Quatre minutes résument les trois jours de liberté, de musique et de rejet de la guerre du Vietnam que fut Woodstock: la déconstruction de l'hymne américain par Jimi Hendrix. Il y a 40 ans, du 15 au 18 août, plus d'un demi-million de jeunes avaient campé à Bethel, un village proche de New York, pour se repaître de Jimi Hendrix et Janis Joplin, de marijuana, de nudité, de signes de paix et d'amour, de boue et de musique à tue-tête. Pour ceux qui étaient là, Woodstock a été un moment magique: il n'y avait plus de règles, les hippies avaient pris le pouvoir et des géants du rock comme Jimi Hendrix étaient à leur zénith. C'était l'époque ou amour, drogue, sexe et - rock triomphaient - en grande pompe en 1969. Le festival tire son nom du village où il aurait dû initialement avoir lieu. Mais face à l'affluence imprévue, les organisateurs avaient déplacé au dernier moment le concert vers le village voisin de Bethel, dont le nom n'est pas passé à la postérité. Quarante ans plus tard, si la fameuse colline en forme d'amphithéâtre n'a pas bougé, les messages des panneaux ont radicalement changé, à l'image des hippies de jadis: «Tabac, alcool et drogue interdits». «Tentes, parasols, camping interdits» et, c'est bien le comble: «musique forte interdite». En fait, il y aura quand même de la musique le 15 août, mais avec une poignée de groupes survivants de Woodstock et une foule modeste rigoureusement contrôlée. La célébration du 40e anniversaire du plus grand concert de rock de tous les temps comprend aussi la projection d'un film d'Ang Lee, Taking Woodstock, qui sort ce mois-ci aux Etats-Unis, et une floraison de livres et de disques. L'idée de faire un «Woodstock bis» s'est invitée pendant des années dans la tête des organisateurs du festival. Mais l'esprit de 1969 n'est plus là. Ils n'ont pas non plus réussi à établir de bonnes relations de travail avec les propriétaires actuels du site et du musée. Et quand l'un des principaux organisateurs, Michael Lang, a évoqué plusieurs projets pour célébrer les 40 ans du festival, dont un concert à New York, personne n'a suivi. Il faut dire que son dernier exploit -un concert pour le 30e anniversaire en 1999- s'était achevé en émeute. Aujourd'hui, les visiteurs se garent dans un immense parking surveillé, traversent une pelouse manucurée avant de payer 13 dollars pour entrer dans le musée où fleurissent les écrans interactifs. Les expositions y racontent l'histoire du concert et des turbulences de l'époque avec l'assassinat de Martin Luther King, la guerre du Vietnam et la conquête de la Lune, un mois à peine avant le festival. Les spectateurs peuvent aussi se promener à bord d'un minibus psychédélique. Tout cela a un parfum de parc à thème. Craig Wiseman, 49 ans, qui visite le musée avec deux amis soupire: «C'est devenu quelque chose qui n'aurait jamais dû être ainsi.» «J'avais neuf ans» en 1969 et j'ai raté Woodstock, déplore-t-il. «Si seulement j'avais eu dix ans de plus!» Décès, carrière phénoménale ou descente aux enfers, les artistes de Woodstock ont connu des destins divers, mais nombre d'entre eux continuent de jouer 40 ans après et restent marqués par les idéaux du «summer of love». Quatre minutes résument les trois jours de liberté, de musique et de rejet de la guerre du Vietnam que furent Woodstock: la déconstruction de l'hymne américain par Jimi Hendrix. C'est l'apogée du guitar hero. Après une dernière prestation mitigée au Festival de l'île de Wight, il est retrouvé mort à 27 ans, le 18 septembre 1970. La voix brisée de Janis Joplin s'éteint un mois plus tard. Leur décès, ainsi que ceux de Brian Jones et Jim Morrison à quelques mois d'intervalle, symbolise la fin d'une époque marquée par l'expérimentation de drogues en tous genres.