Baïtullah Mehsud a probablement été tué mercredi par un tir de missile américain dans son fief tribal du nord-ouest, selon le gouvernement pakistanais et plusieurs sources locales. La mort du chef des taliban du Pakistan, si elle se confirme, serait un coup très dur porté au mouvement extrémiste, selon de nombreux analystes, dont certains estiment toutefois qu'il devrait être remplacé et qu'il en faudra bien plus pour vaincre la rébellion. Baïtullah Mehsud a probablement été tué mercredi par un tir de missile américain dans son fief tribal du nord-ouest, selon le gouvernement pakistanais et plusieurs sources locales. Mais ni Islamabad, qui enquête sur le sujet ni Washington ne l'ont encore officiellement confirmé. «On l'a enterré plusieurs fois par le passé. Mais si cela est exact, il s'agirait d'un événement important: il est devenu le symbole de la guerre des taliban contre l'Etat pakistanais, plus que toute autre personnalité», observe Bruce Riedel, un ancien de la CIA, devenu conseiller de la Maison-Blanche. Bruce Hoffman, expert en terrorisme à l'Université de Georgetown, affirme même qu'«au Panthéon, des dirigeants terroristes, seuls (Oussama) Ben Laden et (Ayman) al-Zawahiri sont plus élevés» que Mehsud, qui était inconnu lorsqu'il a pris la tête des taliban du Waziristan, il y a deux ans. Son élimination serait le signe d'une amélioration des relations entre Américains et Pakistanais, plutôt tendues ces derniers mois, note M.Riedel. «Le drone était bien entendu américain mais l'information sur la cible est probablement venue des Pakistanais. Les Pakistanais ont sûrement voulu le placer sur la liste des cibles américaines», analyse-t-il. Baïtullah Mehsud figure également en haut de la liste des hommes les plus recherchés du Pakistan. On lui attribue l'assassinat de l'ex-Premier ministre Benazir Bhutto, ainsi que nombre des attentats meurtriers qui ont endeuillé le pays ces dernières années, notamment après le début de l'offensive de l'armée contre les taliban dans la vallée de Swat, fin avril dernier. «C'est aussi quelqu'un qui a menacé de commettre des attentats aux Etats-Unis, à Londres et ailleurs», assure également M.Hoffman, estimant même que le Mouvement des taliban du Pakistan (TTP) de Baïtullah Mehsud «devenait manifestement un mouvement international». Reste à savoir comment s'organiserait la succession du chef taliban, dont la garde rapprochée a été en partie décimée par les tirs de drones américains. «Il va y avoir une crise de succession car il sera très difficile de combler le vide», estime Rahimullah Yusufzai, expert des questions tribales au Pakistan. «Il ne saurait y avoir une perte plus grave que celle de Mehsud pour le TTP», observe-t-il. Trois commandants taliban sont cités comme successeurs potentiels de Mehsud par les observateurs américains et pakistanais: Hakimullah Mehsud, Wali Rehman et Qari Hussain, chef du réseau organisant les attentats suicides. Plusieurs analystes pakistanais affichaient une satisfaction prudente. Si elle est confirmée, «l'élimination de Mehsud va avoir des effets positifs pour les populations qui subissaient son régime de terreur», souligne l'universitaire et militante des droits de l'homme, Farzana Bari. Mais cela «ne va pas durer longtemps» car «le groupe repartira avec un nouveau chef», nuance un autre militant des droits de l'homme, Rakhshanda Naz. La mort de Mehsud constituerait «un succès», mais ne signifierait pas «que la guerre est gagnée; cela est loin d'être fait et prendra peut-être des années», souligne hier le journal pakistanais The News dans son éditorial. «La grande bataille sera celle qui permettra de regagner les coeurs et les esprits de la jeunesse pervertie (par l'islamisme). Si nous gagnons cette bataille, alors nous aurons vraiment gagné la guerre», estime-t-il.