Masatoshi Kisaïchi est coauteur du livre Soixante deux chapitres pour connaître l'Algérie paru récemment à Tokyo dans la capitale japonaise. Il est professeur à l'Institut des cultures asiatiques de Sophia University (Tokyo). Il a rédigé la moitié de ce livre de près de 400 pages avec l'historienne Shoko Watanabe qui en a rédigé l'autre moitié. Nous avons rencontré le professeur Kisaïchi, à Alger où il est pour un court séjour afin de poursuivre ses recherches sur notre pays. Il nous a accordé cet entretien. L'Expression: Pouvez-vous nous dire de quoi est constitué votre livre? Masatoshi Kisaïchi: Il s'agit d'une sorte d'encyclopédie sur l'Algérie. Le livre a nécessité deux ans de recherches et d'écriture. Il est constitué, comme le titre l'indique, de soixante-deux chapitres. J'ai personnellement rédigé vingt- cinq chapitres. De son côté Shoko Watanabe en a écrit vingt. Les autres chapitres ont été confiés à des spécialistes japonais ainsi qu'à des hommes d'affaires de notre pays ayant résidé en Algérie durant les années quatre-vingts afin que chacun d'eux puisse raconter sa propre expérience. Depuis quand exactement vous intéressez-vous à l'Algérie? Personnellement, je m'intéresse à votre pays depuis une année et demie mais je visite l'Algérie régulièrement depuis le début des années quatre-vingts. Je viens plusieurs fois par an pour visiter et découvrir les quatre coins du pays. Quant à ma collaboratrice Shoko Watanabe, elle a séjourné deux années entières en Algérie (2007 et 2008) afin de préparer sa thèse de doctorat en histoire. Comment l'idée d'écrire un livre sur l'Algérie est-elle née? L'idée d'écrire ce livre a démarré du constat de l'inexistence de livres en japonais qui parlent sur l'Algérie. Les informations disponibles sur l'Algérie, on peut les trouver dans des ouvrages qui évoquent l'Afrique du Nord en général ou le Maghreb. Il était donc nécessaire pour nous de combler ce vide. Votre livre est-il destiné uniquement aux spécialistes ou bien s'agit-il d'un ouvrage grand public? Même s'il est vrai que nous avons tenu à ce que le contenu du livre soit très profond et de qualité, nous avons, en même temps, pris en ligne de compte l'accessibillité au grand public. C'est un livre que tout lecteur peut lire quelle que soit sa spécialité et pas forcément les historiens. D'ailleurs, l'ouvrage ne se limite pas uniquement à l'histoire, il aborde aussi tous les aspects de la vie en Algérie, y compris la vie quotidienne des Algériens. Pouvez-vous nous citer quelques domaines que traite votre livre? Le livre s'ouvre sur un chapitre qui évoque l'environnement naturel et l'écologie. Ensuite il y a l'histoire en commençant par l'Antiquité, les temps islamiques, la colonisation française et la construction de l'Etat, après l'Indépendance. Dans le chapitre suivant, nous revenons sur la politique et l'économie, puis l'Algérie dans les relations internationales, le Japon et l'Algérie et enfin l'Algérie dans ses différentes vies quotidiennes. Dans cette partie, nous abordons la littérature algérienne, le cinéma, la musique, la gastronomie, l'éducation et l'école... Sur quels principes vous êtes-vous basé pour écrire ce livre? Nous nous sommes basés sur quatre principes. Pour le premier, nous avons eu un besoin de compréhension de l'Algérie à partir de l'intérieur. Jusque-là, les spécialistes japonais se sont basés dans leurs travaux sur des écrits d'auteurs français. Ils ont méprisé le produit académique algérien. Ils n'ont pas utilisé les produits arabes et locaux. Le deuxième principe, les spécialistes du Maghreb au Japon focalisent leurs travaux sur la guerre d'indépendance. Si nous voulons comprendre l'Algérie, je suis persuadé qu'il faut retourner à l'ancienne période. Dans notre livre, nous avons couvert toute l'histoire de l'Algérie. Concernant le troisième principe nous avons relevé qu'à partir des années quatre-vingts, l'Algérie a changé sa position géopolitique qui était tournée vers la France et l'Europe pour passer au Poche-Orient. Nous devions donc, pour écrire notre livre, couvrir l'Algérie à travers le monde arabe et musulman. Nous avons mis en valeur la relation historique entre l'Algérie et le Proche-Orient. Enfin, le dernier principe c'est l'importance que nous avons accordée aux informations sur la vie quotidienne en Algérie. C'est le côté touristique de notre livre car les Japonais ont besoin d'informations pour voyager. Compte tenu de l'importance de votre livre qui intéresserait également les lecteurs algériens, comptez-vous le traduire pour le rendre accessible chez nous? Ce travail est la spécialité de Shoko Watanabe. Pour l'instant nous n'y avons pas pensé. Car avant d'écrire ce livre, nous avons plus pensé au lecteur japonais. Mais il y a un grand nombre de chapitres qui peuvent intéresser les Algériens comme les parties sur le patrimoine moderne ainsi que le chapitre sur le Japon et l'Algérie. La traduction dépendra des échos qu'aura ce livre. Qu'avez-vous à dire sur le regard qu'ont les Algériens sur leur histoire? Des pages importantes de l'histoire de l'Algérie sont occultées par l'histoire officielle qui s'intéresse en grande partie seulement à la guerre d'Indépendance qui est bien entendu importante. Lors des conférences que j'ai animées en Algérie, j'ai été surpris, par exemple, de constater que la majorité ignorait que saint Augustin était Algérien. Le même constat est à faire sur Ibn Khaldoun. Peu savent que Ibn khaldoun, qui est un génie, a poursuivi l'écriture d'El Muqadima, à Frenda, dans l'ouest algérien. Le même sort est réservé à la Kahina. Il y a dix ans, j'ai été à Tunis et j'ai visité un endroit où sont érigées des statues des hommes les plus importants de ce pays et j'ai trouvé celles de saint Augustin et de Ibn Khaldoun. Nous remarquons que votre livre est plein d'illustrations sur différentes époques de l'Algérie. C'est la maison d'édition Alrashi Publisher qui nous a demandé des photos. Nous avons donc Shoko et moi pris des photos lors de nos différents déplacements. Nous avons également exploité des photos d'archives sur les périodes anciennes.