Après s'être longtemps éclipsée pour céder la place aux disc-jockeys et autres groupes modernes, cet instrument semble retrouver grâce aux yeux de la population. Deux instruments de musique traditionnelle - la «tabla», un tambour à fût profond donnant des sons médiums ou basses, et la ghaïta (appelée aussi zorna dans certaines régions) est un instrument à vent aux sonorités puissantes et enjouées, créent une ambiance particulièrement appréciée des anciens mais aussi, de plus en plus, de jeunes. Ces derniers, lorsque les musiciens se produisent en plein air, s'en donnent à coeur joie en se déhanchant à loisir au rythme des percussions et se laissent même aller à la gestuelle tout en contorsions atypiques de la danse «tecktonik», ce type de sons «se prêtant à merveille à cette chorégraphie branchée», assure Lotfi, 17 ans. Devenues des ingrédients incontournables de la fête, la «tabla» et la ghaïta, jouées par des musiciens installés à l'arrière d'une camionnette bâchée, suivent de plus en plus souvent, à Tarf et dans les villes voisines, le cortège nuptial et parviennent à se faire entendre en dépit du tintamarre des klaxons. Une mère de famille, tout occupée à préparer le mariage de son aînée qui convolera en ce mois d'août, jure éprouver moins de mal à composer le trousseau de sa fille qu'à trouver un «zarnadji» et un «tbaïli», tant ces derniers sont très demandés en périodes de fêtes. Et pourtant, il faut bien qu'elle les trouve, «quitte à en payer le prix fort», lance-t-elle en scrutant le coin de la rue, comme si les deux joyeux lurons tant recherchés allaient, par quelque miracle, apparaître. Devant ce brusque engouement pour «l'animation festive d'antan», l'association culturelle locale «El Firdaous» pour la préservation du patrimoine et des traditions n'a pas lésiné sur les moyens, à en croire son président, pour recenser méthodiquement toutes les troupes folkloriques traditionnelles. Le but recherché est que ces dernières «puissent participer, dans un cadre organisé, à toutes les festivités et cérémonies organisées localement ou à l'échelle régionale et même nationale», assure cette organisation. Tenant à justifier l'opportunité de l'action initiée par son association, il signale que «beaucoup de troupes locales désirent réellement redonner ses lettres de noblesse à ce genre de musique de fêtes» en participant de manière «active et accrue» aux festivals locaux des arts et cultures populaires organisés par la wilaya de Tarf à travers les régions du pays. Assis à même le plancher du véhicule, un «zarnadji» et un «tbaïli», tout en tirant la quintessence de leurs instruments, indifférents à la cohorte de gamins qui courent derrière cette «scène sur roues», trouvent le temps, de saluer d'un regard complice le président de l'association. «Ce n'est pas beau, ça?», soupire ce dernier en adressant aux deux musiciens de grands signes des deux bras. Puis, se sentant interpellé par le regard suppliant de la maman de la future mariée, il la rassure en lui glissant que ses deux «amis» seront bien de la fête lorsque son aînée convolera en justes noces.