Contre vents et marées colonialistes, «la voix dissidente» a toujours plaidé la cause des opprimés à travers le monde. Il vient de tirer sa révérence à l'âge de 87 ans. Francis Jeanson, le fondateur du «Réseau Jeanson» de soutien au FLN, durant la révolution algérienne, s'est éteint, samedi, à Paris. Ainsi, le combat que le philosophe a mené contre une longue maladie a connu son épilogue. Philosophe français, Francis Jeanson est né en 1922. Fuyant les services de travail obligatoire imposé aux ouvriers français par les nazis, avec la caution du gouvernement Vichy, «la voix dissidente» rejoint les Forces françaises de libération en 1943. Son séjour en Espagne lui a fait découvrir les affres des camps d'internement. Son histoire avec la lutte du peuple algérien pour l'indépendance commence quand il foule, pour la première fois, le sol d'Algérie via le Maroc. A son arrivée, le philosophe des causes justes fut profondément bouleversé par la barbarie coloniale. Suite aux massacres du 8 Mai 1945, l'action et le militantisme de l'intellectuel s'inscriront, résolument, dans son engagement aux côtés des peuples colonisés et de la lutte de la classe ouvrière. Ainsi, l'intellectuel convaincu s'inscrit en faux contre les idées colonialistes réduisant l'Algérie à un simple département français et les Algériens au statut humiliant d'«indigènes». Au déclenchement de la guerre de Libération nationale (1954-1962), l'intellectuel engagé a choisi son camp, celui d'un peuple qui se bat pour sa liberté. Preuve en est, après la publication de l'Algérie hors-la-loi, Jeanson afficha sa grande sympathie au Front de libération national (FLN) et fonda, en 1957, un réseau de soutien qui porta son nom. Le réseau était constitué d'un groupe de militants français, agissant sous ses directives. Parmi les 4000 membres que comptait le réseau, figuraient d'illustres noms. Il s'agit, entre autres, de Jacques Charby, Georges Arnaud, le père Davesies et Hélène Cuénat. Leur rôle principal consistait à collecter et à transporter des fonds et des faux papiers pour les militants du FLN opérant en France, d'où leur surnom de «porteurs de valises». Ses activités pour la cause algérienne le contraignirent à verser dans la clandestinité. Il publia une revue de propagande, Vérité pour, destinée à expliquer le sens de son engagement. Dans une interview récente (2 juin 2009), publiée sur la Toile, il avait affirmé avoir découvert, après un voyage et une tournée en Algérie, «combien les Algériens étaient méprisés par les grands colons et la situation abjecte dans ce pays». Révolutionnaires jusqu'au bout de l'âme et de la plume, Francis Jeanson a affiché une opposition sans concession intellectuelle à Albert Camus. Et pour cause, ce dernier estimait que la révolution portait en elle la négation des libertés. D'inspiration existentialiste, Francis Jeanson a écrit plusieurs livres sur la guerre d'Algérie et son engagement, notamment L'Algérie hors-la-loi, en collaboration avec Colette Jeanson (1955), Notre guerre, aux Editions de Minuit (1960), La Révolution algérienne, problèmes et perspectives (1962) et Algéries, aux éditions du Seuil (1991). Aujourd'hui, l'intellectuel révolutionnaire dort du sommeil du juste.