier, nous avions souligné les appréhensions des autochtones qui ont, à maintes reprises, fait état de mouvements suspects «sur les hauteurs des djebels». Mais le calme qui prévalait alors a «désactivé» les mécanismes de vigilance chez les services de sécurité. On peut tout aussi bien voir du côté du GIA, dont l'aire d'activité traditionnelle, dans le triangle Blida-Médéa-Aïn Defla, peut toucher par «extension» la côte entre le Chenoua et Tenès, Gouraya comprise. Cette deuxième supposition est justifiée par le fait que le GIA tente de desserrer l'étau sur ses réseaux algérois, en portant la guerre à Tiaret (voir article ci-dessus) et Gouraya, c'est-à-dire à l'ouest de la capitale. Ce qui semble certain aujourd'hui, c'est que la guerre d'usure que mènent les groupes armés peut prendre encore des années. Car ce ne sont pas tant les groupes armés dans les maquis que l'on redoute aujourd'hui, mais les réseaux urbains qui naissent et se régénèrent en ville.