Le Liban est sans gouvernement plus de deux mois après les législatives qui ont donné la majorité au Courant futur du fils de l'ancien Premier ministre assassiné, Rafic Hariri. Plus de deux mois après les législatives du 7 juin remportées par la coalition soutenue par l'Occident face au camp mené par le Hezbollah, le Liban n'est toujours pas doté d'un gouvernement d'union, les négociations achoppant notamment sur la répartition des portefeuilles. Bien que le Premier ministre, désigné le 27 juin, Saâd Hariri eut assuré jeudi que la nouvelle équipe «verra le jour, et aussitôt que possible», les âpres discussions traînent en longueur et pourraient bien durer jusqu'après le mois de Ramadhan selon la presse, soit après la fin de l'été. Les deux camps rivaux avaient franchi un obstacle majeur il y a quelques semaines en se mettant d'accord sur le nombre de postes attribués à chaque partie au sein d'un cabinet de 30 ministres. Selon cette formule, en vertu de laquelle le Hezbollah et ses alliés n'obtiendront pas «la minorité de blocage» qu'ils réclamaient, la majorité aura 15 ministres, contre 10 pour la minorité et cinq ministres «neutres» choisis par le président de la République. Mais les consultations bloquent maintenant sur la nature des portefeuilles et les noms des ministres. La majorité accuse l'un des alliés du Hezbollah, le chrétien Michel Aoun, qui est à la tête du deuxième groupe parlementaire, d'entraver la formation du gouvernement en voulant maintenir son gendre Gebrane Bassil à la tête du ministère des Télécommunications, accusations rejetées par M.Aoun. De plus, des partis des deux bords se disputent les quatre portefeuilles clés: les Finances, la Défense, les Affaires étrangères et l'Intérieur. La complexité de la répartition des portefeuilles s'explique par le fait que chaque gouvernement libanais doit, selon la Constitution, garantir la participation des principales communautés du pays (sunnites, chiites, druzes, maronites, grecs-catholiques, grecs-orthodoxes, arméniens). La division des partis politiques à caractère confessionnel entre deux camps opposés rend la tâche encore plus difficile. Le deuxième obstacle se situe au niveau de la majorité elle-même. Il y a deux semaines, l'un des piliers de cette coalition, le leader druze Walid Joumblatt, a effectué une volte-face fracassante en annonçant qu'il «quittait la majorité», avant de nuancer ses propos 24 heures plus tard, créant un casse-tête pour son allié, M. Hariri. Selon les analystes, cette position a brouillé les cartes et retardé encore plus la formation du gouvernement. «Le problème pour la majorité est que parmi les 15 portefeuilles qui lui ont été attribués se trouvent des postes accordés au parti de M.Joumblatt, or la coalition sent qu'elle ne peut plus compter sur lui», affirme Paul Salem du centre Carnegie pour le Proche-Orient. Des responsables de la minorité sont allés jusqu'à affirmer qu'il n'y avait plus de véritable majorité dans le pays après le revirement de M.Joumblatt. Mais observateurs et hommes politiques assurent que cet immobilisme ne risque pas de plonger le pays dans une nouvelle crise, notamment à la lumière d'un contexte régional favorable. «Au cours des dernières années, les deux camps étaient au coeur d'une crise aiguë et leurs alliés régionaux étaient dans une situation d'antagonisme, aujourd'hui la situation est plus calme», explique Ammar Houry, député du bloc de M.Hariri, en référence à la crise de trois ans qui a failli plonger le pays dans une nouvelle guerre civile. Les relations tendues entre la Syrie, qui appuie le Hezbollah et ses alliés, et l'Arabie Saoudite, l'un des principaux soutiens à la majorité, ont connu un réchauffement en début d'année. M.Salem estime pour sa part que «tous les gouvernements de coalition au Liban ont pris beaucoup de temps. Cette situation n'est pas anormale».