«Nous sommes des professionnels du métier. Après 26 ans de carrière artistique, nous sommes restés toujours les mêmes». Après avoir gratifié son public par sa légendaire guitare électrique, samedi soir à l'occasion de la 4e soirée du festival de Djemila, le maître de cet instrument, Lotfi Attar, livre à L'Expression ses impressions sur cette initiative ainsi que sur la situation de la chanson algérienne. L'Expression: L'Algérie organise cette 2e édition du Festival de Djemila sous le signe de solidarité avec les Libanais et les Palestiniens. Que représente pour vous cela? Lotfi Attari: Je trouve que c'est le moindre geste qu'on puisse faire envers un peuple complètement écrasé et agressé. Notre pays a toujours été solidaire avec les peuples victimes d'agressions politiques. Donc, l'artiste a un rôle à jouer dans sa société en ses moments, il a un message artistique à faire passer à son public. Sinon je ne sais pas à quoi ça sert de se déclarer artiste. Je tiens à souligner que ce que vit le Liban aujourd'hui, nous l'avons vécu en Algérie. Nous aussi, nous avons traversé une étape très difficile. Dans ces moments-là, notre groupe a toujours défendu sa Nation et son pays. Autrement dit, quant notre mère est malade, on est obligés de la soutenir et d'être à ses côtés. On n'a pas le droit de l'abandonner. Donc, je dis que nous avons défendu notre pays, notre identité et notre culture. J'ai toujours chanté la paix. Donc, le peuple Libanais a besoin de solidarité dans ces moments de guerre. Alors peut-on comprendre que c'est un message que vous voulez transmettre aux autres artistes? Ce n'est pas évident. Car, chaque artiste sait ce qu'il fait dans sa vie. Chacun sait dans quoi il est engagé. Il y a ceux qui ne défendent jamais des causes et il y a ceux qui sont engagés. Je trouve que ce n'est pas uniquement dans des moments pareils qu'on doit se montrer solidaires en montant sur scène pour chanter une chanson de solidarité d'un autre artiste et puis plus rien. Donc, chaque chanteur sait ce qu'il fait. Mais il est intéressant pour un artiste de soutenir les causes justes. En tant que groupe engagé quelle «analyse», faites-vous sur la guerre du Liban? Je ne suis pas un politologue, mais j'avoue seulement que tous ces scénarii sont montés à l'avance. C'est-à-dire tout a été planifié il y a longtemps. On est en train d'exécuter une politique dont sa stratégie remonte à un bon nombre d'années déjà. D'ailleurs, on établit une politique à long terme, pour arriver à ce genre de guerre. Revenons à votre groupe. Préparez-vous un nouveau produit? Je dis que nous avons toujours quelque chose de nouveau à présenter. Mais le problème n'est pas là. Nous avons du nouveau, mais il en stagnation. On ne peut pas l'envoyer sur le marché. Vous allez me dire pourquoi? La réponse est claire ; en plus de la mauvaise qualité de production, on est menacés par le phénomène de piratage qui a conquis le marché ces derniers temps. Donc, un artiste, même s'il a un nouveau produit, il ne peut le commercialiser. Il y a un manque de contrôle sur le marché, voilà! On attend jusqu' à ce que la situation change pour lancer un nouveau produit sur le marché. Nous avons quelque chose de nouveau comme nous l'avions fait en 1983 et pour les autres années. Dans cette situation, la chanson algérienne risque une stagnation. Suivant cette logique, il n'y aura pas de nouveau sur le marché... La chanson algérienne ne risque pas une stagnation, mais elle est plutôt stagnée. Elle est stagnée de A à Z. Il n'y a rien de nouveau. Il n'y a pas un travail de recherche. Il n'y a pas de bagage artistique. On manque de professionnalisme, on fait n'importe quoi et n'importe comment. D'ailleurs, si on regarde de près notre jeunesse, on la trouve à 80% branchée sur la chanson internationale. Cette nouvelle jeunesse a une écoute attentive. Elle aime écouter la bonne qualité. Car, elle ne trouve pas quoi écouter en Algérie. Donc, les jeunes cherchent une belle musique, de bons textes, un travail raffiné. Il est révolu le temps où la chanson algérienne était écoutée à l'étranger. Actuellement, elle est mal représentée. Quelle est la solution adéquate à cette situation? Il faut d'abord contrôler le marché. Que chacun tienne son rôle. Ceux qui ne sont pas capables, qu'ils ferment leurs portes. L'Onda, à titre d'exemple, doit jouer son rôle. Même s'il est difficile de contrôler le marché, elle peut, néanmoins, débloquer cette situation de stagnation. On gagne de l'argent à travers les timbres, donc on doit jouer notre rôle, sinon ça ne sert à rien d'en parler. De son coté, le producteur ne pense qu'à l'argent. Rien ne l'intéresse. Ce n'est pas la qualité du produit, ni autre chose qui l'intéresse. Son seul souci est comment se remplir les poches. C'est pour ces raisons que je vous dis que la situation est bloquée. Ce n'est pas facile de parler du nouveau. L'artiste reste le plus grand perdant dans tout cela. Vous parlez d'une stagnation, au moment où la scène artistique nationale ne cesse de connaître de nouveaux noms, et ce, dans tous les styles. Ces chanteurs sont-ils concernés par les problèmes que vous venez de citer? Ecoutez, on ne doit en aucun cas, mettre tous les artistes dans le même sac. Il y a toujours une différence entre les artistes. Malheureusement, il y a encore ceux qui ne comprennent pas cela. Il y a le genre d'artistes qui n'investissent pas beaucoup. Je parle comme ça, j'ai toujours été un serviteur de chanson. Ces gens ont toujours une manière ou une autre de gagner de l'argent. Ils chantent dans les cabarets. Ils chantent quand quelqu'un a eu son Bac ou la 6e, ils chantent même dans des anniversaires. Donc, ils gagnent de l'argent d'une manière ou d'une autre. Cela n'est pas notre cas. Nous sommes des professionnels du métier. Moi, je ne chante jamais dans les cabarets. Comme je l'ai dit, j'ai toujours défendu l'identité et la culture algériennes. Donc, il y a ceux qui profitent de cette situation pour faire de l'argent. C'est dans ce sens, que je vous dis, qu'il ne faut jamais mettre les artistes dans le même sac. Chacun porte le costume qui lui convient. Bref, après 26 ans de carrière artistique, nous sommes restés toujours les mêmes. Vous dites que vous êtes sur la même lancée que les années 1970 et 1980, même si votre groupe a connu un changement radical. C'est tout a fait normal qu'il y ait des changements et des va-et-viens. C'est très logique. C'est comme une équipe de football, il y a des joueurs qui partent et d'autres qui arrivent et l'équipe fonctionne toujours. Cela me permet de reculer pour bien rebondir. Et je pense que c'est très bien parti pour nous. Beaucoup de gens vont être surpris quant ils écouteront notre nouveau produit.